Marques et influenceurs : une alliance risquée ?
Les propos des influenceurs ont indéniablement une influence sur l'opinion et la consommation, selon l’étendue de leur audience sur les réseaux sociaux. Certains sont ainsi suivis par des millions d’internautes, au point de devenir des marqueurs de tendances indispensables aux marques.
Pourtant, les marques peuvent faire l’objet de publications négatives qui leur sont préjudiciables.
Plusieurs types de contenus peuvent être de nature à déprécier l’image d’une marque : critiques de produits, bad buzz, appel au boycott, promotion de contrefaçons…
L’influenceur peut-il être responsable d’une atteinte à une marque ? Toutes les publications négatives sont-elles répréhensibles ?
Par ailleurs, que peuvent faire les marques pour lutter efficacement en cas de dérives illicites ?
Jusqu’où la liberté d’expression protège-t-elle les influenceurs ?
En vertu de la liberté d’expression, les influenceurs sont libres de communiquer comme ils l’entendent.
Ainsi, les marques sont contraintes de tolérer des avis négatifs et critiques. C’est le cas notamment de grandes marques comme DOLCE&GABBANA, H&M, ou encore L’OREAL, qui ont été victimes de mouvements de bad buzz et même d’appels au boycott, partant de messages relayés sur des réseaux sociaux.
Certaines publications négatives sont de nature à outrepasser les limites de la liberté d’expression et engager la responsabilité de leurs auteurs.
C’est le cas principalement de publications susceptibles de constituer des actes de dénigrement, des actes de diffamation ou encore faisant la promotion de contrefaçons (un fléau très présent sur les réseaux sociaux).
Les décisions judiciaires ayant reconnu le caractère illicite d’une publication d’un influenceur sont assez rares, peut-être afin d’éviter que l’affaire ne se médiatise trop.
Un exemple récent peut néanmoins être cité : par un jugement du 24 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris a reconnu le caractère dénigrant de la publication sur les réseaux sociaux du texte « C’est quoi cette « merde ». Il faut vite le jeter dans le feu » au motif qu’elle « excède l’humour et la dérision que le droit de libre critique compris dans la liberté d’expression pouvait autoriser à l’occasion du lancement du premier magazine, et caractérise l’acte de dénigrement ».
Mais que les marques se rassurent, elles peuvent agir contre de telles dérives.
Réactions et actions des marques face aux dérives
Les marques ne sont pas tenues de rester passives face aux dérives des influenceurs qui peuvent porter atteinte à leur image.
Les réseaux sociaux, eux-mêmes, ont prévu des outils pour permettre aux marques de se défendre et, si ceux-ci ne suffisent pas ou ne sont pas parfaitement adaptés au cas d’espèce, les marques pourront recourir à des actions en justice.
En effet, il est parfois nécessaire de recourir à la voie judiciaire, notamment pour obtenir légalement l’identité des auteurs de la publication et tenter d’obtenir une condamnation à des dommages et intérêts.
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).
Cela implique en pratique de procéder par plusieurs étapes, avec l’aide d’un avocat spécialisé en la matière, à savoir en général :
o Faire constater le contenu litigieux par un huissier de justice.
o Engager une action auprès du Tribunal compétent afin d’obtenir du réseau social concerné la divulgation des données de connexion du titulaire du compte à travers lequel a été publié le contenu litigieux.
o Saisir de nouveau le Tribunal afin d’être autorisé à obtenir du fournisseur d’accès internet les coordonnées du titulaire du compte litigieux, sur la base de l’adresse IP fournie par le réseau social.
Une fois les informations obtenues, il s’agira d’engager les actions appropriées contre le responsable de la publication litigieuse pour obtenir la suppression du contenu litigieux ou encore des mesures réparatrices du préjudice subi par la marque.
Ces différentes étapes sont indispensables en raison des barrières inhérentes à internet en matière d’identification des auteurs de contenus ; et ce même lorsque la publication litigieuse émane d’un compte d’un influenceur dont l’identité est pourtant « connue » du public.
Toutefois, en pratique, les marques sont réticentes à engager des actions, a fortiori judiciaires, à l’encontre des influenceurs pour plusieurs raisons (complexité et incertitude des procédures, risque de publications négatives en cas d’action…).
Il peut arriver qu’il soit plus opportun pour les marques d’adopter une stratégie alternative pour remédier à l’atteinte d’image de marque subie.
Les marques doivent considérer les influenceurs comme une formidable opportunité, mais aussi comme des vecteurs de communication porteurs de risques. Ainsi, il convient de ne pas tolérer certaines atteintes qui sont parfois dangereuses pour la marque et son image. Les actions contre de telles atteintes doivent être réfléchies et structurées afin d’éviter des effets négatifs encore plus importants que l’atteinte elle-même.
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).