Transition écologique : pour une communication publique à la hauteur des enjeux
Réchauffement climatique, flambée des prix de l’énergie, nombre record de réacteurs nucléaires à l'arrêt simultanément… L'accélération de la transition écologique n'a jamais été aussi urgente. Pourtant, le Gouvernement peine à faire émerger sa stratégie pour engager ce virage et à faire comprendre aux Français qu’il induira des changements profonds. Le Président de la République entend bien mettre au premier plan la transition écologique durant son second quinquennat, mais comment peut-il hisser enfin le débat public à la hauteur des enjeux, au-delà des polémiques sur des mesures symboliques ?
Un débat public trop souvent cannibalisé par des symboles
Développement des énergies renouvelables, relance du nucléaire, réduction de la consommation, recyclage et réemploi, protection de la biodiversité, mutation de l’agriculture, la liste des chantiers et donc de sujets de communication est longue. Malgré les efforts indéniables des ministères concernés et d’agences publiques comme l’ADEME, aux moyens sans doute insuffisants, ce sont trop souvent les aspects les plus symboliques de ces questions fondamentales qui émergent. Ainsi, l’interdiction des terrasses chauffées a suscité une véritable controverse. Mais combien consomme vraiment une terrasse chauffée ? Si le gaspillage d'énergie pour chauffer l'extérieur est incontestable, quel est le réel bilan écologique des terrasses chauffées ? De même, plus récemment, les jets privés ont fait l’objet d’un virulent débat au sein des groupes politiques quant à leur empreinte carbone alors que leurs déplacements représentent seulement 1,7 % des émissions aériennes et 0,09 % des émissions CO2 françaises. Le député La France Insoumise, Manuel Bompard n’hésite pas à affirmer que les jets privés « ne sont plus compatibles avec les objectifs écologiques ». Si Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, souligne que « ce n'est pas avec les jets privés que l'on va réduire massivement les émissions. », il n’en reste pas moins ouvert à une régulation européenne, dont le bénéfice climatique serait en tout état de cause faible au regard des enjeux.
La communication du gouvernement alterne entre petites phrases choc, de « la fin de l’abondance » à « la fin de l’insouciance » et recherche de symboles, tous de nature à créer un retentissement médiatique, en suscitant la polémique et donc en alimentant les chaînes d’information en continu. Le col roulé de Bruno Le Maire restera le symbole de l’action de l’exécutif cet automne pour convaincre les Français de baisser leur chauffage et de réduire ainsi la consommation d’énergie. Ce qui a engendré autant de virulentes critiques et moqueries sur les réseaux sociaux que de débats dans les médias sur le véritable sens de cette communication pour les Français, avec en toile de fond la crainte d’une « écologie punitive ».
Les politiques et les médias ont pourtant tort, car la conscience écologique de nos concitoyens n’a jamais été aussi élevée. Ils sont désormais prêts à entendre, voire demandeurs d’un discours plus technique et complexe sur la transition écologique.
L’indispensable recentrage de la communication gouvernementale
Passer des symboles et de l’émotion à la pédagogie, de l’urgence du moment à l’action de long terme, tels sont les enjeux pour convaincre les Français de la nécessité de transformer nos modes de production et de consommation Dès lors, il est nécessaire d’injecter de la raison et du savoir dans le débat sur la transition écologique.
L’efficacité des politiques publiques est souvent mise en cause. Il en est cependant une dont personne ne peut contester les résultats car ils s’expriment en deux chiffres connus de tous. Entre 1970 et 2010, le nombre de morts sur les routes est passé de plus de 18 000 à un peu moins de 3500. Le fruit d’efforts sans cesse renouvelés sur le fond (normes de sécurité renforcées sur les véhicules, transformation du réseau routier, limitation des vitesses), appuyés par une politique de répression mais aussi par une communication gouvernementale continue qui a échappé aux alternances politiques même si elle a évolué dans le temps. La transition écologique doit faire l’objet d’une politique publique de communication de même nature, de même ampleur et sans doute de même durée. Il ne s’agit pas de débattre des objectifs et des mesures à prendre, de recommencer la Convention citoyenne en quelque sorte ou de convoquer de nouveaux États généraux mais de contribuer à l’évolution des comportements par une communication de long terme, fondée sur une pédagogie des enjeux et des mesures à mettre en œuvre. Dans les années soixante-dix, face aux premiers chocs pétroliers, les gouvernements n’avaient pas hésité à investir dans de grandes campagnes dont la force et la répétition ont marqué les esprits, en affirmant par exemple qu’« en France on n’a pas de pétrole mais on a des idées » ou en lançant « la chasse au gaspi ». Des efforts trop vite abandonnés au fil de la baisse des prix du pétrole. Aujourd’hui, Il faut aller au-delà de campagnes ponctuelles pour la transition écologique, le champ des transformations à mener étant beaucoup plus large et complexe. Il convient de s’adresser largement aux plus jeunes car ce sont les acteurs de demain de la transition mais aussi parce qu’ils sont très souvent prescripteurs de l’évolution des comportements de leurs parents. Et donc innover dans le choix des médias et des moyens.
Une responsabilité qui devrait être prise en charge, compte-tenu du caractère totalement interministériel de la stratégie à définir et à mettre en œuvre, par le nouveau secrétariat à la planification écologique. À celui-ci de jouer pour la transition écologique le rôle qui fut celui de la délégation à la sécurité routière en matière de stratégie de communication à long terme.
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