Philippe Bouvard (RTL) à la retraite le 1er janvier 2025
Journaliste et amuseur public avec "Les Grosses Têtes", Philippe Bouvard a accompagné les Français pendant 60 ans à la radio avant d'annoncer une retraite à laquelle il s'est longtemps refusé.
Pilier de RTL où il travaille depuis les années 1960, son nom reste attaché à celui des "Grosses têtes", émission qu'il avait lancée en 1977 en faisant une des plus écoutées de France. Quand en septembre 2014, après 37 ans aux manettes, il doit laisser sa place à Laurent Ruquier, appelé pour rajeunir l'émission, Bouvard, proche des 85 ans, le vit mal. "Ce n'est pas moi qui ai pris la décision (d'arrêter) mais je l'ai acceptée. L'annonce de cet abandon, car c'en est un, est un déchirement", déclarait-il alors. Huit ans plus tard, la plaie mal refermée, il confiait qu'il aurait été incapable d'arrêter de lui-même "les Grosses Têtes". La station lui a ensuite confié "Allô Bouvard", diffusé le week-end, qui s'est arrêté à l'été 2020. Infatigable et toujours au fait de l'actualité, malgré sa vue et son audition défaillantes, il tient encore à 94 ans une page dans le magazine VSD, ainsi qu'une chronique dominicale sur RTL. Mais il s'est résigné à "faire silence" le 1er janvier 2025, a-t-il annoncé dimanche matin, sur sa station, comme il se doit. "Parce que le 1er janvier, j'aurai établi le double record que j'espérais, c'est-à-dire 60 ans de radio et 60 ans de RTL".
Philippe Bouvard a toujours été un hyperactif : 30.000 articles, 6.000 émissions de télé, recensait-il début 2013 dans le quotidien Nice Matin avec lequel il a collaboré. A la télévision, il a présenté de 1982 à 1987 "Le petit théâtre de Bouvard" sur Antenne 2, une émission de sketchs où s'essayent de jeunes comédiens dont plusieurs connaîtront le succès (Muriel Robin, Pascal Legitimus, Mimie Mathy, Chevallier et Laspalès...). Né le 6 décembre 1929 à Coulommiers (Seine-et-Marne) d'un couple de petits commerçants, Philippe Bouvard entre au Figaro en 1952 comme garçon de courses, après un court passage par le Centre de formation des journalistes. Il grimpe les échelons, signe la chronique mondaine et devient directeur des services parisiens. En 1973, il quitte le Figaro pour France Soir, où il occupera plusieurs fonctions hiérarchiques et signera pendant des années un billet publié en Une. Il part en septembre 2003. Au cours de sa carrière, il sera également conseiller technique à L'Express et chroniqueur à Paris Match. Il devient rédacteur en chef à RTL en 1968 et lance "Les Grosses têtes" le 1er avril 1977. Ses invités, des personnalités, doivent trouver les réponses à des "colles" posées par les auditeurs. Au fil des mois, l'argument culturel laisse la place à l'humour gaulois et aux plaisanteries en-dessous de la ceinture.
"Je reste un Français moyen..."
L'émission, quotidienne, rencontre un succès foudroyant. "Même si je revendique une certaine complaisance dans le registre de la braguette, l'exercice est plus périlleux qu'il n'y paraît. En radio, un bon mot qui vient cinq secondes trop tard n'est plus un bon mot", déclare celui qui citait Coluche, Desproges et... Cioran comme ses humoristes préférés. L'homme, au physique rond et jovial, brocarde le fisc, peste contre le mépris qu'il dit subir de la part de l'intelligentsia, et concède sur le tard être "peut-être un peu misogyne". "Je suis et je reste un Français moyen, râleur, chauvin, un rien xénophobe", déclare-t-il, tout en avouant parfois regretter de "s'être laissé engluer dans ce personnage", confiait-il au Parisien en 2022. En 1996, il a été condamné pour provocation à la haine raciale suite à une devinette posée lors d'une émission télévisée des "Grosses têtes". En mai 2000, la nouvelle direction de la radio décide de rajeunir la station et le renvoie sans ménagement en le remplaçant par Christophe Dechavanne. L'audience s'effondre et l'animateur est rappelé quelques mois plus tard. Passionné de jeux d'argent et d'écriture, Philippe Bouvard vit sur les hauteurs à Cannes, avec Colette, son épouse depuis plus de 70 ans, et prépare un 70e livre... sur la retraite.