Les marques rappelées à leurs devoirs
Stratégies de contenus, territoires d’expression, discours de marque… En 2020, tout a volé en éclat. La crise sanitaire contraint les entreprises à s’adapter, à se réinventer. Sommées par les consommateurs de changer de modèle, les marques doivent s’engager. Qui va comprendre son époque avant les autres ? Qui saura écrire un nouveau récit de marque et ouvrir de nouvelles voies en adéquation avec les attentes des consommateurs ?
Scène de vie en temps de crise sanitaire… Emmitouflé dans sa doudoune, Pierre sort frénétiquement son iPhone de sa poche et vérifie son attestation de sortie : il a 45 minutes devant lui. Soupir de soulagement mêlé d’excitation, il s’engouffre dans son Monoprix et sillonne avec vertige les rayons colorés et les alignements parfaits des produits frais. Au détour d’un linéaire, son regard croise une affiche du magasin ironisant : « Une commission venant de conclure que l’eau ça mouille, nous avons finalement le droit de vous vendre des parapluies. »
Le deuxième confinement n’a décidément ressemblé en rien au premier. La parole s’est libérée. Et avec cette campagne, Monoprix a visé vite et juste. L’enseigne a parfaitement saisi l’air du temps et l’humeur des Français. Beaucoup sont en colère, dénoncent les supermarchés restés ouverts tandis que les petits commerces « non essentiels » ont dû baisser leur rideau. La grogne monte, les mesures gouvernementales sont remises en question… Désormais, les clients sont maîtres de leurs choix de consommation, et ils le font savoir. Monoprix l’a compris en se mettant du côté de ses clients et en ridiculisant des restrictions gouvernementales parfois contradictoires. En parallèle, l’enseigne à l’humour ravageur accueille dans ses magasins des fleuristes et cordonniers. Elle se rallie ainsi à la cause des petits commerçants et… conserve sa clientèle.
LA NAISSANCE D’UNE NOUVELLE ÉCRITURE
En ces temps troublés, ce coup de com est loin d’être un cas isolé. Dès le premier confinement, certaines marques sont très vite sorties de leur périmètre traditionnel pour participer à l’effort collectif. Drouot et Adidas se sont associés pour une vente aux enchères en faveur de la Fondation des Hôpitaux de Paris. La Fondation Boulanger a offert des tablettes aux Ephad pour participer au maintien du lien entre leurs résidents et leur entourage. La branche cosmétiques du groupe LVMH s’est lancée dans la production de gel hydro-alcoolique. Le Groupe Accor a mis à disposition ses services pour les personnels soignants…
Ces initiatives sont abondamment relayées sur les réseaux sociaux et viennent construire une nouvelle image de marque. Sur le net, Marmiton imagine des recettes spécial confinement et TripAdvisor diffuse des informations précieuses sur le tourisme en temps d’épidémie. Qu’il s’agisse de conseils, d’informations pures ou de divertissement, ces contenus utiles créent de la valeur. Les publics y adhèrent et le rendent bien aux marques : les taux d’engagement explosent, les hashtags fleurissent, les conversations se multiplient.
Durant cette période inédite, on assiste à l’émergence d’une écriture plus humaine et plus sincère. Les marques soignent leurs mots : « avec vous », « ensemble », « mobilisés », « engagés », « #selfcare », « rester chez soi » … Salariés, clients et partenaires veulent des contenus qui leur inspirent confiance. Aidées par les outils de social listening, les marques peuvent ajuster la tonalité de leurs conversations en fonction de la sensibilité et du ressenti de leurs audiences et ainsi se reconnecter aux situations de chacun. Une nouvelle écriture émerge. Et les Français se réconcilient avec ces grands groupes qui ont su protéger et échanger avec leurs salariés et leurs clients.
Fin de l’histoire ? Pas vraiment, car les consommateurs ont pris le contrôle et comptent s’en servir.
DE NOUVEAUX RAPPORTS D’INFLUENCE
Face aux failles d’un modèle devenu obsolète, les consommateurs intiment aux marques de prendre position. D’après une étude Twitter Next France menée en juillet 2020, « les utilisateurs attendent plus d’engagements et plus de communication sur leurs actions concrètes. Si 60 % des 25-34 ans se sentent plus proches qu’avant de marques et services qui les ont accompagnés et aidés pendant le confinement, 78 % des sondés estiment que les entreprises devraient rendre plus de comptes sur leurs actions, pratiques et impact sur l’état du monde. 75 % souhaitent qu’elles expliquent mieux ce qu’elles font pour minimiser leur impact sur l’environnement et la société. Et 79% exigent plus de transparence sur la production et l’origine des produits ».
Les marques qui ont démontré leur utilité sociale et environnementale doivent maintenant transformer l’essai et inscrire leurs actions dans le long terme. Une campagne ne suffira pas. Il faudra des actions concrètes sur la durée. Les marques n’ont d’autres choix que de continuer le changement. L’illustration la plus éloquente est la dernière campagne de Nike contre le racisme : « don’t do it » / « don’t think you cant’ be part of the change, let’s all be part of the change ».
Même le secteur de la mode prend un virage à 180° en se convertissant, peu à peu, à la slow fashion qui invite à consommer moins mais mieux. Car leur clientèle exige une prise de responsabilité. Les rapports de pouvoir s’inversent depuis que les communautés peuvent les atteindre. Aux marques de trouver rapidement une façon de s’inscrire dans ce mouvement sous peine de ne plus faire partie du monde d’après.
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