Marketing digital : quels devoirs envers l’Intelligence Artificielle ?
Qu’elle inspire des sursauts d’euphorie ou de profondes angoisses, l’Intelligence Artificielle est objectivement désormais impossible à ignorer, et ce, dans l’ensemble des industries. Le secteur du marketing digital ne fait donc pas exception, et ne se fait d’ailleurs pas prier pour commenter, tester, et bien souvent approuver, la plupart des compétences de ChatGPT et consorts. Et pour cause ! Même dans leurs versions relativement « basiques », ces dernières ont déjà témoigné de nombreuses réussites, en particulier concernant l’analyse et l’optimisation des audiences, ou encore l’automatisation des campagnes publicitaires. Mais alors, devons-nous nous en réjouir, ou la craindre ? Ou bien un peu des deux ? Jusqu’où pousser son exploitation ? Et comment l’encadrer ? Une chose me paraît à ce stade certaine : intégrer l’Intelligence Artificielle dans nos métiers n’est plus un scénario seulement optimiste, mais bel et bien réaliste, qui impose une grande humilité, et de nombreuses responsabilités.
L’humilité d’accepter qu’elle puisse, en de nombreux points, nous surpasser….
Si l’on définit bien l’Intelligence Artificielle comme la capacité des systèmes informatiques à effectuer des tâches « de type humain » – en apprenant, résolvant des problèmes, prenant des décisions et interagissant avec leur environnement – alors on comprend aisément que sa vertu première sera de nous suppléer pour les tâches les plus répétitives. Elle sera ainsi gage d’une économie de temps et de ressources précieuses pour toute organisation, avec une précision, une rigueur et une pugnacité qui ne souffrent d’aucune comparaison humaine. Dans nos métiers, je citerais ainsi volontiers l’automatisation de missions commerciales ou de services après-vente (cold emailings, live chats, etc), ou encore l’analyse de la performance des campagnes, allant de la génération de reportings jusqu’à la proposition de pistes pragmatiques d’amélioration. Mais tout ça, dans notre secteur, nous le savions déjà depuis longtemps… En revanche, l’arrivée de ChatGPT cette année nous laisse entrevoir de nouveaux possibles, en termes de création pure ! Tandis que celle-ci se targue déjà (nous lui avons posé la question) d’être en mesure de « générer des slogans accrocheurs, des scripts vidéos, ou des contenus dédiés aux réseaux sociaux », il est en effet permis d’imaginer que dans un futur très proche, grâce à une analyse excessivement fine de l’existant sur le web, nos Intelligences Artificielles sachent accompagner avec une grande pertinence l’élaboration de campagnes de communication globale, la conception de créations graphiques, ou enfin de codes informatiques complexes. De fait, elles nous interrogent forcément sur les compétences humaines à maintenir, à abandonner, ou à amplifier…
La responsabilité d’intégrer qu’elle ne pourra, en aucun cas, nous remplacer !
Si nous sommes bien face à un changement radical dans la pratique de nos métiers et de toutes ses strates – du conseil au trading en passant par la relation client – il est au moins trois défis qu’aucune Intelligence Artificielle ne saura en revanche relever. Le premier, c’est celui de la créativité. Nous évoquions plus haut la création, qui est chose possible pour une IA via l’agrégation de données existantes ; mais seul l’Humain dispose d’une qualité empathique, qui lui permet de ressentir des intuitions, des émotions qui dépassent le pragmatisme, et qui lui confèrent – ou non – un talent ! Voilà donc des compétences à rechercher et valoriser plus que jamais dans nos métiers ! Le second, c’est celui du contrôle. Les Intelligences Artificielles ont été créées par l’Homme. Elles doivent de fait être régulées et contrôlées par lui. Il est fondamental que les entreprises et les spécialistes du marketing reconnaissent d’ailleurs les risques et les défis liés à leur utilisation dans la diffusion d'informations, et prennent des mesures radicales pour garantir la protection des consommateurs et le maintien de l'efficacité de la publicité. Il est également important de s'assurer que la publicité et la personnalisation basées sur l'IA sont éthiques et moralement correctes, et non manipulatrices ou trompeuses. De mon point de vue, il s’agira toujours de passer en revue par un humain, chaque tâche générée par une intelligence artificielle, afin de minimiser ces faiblesses déjà identifiées. Enfin, tandis que la pertinence de l’IA réside majoritairement dans sa capacité à être exhaustive – ce qui est encore loin d’être le cas en 2023 – je dirais que le troisième enjeu est celui de la création d’interconnexions entre tous les outils existants, ou à naître, de sorte à amplifier cette puissance supposée. On peut bien sûr déjà imaginer qu'à l'avenir, il sera possible de générer des images ET du texte, d'acheter des emplacements ET de sélectionner des groupes cibles, le tout en utilisant l'IA sur une seule plateforme ! Mais en attendant, elles ont besoin de nous pour se parler…
(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).