Les bots IA de Meta : une expérience qui soulève de nombreuses interrogations

Le géant américain Meta a voulu se lancer dans la course à l’IA générative, avec pour objectif de pousser au maximum les usages de l’IA afin de relancer l’engagement de ses centaines de millions d’utilisateurs. Toutefois, l’initiative a soulevé des questions sur l’implication des bots sur les réseaux sociaux. Maintenant que le débat est lancé, nous risquons d'assister à l'émergence d'une autre plateforme sociale, plus téméraire, qui cherchera à institutionnaliser les bots de la même manière. En outre, quelles seraient les implications pour les utilisateurs, les plateformes de réseaux sociaux et le secteur de la publicité ?
Le dilemme des bots dans la publicité digitale
Bien que le géant des médias sociaux ait maintenant supprimé tous les comptes de bots historiques, les projets de la plateforme de déployer davantage de bots IA de Meta devrait inquiéter non seulement les utilisateurs des médias sociaux, mais aussi les annonceurs. Si les profils de bots gagnent du terrain sur la plateforme, il est probable que les utilisateurs se méfieront de plus en plus de Meta et d'autres entreprises de médias sociaux qui en font l’usage. Ils ne sauront plus s'ils interagissent avec un véritable utilisateur humain ou un compte artificiel et pourraient se tourner vers d'autres plateformes où l’expérience est plus authentique.
L’enjeu de la confiance des annonceurs va au-delà de celui des utilisateurs des médias sociaux. En effet, chaque année le budget alloué à la publicité sur les médias sociaux est considérable. En 2024, ce sont 243 milliards de dollars qui ont été investis, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Les annonceurs ont toujours été prêts à investir dans des campagnes coûteuses sur les réseaux sociaux, malgré les inquiétudes concernant la fraude publicitaire par les bots et son effet potentiel sur le retour sur investissement. La fraude au clic est un exemple de plus en plus courant, avec des armées de bots ciblant les publicités au paiement par clic (PPC) sur les réseaux sociaux et ailleurs. Ayant atteint leur « limite de clics », les entreprises sont alors obligées de dépenser plus d'argent pour placer des publicités, mais cet argent ne fait que remplir les poches des fraudeurs.
Le trafic des bots représentant déjà près de la moitié de l'ensemble du trafic web [1], il n'est pas difficile de comprendre pourquoi les responsables marketing sont sceptiques quant au retour sur investissement de la publicité digitale. Avec l'introduction de profils de bots sur des plateformes comme celles de Meta, le problème risque de s'aggraver. À moins que Meta ne se donne pour mission de séparer son propre trafic de bots du trafic payant, et de l'indiquer clairement aux annonceurs, les décideurs vont inévitablement s'inquiéter du gaspillage des budgets publicitaires pour des utilisateurs artificiels qui ne deviendront jamais des clients.
En multipliant les bots sur les plateformes de médias sociaux, il sera également plus difficile pour les équipes marketing de suivre l'engagement autour des contenus organiques. Les comptes de bots approuvés (dans le cas de Meta) pouvant interagir avec les publications en les aimant ou en les commentant, les équipes marketing ne pourront plus se fier à leurs indicateurs d'engagement habituels, tels que les impressions et les clics. Là encore, Meta va devoir faire des efforts de transparence s'il veut dissiper ces inquiétudes, par exemple en donnant aux décideurs la possibilité de supprimer les mesures d'engagement des bots lorsqu'ils examinent les mesures globales de performance d'un message publicitaire.
Au-delà de la publicité, que représente la massification des bots sur les médias sociaux ?
En dehors du secteur de la publicité digitale, l'introduction de bots sur les plateformes sociales est susceptible d'influencer l’opinion publique autour d’événements majeurs et pourrait même conduire à la désinformation. Par exemple, des bots ont été accusés de diffuser des fake news pendant la pandémie de COVID-19 et d'influencer le récit autour des élections américaines de 2024.
L'introduction de « bots influenceurs » sur les plateformes sociales menace le rôle de l'influenceur réel, une industrie qui représente 21,1 milliards de dollars en 2023. Les réactions face aux bots influenceurs basés sur l'IA, comme Miquela, ont déjà été mitigées, et les comptes de bots officiels sur des plateformes comme Meta suggèrent que cette partie de la plateforme pourrait se développer davantage. Il sera donc encore plus difficile de déterminer si un influenceur est populaire grâce à ses propres mérites ou parce que la plateforme sociale l’a décidé.
L'avenir des bots sur les réseaux sociaux est incertain. Bien que Meta hésite à réintroduire les fonctionnalités de bot dans un avenir proche, il est possible que le débat ait inspiré d'autres plateformes sociales à suivre le mouvement, notamment pour attirer l'attention des médias. Dans un monde où les bots sont non seulement tolérés, mais encouragés et autorisés, les entreprises de médias sociaux devront promouvoir une plus grande transparence sur leurs politiques en matière de bots. Il faudra également mettre en place une meilleure réglementation qui oblige les entreprises à rendre compte des niveaux d'activité des bots, faute de quoi les plateformes de réseaux sociaux pourraient devenir l'eldorado des bots.
[1] source DataDome, 2022
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).