Et si, avant d’œuvrer pour un meilleur futur les marques questionnaient davantage leurs empreintes passées ?

futur

Que l’on voie l’histoire comme un éternel recommencement ou un changement perpétuel, assurer son avenir c’est accepter de replonger dans son passé et apprendre de ses erreurs. Une doctrine aussi vraie dans la vie que pour les marques.

Glorifier son patrimoine autrement

Réinventer son héritage, ré-enchanter son mythe fondateur, moderniser ses valeurs, tout autant de chemins que les marques empruntent pour s’ancrer dans le monde contemporain. Mais dans une société woke dans laquelle 48%* des consommateurs américains aisés déclarent se sentir coupables d’acheter des produits de luxe dans le climat actuel, l’avenir semble davantage à la remise en question. La COVID-19 fait ressurgir notre culpabilité environnementale, #blacklivesmatter nous rappelle violemment la réalité d’un monde toujours trop inégalitaire : les marques ne pourront plus rester silencieuses quant aux sujets qui comptent, qu’ils concernent leur présent ou leur passé. Alors, le patrimoine se démystifie et l’histoire - parfois lourde – se cachant derrière remonte à la surface. Mais comment éviter le mea culpa de surface et repenser son histoire avec sens ?

Déconstruire et reconstruire les histoires transmises

Une marque c’est une construction d’imaginaires. Directement ou indirectement responsables de participer à des discours dominants, ces derniers laissent des empreintes tenaces sur notre société. Alors, assumer son passé c’est aussi admettre que les histoires que l’on a pu raconter n’étaient pas les bonnes…et les déconstruire. Barbie a longtemps renforcé la nocive stéréotypisation des genres mais en 2018 la marque a décidé de la combattre en lançant « Dream Gap », un projet visant à sensibiliser le public sur les différents "facteurs qui empêchent les petites filles d'atteindre leur plein potentiel". Et comme un discours doit toujours s’accompagner de preuves, Barbie s’est aussi engagée à financer une chaire à l'université de New York permettant de nouvelles études sur le sujet.

Déconstruire les imaginaires c’est aussi questionner ceux que l’on véhiculera demain. Et comme ce qu’elles diffusent définit aussi qui elles sont, les marques de contenus agissent. HBO Max a temporairement retiré de son service le film de 1939, Autant en emporte le vent - célèbre pour sa romantisation de l'esclavage - pour le rediffuser mais cette fois avec une discussion autour de son contexte historique et culturel. Dénoncer des attitudes obsolètes et oppressives devient une mission de plus en plus essentielle dans le monde du divertissement.

Réparer son mythe fondateur

Parfois, la fêlure est plus profonde, elle prend racine à l’origine de la marque et la menace flotte. Alors les marques doivent assumer et surtout agir. Le National Trust - association britannique de conservation de monuments - compte jusqu’à un tiers de ses propriétés liées ou construites à partir des bénéfices de la traite des esclaves. Récemment, l’association a alors détaillé les liens entre ses lieux historiques et le colonialisme afin de garantir que ceux-ci sont correctement représentés, partagés et interprétés. « Ces histoires sont parfois douloureuses et difficiles à considérer. Elles nous amènent à remettre en question nos hypothèses sur le passé et ainsi approfondir la compréhension de notre situation économique, notre patrimoine et l'Art, les objets et les lieux qui en font partie », explique le directeur de la culture du National Trust.

Les actions valent plus que les mots

Parfois, c’est au-delà de l’histoire de la marque que le bât blesse. Que faire quand son empreinte néfaste est intrinsèque à son corps de métier ? Un discours honnête et l’ambition d’une transformation profonde doivent alors l’emporter. La maison Prada, œuvrant dans la mode, un des secteurs les plus polluants, a souscrit il y a un an à un prêt éco-responsable de 50 millions d’euros auprès du Crédit Agricole. Le principe ? Ses taux d’intérêts sont réajustés en fonction de l’atteinte ou non d’objectifs de développement durable et ce prêt sert exclusivement aux financements de projets éco-responsables.

Dans le monde du branding, les identités visuelles se remettent elles-aussi en question. En effet, certains logos avec lesquels nous vivons depuis des années sont en réalité porteurs d’un lourd passé et de stéréotypes racistes qui ne devraient plus exister. En ce sens, le rebranding de la marque Uncle Ben’s en Ben’s Original - « uncle » étant à l’époque un moyen réducteur pour appeler les esclaves sans avoir à utiliser les termes « madame » ou « monsieur » - est le symbole de cette nécessité en tant que marque et agence de se questionner sans relâche sur l’empreinte que l’on laisse autour de nous.

Le contexte actuel est finalement l’opportunité de se réapproprier son passé et encourager le débat et l'éducation autour. À l’avenir, nous devrons penser la glorification du patrimoine non plus comme figé dans l’histoire mais en perpétuelle évolution. Plus seulement historique, le patrimoine devient politique. Notre défi pour demain sera alors de le questionner et changer de trajectoire pour le meilleur tout en préservant sa singularité en tant que marque.

* Source YouGov

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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