C’est la crise ? Communiquez !
Il paraît que c’est la crise… et quelle crise ! Économique, politique, climatique, sociale, sociétale. Les actualités nationales et internationales sont un cocktail explosif : dissolution, censure, GIEC, Ukraine, Gaza,… Les esprits sont assaillis, les marchés chahutés et la société vacille entre résignation et rage face à l’instabilité.
En France, la communication est trop souvent perçue comme une dépense superflue, une variable d’ajustement à sacrifier sans hésitation. Les entreprises se crispent, rationalisent et adoptent la politique de l’autruche, espérant traverser la tempête en silence. Résultat : elles laissent le champ libre à leurs concurrents, perdent en visibilité et compromettent leur capacité à rebondir une fois la crise passée.
Se taire face aux difficultés est-il réellement un choix judicieux ? Les chiffres prouvent le contraire. Selon GFK, pendant la crise des subprimes, les entreprises qui ont maintenu leurs dépenses en communication ont augmenté leur part de marché de 18,5 % en moyenne. Celles qui réussissent à traverser ces périodes chahutées ne sont pas celles qui se terrent en attendant des jours meilleurs. Ce sont celles qui se montrent, acceptent la complexité, s’attaquent aux enjeux de leur secteur et parlent vrai.
Ainsi, aux États-Unis, la communication reste une priorité stratégique, un outil de résilience et d’affirmation. Chaque moment de turbulence est vu comme une occasion de se positionner, de renforcer ses valeurs et sa relation avec le public. La moindre secousse devient une opportunité pour lancer des messages forts, rassurer les parties prenantes et marquer les esprits.
Prenons exemple sur Tesla en 2020. Alors que le monde vivait une année noire marquée par le Covid, l'entreprise réalisait ses premiers bénéfices. Sa recette ? La personnalité controversée mais médiatique d'Elon Musk, une utilisation intensive des réseaux sociaux et les activations marketing générées par ses utilisateurs relayant innovations et technologies de la marque sur YouTube, TikTok et Instagram.
Les crises sont aussi des périodes où le chaos médiatique atteint son paroxysme : fake news, deepfakes, vérités “alternatives”, surinformation. Dans ce brouhaha, le silence est tout sauf neutre : il devient une absence, un vide laissé à une perception négative ou aux concurrents plus audacieux. Communiquer, ce n’est ni nier les difficultés ni faire preuve d’un optimisme naïf. C’est prendre position, expliquer, rassurer et engager. C’est rappeler ses valeurs et montrer comment elles s’incarnent dans l’action.
Pendant la crise des subprimes, Coca-Cola a choisi de diffuser des campagnes centrées sur l'unité et l'optimisme avec son slogan “Open Happiness”, apportant une note d’espoir en période sombre. Nike, de son côté, encourageait la persévérance et le dépassement de soi avec des messages inspirants. Quant à American Express et sa campagne “Shop Small”, elle incitait les consommateurs à soutenir les petites entreprises locales, renforçant au passage son image de partenaire des communautés.
Aujourd’hui plus que jamais, les publics — consommateurs, partenaires, collaborateurs — recherchent du sens, de l’impact, et une réponse à leurs préoccupations. Une marque qui communique avec intelligence et humilité se distingue, non pas en criant plus fort, mais en cultivant la proximité et l’authenticité. Et les entreprises françaises sont tout particulièrement en capacité d’adopter ce ton de voix. Par exemple, pendant la crise sanitaire, Décathlon a illustré sa mission de faciliter l’accès au sport tout en servant le bien commun. Lorsque l’entreprise a distribué ses masques de plongée transformés en respirateurs aux hôpitaux italiens, l’initiative a eu un écho mondial.
La communication interne est tout aussi cruciale. Maintenir le lien avec ses équipes, répondre à leurs inquiétudes et partager une vision à long terme est essentiel. En mars 2020, lorsque le confinement frappe la France, Saint-Gobain réagit rapidement. Dès le premier jour, le président du groupe s’adresse à tous les salariés, lançant une stratégie de “sur-communication” pour préserver la motivation. Une démarche loin d’être évidente quand seulement 10 % des entreprises françaises avaient alors communiqué en interne sur les mesures sanitaires.
Les crises sont des périodes où beaucoup se taisent. Mais ceux qui osent rester visibles se positionnent en repères, non seulement pendant la tempête, mais aussi lorsque le calme revient et que les autres peinent à retrouver leur crédibilité.
Il ne s’agit pas de gaspiller, mais d’investir autrement : moins de campagnes tape-à-l’œil, plus de conversations utiles. Moins de publicités génériques, plus de storytelling sincère. Moins de bruit, plus de pertinence.
Communiquer en temps de crise est tout sauf un luxe. C’est une stratégie de survie, un levier de résilience et une opportunité de croissance. Réduire ses efforts par réflexe, c’est laisser le terrain à ceux qui, eux, choisissent d’être présents, d’engager le dialogue et de prendre une longueur d’avance.
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