Relocaliser en France ? Pas forcément une utopie !
« Casse-tête », « défi », « fausse bonne idée », le sujet des relocalisations en France fait couler beaucoup d’encre. Difficile de croire au dynamisme de cette tendance, surtout lorsqu’elle est mise en perspective avec les difficultés de la fabrication française : coût de main d’œuvre élevé manque de compétences, taxation trop importante, etc. Et pourtant, relocaliser constitue un acte fort pour une entreprise, un engagement éthique et social. Mais elle implique aussi une totale réorientation stratégique. Les organisations qui peuvent témoigner d’une relocalisation heureuse l’ont bien compris.
Eco-innover : Intégrer l’éco-innovation à la relocalisation
L’étude des relocalisations récentes montre que penser « relocalisation » en cherchant à transposer un modèle existant de l’étranger vers la France est une mauvaise idée. Cela reviendrait à affronter tous les obstacles de la fabrication française, sans s’équiper de nouvelles armes. Et surtout, cela reviendrait à se priver des avantages d’un nouvel écosystème pour n’en garder que les contraintes. Les entreprises ayant fait de leur relocalisation un vrai levier de développement ont généralement repensé leurs modèles en intégrant des paramètres de l’éco-innovation. L’entreprise de jouets éducatifs Lunii a ainsi fait le pari d’un jouet sans ondes ni écran, un objet simple & sain pour les enfants. Une petite révolution qui était déjà en place dans la production asiatique, mais qui a permis une relocalisation rapide et sans risque majeur pour le produit. D’autre part, lors du rapatriement de la production, le produit a été optimisé au contact des industriels français qui ont permis à l’objet de passer de 24 vis... à seulement 4 vis ! Cette économie de matière, mais aussi et surtout de temps, est l’un des facteurs qui a permis à Lunii de ne pas augmenter le prix final de vente en passant d’une production Made in Asie à une production française. Lunii revendique désormais un jouet fabriqué en France et distribué dans un emballage éco-conçu.
Autre exemple, la marque de brosses à dent Bioseptyl a complètement réinventé son produit au moment de sa relocalisation en France. L’innovation s’est basée sur de nouveaux matériaux et des améliorations du produit (têtes recyclables, manches en matières naturelles). Bioseptyl a également innové en repensant son modèle de distribution : sortir de la grande distribution pour passer à un système d’abonnements en ligne, un système relativement innovant en 2014. Cette question de l’innovation est fondamentale car elle va permettre de valoriser un nouveau positionnement global de marque et d’entreprise. La question écologique est au centre de la réflexion à tous les niveaux de la chaine de valeur du produit.
Enfin, on assiste également à des innovations en termes de modèles économiques. Par exemple, accepter une diminution de la marge réalisée lors de la vente du produit, pour ne pas faire porter la démarche uniquement sur le consommateur – c’est notamment la décision prise par Lunii ou OroSound lors de leur retour en France. On accepte de sortir d’une logique classique de réduction des coûts et de stricte maximisation du profit pour intégrer l’impact de la réduction des coûts environnementaux et la génération d’un profit plus global, pour le climat, les êtres humains et les économies locales à qui bénéficient ces achats.
Le défi du sourcing français : privilégier un qui sait, à dix qui cherchent
Pour fabriquer en France ou faire fabriquer, il est primordial de savoir à qui s’adresser. Quelle entreprise va pouvoir répondre à ma demande ? La quantité minimale de commande sera-t-elle la bonne ? Les matériaux utilisés par mon sous-traitant seront-ils adaptés à mes besoins ? Et surtout, le prix correspondra-t-il à mes attentes ? Autant de questions auxquelles les entrepreneurs se heurtent et qui compliquent encore leur parcours vers la relocalisation.
Deux éléments sont alors à prendre en compte. Le premier est une identification claire du besoin. Il en effet primordial de définir correctement ses besoins avant de se lancer dans la recherche d’un fabricant, comment ai-je pensé la conception de mon objet ? Sur quels aspects mon produit est-il innovant et comment la fabrication française va-t-elle permettre de le valoriser ?
Le deuxième élément est la nécessité de trouver un interlocuteur pertinent dans un univers confus de fabricants souvent discrets, que ce soit pour implanter en France son propre site industriel ou pour faire sous-traiter à des usines existantes sa production. L’entreprise Lucibel, qui propose des solutions d’éclairage LED, est un bon exemple de relocalisation heureuse. Pour parvenir à implanter sa production, l’entreprise s’est adressée au site normand de Schneider Electric – voué à la fermeture. Outre l’opportunité liée à la baisse d’activité de Schneider, il s’agissait pour Lucibel d’un fabricant totalement adapté au regard des compétences techniques requises pour la production de LED.
Pour conclure, rappelons l’importance de la bonne combinaison entre le sourcing agile et l’éco-innovation (notamment par le design). Donner une dimension nouvelle au produit, innovante et écoresponsable, permet de s’ouvrir à de nouveaux horizons et d’obtenir de nouvelles pistes pour sa réalisation. En ajoutant à ces deux grands principes la réflexion autour de votre stratégie de marque, vous aurez toutes les clés en main pour réussir votre relocalisation et la faire valoir aux yeux de vos clients.
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