La restauration des cookies tiers, un débat d’arrière-garde

sharma

En s’engageant à « ne pas construire d’identifiants alternatifs pour suivre les internautes quand ils surfent sur le Web », Google a enfoncé le dernier clou dans le cercueil des cookies tiers qui, il est vrai, était déjà bien verrouillé. Comme l’an dernier, lorsque la firme de Mountain View avait acté la disparition progressive des cookies tiers à l’horizon 2022, cette annonce a suscité des réactions mitigées, les uns saluant une nouvelle avancée pour la protection des données personnelles, les autres dénonçant un pas de plus vers la constitution d’un « walled garden ». En réalité, regretter cette décision est un combat d’arrière-garde, puisque le cookie tiers est, de fait, déjà en voie d’extinction rapide.

Dès lors, le véritable enjeu consiste à se projeter dans « le monde d’après » plutôt qu’à espérer un retour chimérique au « tout-cookies », dont les bénéfices à court-terme ne compensent pas la rupture de confiance qu’il a provoqué chez les consommateurs. Il s’agit d’abord de mesurer l’impact de cette disparition pour les différents acteurs de l’écosystème digital, qu’ils soient annonceurs ou médias online. Et, subsidiairement, de s’interroger sur les moyens de maintenir un internet ouvert sans l’outil qui a longtemps été sa clé de voûte mais qui est désormais voué à une disparition certaine.

S’agissant de l’impact sur l’écosystème, il est évident que chacun doit repenser sans délais son modèle économique à l’aune de cette décision. Le défi pour les annonceurs consiste à concilier efficacité des campagnes et protection des données personnelles, en identifiant des moyens de ciblage respectueux de la vie privée. Pour les éditeurs, dont beaucoup ne mesurent pas encore le bouleversement en cours et la perte de revenus qu’il entraînera (entre 40 et 50% selon les études), il convient de toute urgence d’identifier d’autres sources de monétisation de leur audience. Car la fin du cookie tiers ne signifie évidemment pas la fin du ciblage publicitaire, mais sa réinvention dans un sens plus respectueux des données personnelles.

Plusieurs solutions s’offrent à ces différents acteurs, parmi lesquelles les FLoC (Federated Learning of Cohorts ou l’analyse des données par cohortes d’audience) proposées par Google. Cette solution permet de regrouper les internautes – les cohortes – susceptibles d’être intéressés par le même type de publicité et donc d’achats. Les FLoC constituent une amélioration sensible par rapport à la publicité contextuelle – qui cible une audience en fonction du contenu du site web auquel elle est exposée – mais qui reste tout de même moins précise que le ciblage réalisé aujourd’hui. En effet, plus la « cohorte » est grande, plus les chances de diversité en son sein sont grandes, ce qui rend difficile pour les annonceurs de personnaliser, mesurer et cibler leurs campagnes.

Mais le véritable enseignement à tirer de cette annonce, livré par Google lui-même dans son billet, est l’importance cruciale des données first-party, ce qui rejoint l’analyse que nous faisons chez LiveRamp depuis maintenant trois ans. Profitant de la « rente » des cookies tiers, de nombreux médias se sont assez peu préoccupés jusqu’à présent de connaître leurs utilisateurs. En ce sens, l’annonce de Google doit être considérée comme une opportunité et non comme un risque, dans la mesure où elle oblige les éditeurs à investir massivement dans la (re)connaissance de leur audience et à valoriser leurs données, faute de quoi le modèle économique de l’internet gratuit sera sérieusement menacé. C’est dans cet esprit que LiveRamp a développé sa solution ATS (Authenticated Traffic Solution), qui donne aux éditeurs les moyens d’approfondir leurs relations first-party avec leurs utilisateurs dans le cadre d’un échange de valeur librement consenti, et donc de valoriser leur audience auprès des annonceurs.

Les premières campagnes réalisées sans cookies tiers, sur la seule base des données first party, indiquent non seulement qu’il n’y a aucune perte d’efficacité mais, au contraire, qu’il est possible d’augmenter significativement le retour sur investissement des annonceurs.

L’annonce de Google accélère donc la transition vers un écosystème vertueux pour les annonceurs et les médias online, préservant la pluralité des acteurs et le modèle économique de l’internet gratuit tout en prenant en compte l’exigence de privacy des internautes. Comme le résume Google, « le fait de nouer des relations tangibles avec les clients a toujours été essentiel pour bâtir une entreprise prospère, et c’est encore plus crucial dans un monde où la vie privée est primordiale ».

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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