Il n’y avait pas de Dircom dans le Titanic !
Parce que l’on apprend toujours des catastrophes.
Le RMS Titanic, vaisseau amiral de la White Star Line, va sombrer dans l’Atlantique Nord dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, presque tranquillement, lors de son voyage inaugural de Southampton à New York. Il va faire naufrage et entrainer environ 1500 morts.
Pas de vigie, pas d’anticipation, pas de décryptage des informations, personne pour dire au capitaine la réalité du moment, c’est donc une certitude, il n’y avait pas de Dircom à bord du Titanic !
Le Titanic c’est une vaste et ambitieuse entreprise. Oui, une entreprise qui commence en 1909 à Belfast dans les chantiers navals Harland & Wolff.
Lorsqu’il sort des chantiers 3 ans plus tard, on aurait pu dire comme pour certaines grandes compagnies au moment de la crise des subprimes : too big too fail !
Sauf que, à l’inverse de l’assureur AIG renfloué pour éviter que sa faillite ne cause des pertes de l'ordre de 3 200 milliards de dollars au sein du système financier international, personne ne renflouera le Titanic pour qu’il ne coule pas.
À son bord, le CEO, alias le capitaine Edward Smith, sombrera avec le navire, ce qui arrive aussi dans les entreprises. Le paquebot-firme est riche de 889 collaborateurs, dispose de ressources humaines compétentes, dévouées, organisées, de processus clairs mais probablement pas d’un vademecum de communication de crise.
Il avait pourtant d’incroyables éléments structurels pour résister à tout. Sa coque était composée de seize compartiments étanches. Bref, structurellement, comme certaines entreprises, le Titanic ne devait pas prendre l’eau. Insubmersible qu’ils disaient. Mais plus vous vous croyez insubmersible, plus vous manquez d’humilité. Vous pensez que vous pouvez agir seul, sans vos parties prenantes et vous négligez de manière mortifère vos fonctions d’écoute !
Cette nuit-là, à 21h, des signaux faibles arrivent d’autres navires comme le Baltic et le Californian qui signalent des avis de glace, mais personne ne saura les interpréter, les décrypter voire les croire et évidemment les transmettre au capitaine.
À 23h40, le drame aurait pu être encore évité lorsque les veilleurs Frederick Fleet et Reginald Lee, installés dans le nid-de-pie du mât aperçoivent un iceberg droit devant dans le brouillard et le signalent. Mais là encore, pas de processus de communication de crise, une communication managériale lente, hiérarchique, inefficace. Et quand le Titanic finit par virer vers bâbord et faisant stopper les machines, il est trop tard et le navire heurte l'iceberg par tribord. Le choc déchire profondément les tôles, fait sauter les rivets, ouvrant une voie d’eau sous la ligne de flottaison.
L’absence d’agilité dans la prise de décision, la non remise en question de pratiques obsolètes, va amplifier le nombre de victimes. Les canots de sauvetage quittent le Titanic à une bonne cadence, mais sont pour la plupart à moitié vides. En effet, le second officier Charles Lightoller et le capitaine Edward Smith n’y font monter que des femmes et des enfants, alors qu'à tribord, le premier officier William Murdoch complète souvent les places vides avec des hommes.
Le bilan est sans appel, seuls deux des vingt canots partent à pleine charge. À 2h 5, le canot pliable D est le dernier mis à la mer avec succès mais il n’emporte loin du drame que 24 passagers alors qu’il peut en contenir 47.
À 2h17, l'orchestre s'arrête de jouer juste avant la chute de la cheminée selon la plupart des témoignages. À 2h18, les lumières du Titanic clignotent une dernière fois puis s'éteignent. Un instant plus tard, le paquebot se brise en deux. Alors que la partie avant coule, la partie arrière flotte pendant quelques instants et se remplit d'eau lentement jusqu'à ce qu'elle sombre à 2h20.
Plus tard, à 3h30, les passagers des canots aperçoivent les feux du Carpathia. À 5h30, le Californian prévenu par le Frankfurt, arrive sur les lieux du désastre.
Une entreprise incapable de suivre et de décrypter les signaux faibles et de les traduire immédiatement en action correctrice,
une entreprise sans une fonction capable de concevoir, de mettre en œuvre des solutions d’écoute, de cartographie des risques,
une entreprise qui n’est pas connectée avec son écosystème et ses parties prenantes capables de l’aider dans l’adversité,
une entreprise qui ne sait pas faire preuve d’humilité, trop certaine de sa puissance, de ses forces au point de ne pas envisager le pire,
une entreprise qui n’a personne pour porter les messages, y compris ceux qui ne font pas plaisir, de manière rapide, sincère et directe au Capitaine,
... est une entreprise sans dircom.
Et il arrive malheureusement des infortunes très matérielles aux entreprises qui ne croient pas à la valeur immatérielle de la fonction communication.
Et il arrive que ces épreuves soient dévastatrices pour les entreprises qui préfèrent un orchestre, même courageux, à un Dircom … ou qui confondent les deux.
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