Les paradoxes du consommateur responsable : entre convictions et contradictions
Les “paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de demain.” Cette citation de Marcel Proust résume les tensions entre les aspirations vertueuses des consommateurs français et la réalité de leurs comportements.
Portés par une prise de conscience collective sur les enjeux environnementaux et sociaux, jamais les Français n’ont été aussi sensibilisés aux impacts de leur consommation. 76% [1] d’entre eux accordent de l’importance aux méthodes de production des produits alimentaires (production locale, française, dans de bonnes conditions, respectueuses de l’environnement…) et dans le même temps 56% [2] des foyers ne sont pas forcément d'accord pour payer plus cher un produit respectant l'environnement.
Payer plus cher pour défendre ses convictions, pas si évident que ça pour une large part des foyers français !
Le fameux pouvoir d’achat est peut-être le premier frein à une consommation plus responsable. Le baromètre de la consommation responsable, réalisé pour Greenflex et l’Ademe, montre que 72% des sondés se déclarent prêts à changer leurs habitudes pour adopter un mode de vie plus durable. Cependant, cette bonne volonté se heurte à des freins multiples : le coût souvent plus élevé des produits responsables, la multiplicité des informations parfois vécues comme des injonctions, et, surtout, l’effort requis pour modifier des routines bien ancrées.
Malgré leur volonté d’agir, les consommateurs continuent d’être attirés par des promotions alléchantes, la rapidité des livraisons express ou la praticité des produits jetables. Ce décalage reflète l’incapacité à aligner pleinement leurs choix avec leurs valeurs.
Un autre paradoxe réside dans la contradiction entre l’envie de mieux consommer et la tentation de consommer toujours davantage. Conscientes de cette ambivalence, les marques adaptent leur discours en valorisant des produits bio, éco-conçus, fabriqués en France ou zéro déchet. Toutefois, nombreux sont les consommateurs qui achètent ces produits "verts" pour atténuer leur culpabilité, sans pour autant diminuer leur volume global de consommation. Ce phénomène, parfois qualifié de moral licensing, illustre comment un achat perçu comme responsable peut devenir une permission implicite pour des comportements moins vertueux.
Enfin, le consommateur-citoyen reflète les clivages de la société actuelle : les plus engagés renforcent leur mobilisation, tandis que les plus réfractaires se replient davantage. Pourtant, au-delà de ces paradoxes, le consommateur responsable traduit avant tout une aspiration au changement. Si les contradictions sont inévitables, elles traduisent une phase de transition où chacun cherche à trouver un équilibre.
Plutôt que de stigmatiser ces incohérences, nous devons les considérer comme des opportunités. C’est dans cet espace intermédiaire, entre intention et action, que peuvent émerger des solutions innovantes.
Le retail media offre des perspectives uniques pour surmonter ces paradoxes et accompagner les consommateurs vers des choix plus responsables. Grâce à ses outils et à la richesse des données qu’il mobilise, il peut jouer un rôle essentiel en alignant les aspirations des consommateurs avec leurs comportements concrets.
Il permet notamment de proposer des recommandations personnalisées en tenant compte des besoins, des budgets et des préférences individuelles. De plus, le retail media peut faire de la publicité un véritable levier pédagogique via les informations clés (origine des ingrédients, empreinte carbone, labels, engagements éthiques des marques) ou les explications sur les bénéfices environnementaux et sociaux des produits proposés.
En utilisant les données pour guider les choix, en sensibilisant et en récompensant les comportements responsables, le retail media peut créer des passerelles entre intentions et réalité, et ainsi contribuer à transformer les envies de consommer mieux en actions concrètes et durables.
Reste aux acteurs du secteur, au-delà de sa simple dimension commerciale, à utiliser le potentiel du retail media pour informer et proposer des contenus pour encourager une consommation plus responsable, avec davantage de contenu et de transparence.
Des programmes existent et font leur preuve : surexposer gratuitement les labels engagés pour aider les consommateurs à faire des achats plus responsables ou valoriser les marques engagées auprès des consommateurs sont autant de leviers. D’autres sont certainement encore à murir pour aider les consommateurs à dépasser leurs contradictions.
Sources : [1] & [2] 2024 Nielsen Consumer LLC
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).