Face au duopole du numérique, quelle place pour les éditeurs ?

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Le terme « éditeur » revêt une signification différente en fonction des personnes. Si certains songent spontanément au Figaro, voire à Hachette ou Gallimard, les jeunes générations pensent plutôt à Konbini, Brut ou encore à des forums communautaires comme Reddit. Mais quiconque travaille dans les médias ou la publicité sait qu’il existe deux « éditeurs » incontournables : Google et Facebook. A eux deux, ils se taillent la part du lion de cet écosystème, en termes d’audience, de nombre de visites et surtout de recettes publicitaires. Réunis sous l’appellation « duopole », Google et Facebook ont vu leur audience croître tout au long de la pandémie. Un éditeur indépendant a-t-il seulement une chance d’exister face à ces mastodontes ?

David contre Goliath ?

Les opportunités ne manquent pas pour les éditeurs qui conjuguent une vision claire en matière de contenu et une offre publicitaire solide. Le temps passé sur mobile – toutes tranches d’âge et de revenus confondues – augmente constamment. Les annonceurs l’ont bien compris pour capter leurs potentiels clients. Face à ce constat, un éditeur dispose de plusieurs cartes pour faire défaut au duopole : de la curation de contenu de qualité, un environnement publicitaire moins chargé et une meilleure brand safety.

Les deux walled gardens pâtissent notamment de leur taille. Pour les millions d’annonceurs qui y sont présents, il est tout simplement impossible de se démarquer. On estime que le nombre d'annonceurs sur Facebook avoisine les 9 millions. Un chiffre stupéfiant pour n’importe quelle plateforme média. Comment une marque peut-elle espérer émerger d’une telle masse ? Ceci est une bonne nouvelle pour les pure players numériques tels que Brut, ou les groupes de presse traditionnels. Leur audience, plus petite mais mieux maîtrisée, permet de générer un engagement impossible à envisager via les deux gigantesques plateformes.

Prime à la qualité

Par ailleurs, les éditeurs indépendants dépensent des millions d’euros pour générer des contenus originaux et de qualité. C’est un avantage incontestable face aux contenus imprévisibles publiés par les utilisateurs des plateformes du duopole. Ces contenus à forte valeur ajoutée permettent aux éditeurs de séduire des utilisateurs pertinents et engagés. Ce qui constitue le point de départ d’une monétisation efficace et récurrente.

Les annonceurs qui travaillent avec ces éditeurs indépendants bénéficient d’une meilleure brand safety. Ce sujet est devenu une inquiétude majeure pour les marques quand elles ont découvert que leurs publicités pouvaient être affichées aux côtés de contenus violents sur YouTube. Et Facebook inquiète tout autant les acheteurs média avec son modèle de vidéo in stream. Dans une société dominée par les contenus viraux, apparaître aux côtés de contenus inappropriés peut avoir de sérieuses conséquences sur la réputation des marques. Et ces dernières l’ont bien compris.

Capacité d’innovation

Enfin et surtout, les annonceurs voient les éditeurs indépendants comme autant d’opportunités de marquer durablement les esprits. Car c’est auprès de ces éditeurs qu’ils vont trouver de véritables innovations publicitaires, dans un univers qui en manque cruellement. A travers des publicités interactives ou des formats d’incrustation (aussi appelés Picture in Picture ou Thumbnail) les éditeurs redonnent le contrôle à l’utilisateur sur son expérience publicitaire. Certains formats permettent à l’internaute de sélectionner la publicité avec laquelle il souhaite s’engager, et augmentent considérablement le taux de mémorisation du message. Les éditeurs peuvent également proposer des formats qui garantissent une véritable visibilité. Les marques bénéficient ainsi d’un environnement publicitaire moins encombré et de messages mis en valeur, que les internautes ne se contentent pas de voir : ils les remarquent.

Un domaine de l’écosystème mobile qui semble insensible au poids du duopole numérique et crée ses propres règles est celui du gaming. Comment y parvient-t-il ? Tout d’abord, son audience est gigantesque, démographiquement hétéroclite, et le temps consacré par les mobinautes au gaming ne cesse de croître. Les éditeurs de jeux sur mobile offrent des publicités plein écran parfaitement intégrées, à un moment logique de l’expérience utilisateur, par exemple entre deux niveaux de jeu. Ces publicités ont une part de voix de 100 % et une visibilité inégalée. Cela montre bien que les plus petits éditeurs peuvent se démarquer, grâce à des stratégies qui font défaut aux géants.

Les éditeurs doivent donc garder espoir et développer leur propre proposition de valeur. Même si les walled gardens ratissent tout sur leur passage, ce sont bien les éditeurs indépendants et respectueux des utilisateurs qui triompheront. La méfiance, chaque jour plus grande, des consommateurs face aux géants du numérique, en est la preuve.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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