Marques, saillance & bienveillance, un peu d’optimisme pour 2024
Un coup d'œil dans le rétro de la création et de la communication en 2023, et une interrogation sur notre capacité à encore faire aimer la pub, et à voir un possible dans la bienveillance au-delà du cynisme ambiant.
Qui dit nouvelle année, dit rétrospective de l’année passée
Et en regardant dans le rétro, on se rend compte qu’au-dessus de la petite étiquette qui nous dit que objects in mirror are closer than they appear, une question nous poursuit : comment on fait mieux passer un message à une audience aujourd’hui ?
aka comment on continue à faire des marques fortes dans l’esprit des gens à un moment où ils n’ont jamais autant détesté la pub, et où le contexte socio-économique ne les as jamais autant chamboulées ?
Dans le rétro, on voit forcément d’abord tout ce qui brille
Les (grands) prix, les coups d’éclat et les coups de génie, ... Anne de Gaulle, The Last Photo de CALM, AdLam de Microsoft…
Les Cannes Lions 2023 ont — encore une fois — récompensé les grandes causes, et ont même ajouté un Grand Prix “Purpose” dans la catégorie film.
Faut-il nécessairement faire du bien pour faire une bonne communication ?
Dans le rétro on voit aussi nos cernes
Nos cernes d’humains et de marketeux, fatigué.e.s du climat social et des climatosceptiques, de la succession de crises dont on ne peut s’empêcher de regarder passer, sans forcément savoir comment agir.
Sauf que nos valises, elles sont pas que sous les yeux
Marketeux, pubards, mais humains avant tout (100% des professionnels de la communication et du marketing sont des êtres humains, jusqu’à preuve du contrAIre), on a notre part de responsabilité. Il y a eu un besoin radical de changement de comportements pour tenter de dévier de l’iceberg, et si le revirement a pu être brutal, il était nécessaire de tirer sur la corde sensible et les ressorts de la culpabilité. En ressort un sentiment global de mauvaise conscience à consommer, alors que la consommation est établie aujourd’hui comme une source de jouissance (et de croissance), au moment même où la déconsommation vraiment choisie est un luxe réservé aux plus grands pouvoirs d’achat.
Alors si le changement de comportements est impératif, et la fête bien finie, il y a d’autres manières de dire comment consommer.
Parce que la culpabilisation ne fait plus réagir
Ce n’est plus un levier de changement des comportements dès lors qu’on est épuisé.e de l’actualité et du doomscrolling. Ce n’est pas tant qu’on ne veut pas regarder la réalité en face, mais plutôt qu’on a déjà beaucoup à faire avec son propre quotidien.
Parce que nous restons humains, et donc motivés par le plaisir au quotidien
N’en déplaise à Descartes, nous sommes régis par nos émotions, et surtout les positives, parce que c’est toujours meilleur quand c’est bon. C’est prouvé, notre cerveau est câblé pour rechercher le plaisir, et éviter la douleur. Dopamine, sérotonine, endorphine, ocytocine, ces hormones telles les 4 chevaliers du bonheur qui nous poussent à chercher toujours un peu plus de kiff et toujours un peu moins de contrainte et de morosité ambiante.
On préfère surtout s’évader dans le divertissement. Or celui-ci est loin d’être gratuit, voire avilissant. Il a permis de prendre conscience de l’urgence climatique avec Don’t Look Up, de (re)voir la sexualité d’un nouvel œil dans Sex Education, ou encore de péter les scores de candidatures à la DGSE grâce au Bureau des Légendes.
Loin d’y voir un ennemi numéro 1, la communication a tout à gagner à (re)faire du divertissement une arme. 66% des 18-34 ans éviteraient moins les publicités si elles étaient plus divertissantes.
Facile à dire, facile à faire ?
Oui, à en croire l’opé Los Santos de Greepeace sur Grand Theft Auto, The Hidden Relationship de Make My Money Matter qui ont marqué à Cannes par leur pouvoir divertissant tout aussi efficace à faire passer à un message, ou encore le tout récent Oblivia Coalmine de la même ONG Britannique.
Et les marques dans tout ça ?
Purpose x entertainment = équation incompatible avec des objectifs commerciaux ?
Les marques de grandes conso qui sont entrées dans la pop culture (Nutella, McDo, Panzani) sont encore les plus achetées aujourd’hui.
Alors est-ce que les marques peuvent servir les nouveaux enjeux tout en restant ce qu’elles sont ?
Là encore, la réponse est dans le plaisir
Pas au simple sens du format (jeu vidéo, clip, film) ou de la tonalité humoristique, mais bien au sens de faire passer du bon temps.
En faisant du beau, du plaisir pour les yeux, à l’instar de la campagne print Lacoste, ou de la campagne Do Less d’Uber Eats au Royaume Uni.
En faisant du drôle, comme Apple et son caméléon, ou Marmite et son Baby Scan.
En faisant de beaux clins d'œil à la vie des gens, pour mieux y jouer un rôle, tels les British Airways, Heinz ou Sheba.
Ou en faisant voir la vie sous un nouvel angle, comme avec The Original Impossible d’Adidas ou le conte de la loterie néerlandaise qui nous apprend à écrire notre propre destin.
La réponse est dans l’humilité et la justesse
Après l’essor et le déclin du purpose, après la déception du purpose-washing et du décalage entre leur bonne volonté annoncée et la réalité de leurs actions, on était prêt à se dire que les marques étaient trop grosses pour vraiment se soucier, alors qu’elles ont la force de leur taille pour faire bouger les lignes : from “too big to care” to “big enough to change”. Reste juste à trouver la bonne posture, la bonne place à prendre dans la vie des gens, et la bonne manière réjouissante de s’y insérer.
De l’optimisme et de la bienveillance en 2024 - bénis soient les bénis oui-oui ?
Pour clôturer ce coup d'œil dans le rétro 2023, on ne peut s’empêcher de faire un constat sur les séries et le cinéma, que l’on aimerait prendre en leçon pour la com demain : le cynisme aurait laissé sa place à l’optimisme, la bienveillance, bref au feel good.
Alors oui, ces dernières années on a adoré rire des (trop) riches et des (trop) puissants. On a été les premiers à se délecter de Succession, de White Lotus, ou de Sans Filtre. C’était bénéfique, et même nécessaire. Mais on aime un peu moins le sunday blues que ça nous donne, même un samedi midi ensoleillé. Question de tonalité.
Alors qu’un bon gros shoot d’optimisme comme peut nous procurer Ted Lasso — l’optimisme qui gratte au début, qui donnerait presque la nausée, et nous fait crier à la bienpensance et à la mièvrerie — et bien finalement, ça fait du bien, à soi et à tout le monde. Le jour même, et le lendemain. Il fallait y penser, une série sur le foot pour parler de santé mentale, le tout de façon feel good.
On a déjà nos vœux pour 2024.
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