Vincent Bolloré : le projet Vivendi est « uniquement économique »
À l’école, en 7ème 1, la maitresse avait écrit : « Vincent se mêle de tout, il n’a qu’à prendre ma place », se rappelle Vincent Bolloré. Les sénateurs étaient ainsi prévenus mercredi alors que l’actionnaire majoritaire du groupe Bolloré et ancien président du conseil de surveillance de Vivendi et du groupe Canal+, était auditionné par la commission d’enquête sur la concentration des médias en France. Une intervention forcément très attendue et scrutée, l’homme d’affaire parlant officiellement peu. Mais l’invitation du Sénat ne se refuse pas. Et il a pris bien soin de souligner qu’il intervenait devant l’assistance « à titre individuel » sans se « dérober », rappelant qu’il quitterait le 17 février prochain toute fonction au sein du groupe Bolloré, devenant un « simple conseiller », clôturant ainsi son règne à la tête du groupe Bolloré qui, en 200 ans d’existence, a connu « 1 roi, 3 empereurs et 26 présidents de la République », rappelle Vincent Bolloré. De quoi passer le relai à « la 7ème génération de la famille ».
Un secteur qui peut rapporter "beaucoup d'argent"
Alors que le groupe Bolloré c’est aujourd’hui 20 milliards € de chiffre d’affaires et 80 000 collaborateurs dans le monde, souligne l’homme d’affaires, l’ambition du groupe est pour lui tout à fait claire dans le secteur des médias dans lequel il est présent depuis maintenant un peu plus d’une vingtaine d’années : faire de Vivendi « un champion de la culture en France et en Europe ». Un secteur qui peut rapporter « beaucoup d’argent ». Les Médias, c’est « le 2ème secteur, après le luxe à être le plus rentable », rappelle-t-il. Mais interrogé plus précisément par les sénateurs sur son influence grandissante dans les médias, Vincent Bolloré a préféré se porter sur le terrain de la comparaison. « Contrairement à ce qui s’écrit un peu partout, nous sommes encore tout petit ». Le « Vivendi d’aujourd’hui est plus petit que le Vivendi d’il y a 20 ans, ce qui à l’époque ne posait aucun problème », avance-t-il. Et de lister, via quelques slides pendant l’audition, la 5ème place de Canal sur le marché français des chaines de TV, le seul million d’audience quotidienne pour sa chaine d’information CNews, ou encore son absence de la presse (avant le rachat de Prisma Media en juin 2021, ndlr) et la 19ème place de son activité d’édition.
Le "nain" Vivendi
Vivendi est un « nain » face aux Gafa’s, pointe-t-il, tentant de désamorcer les polémiques sur sa puissance sur le marché hexagonal. Parce que pour lui, le projet de Vivendi est « un projet uniquement économique, nous n’avons aucun intérêt à nous lancer dans la politique », argue-t-il encore. Ce « hiatus sur l’interventionnisme que je pratiquerais, ce sont toujours ces vieilles histoires d’il y a 4-5 ans lors de mon arrivée chez Canal+ ». Et à cette époque, « Canal+ perdait beaucoup d’argent, il a fallu réagir, faire des économies. J’ai été le bouc-émissaire parce que faire des économies, c’est un changement pénible », souligne-t-il. Et Vincent Bolloré l’affirme : « mon travail consiste à fixer le cap, à choisir les gens et à les laisser travailler ».
Face aux interrogations des sénateurs sur la place accordée sur sa chaîne CNews à Eric Zemmour malgré ses multiples condamnations pour incitation à la haine, il insiste que la chaine du groupe Canal+ est celle « du débat », « Personne n'a l'ambition, l'intention ou l'erreur d'essayer de faire des chaînes d'opinion, ce n'est pas l'objectif du groupe Vivendi-Canal+", dit-il. Et de préciser que « si on avait eu un projet politique, on serait allé chercher M6, pas Canal+. Nous sommes spécialisés dans les contenus, le sport et le cinéma. C’est tout ». Taclant encore les Gafa’s, Vincent Bolloré s’est montré offensif. « Eux, ce qui les intéresse, c'est éventuellement de prendre pied en France et de normaliser le même film dans le monde entier, donc il y a peu de chances que ce soit la culture française qui s'en sorte", a-t-il argué. « Si c'est votre choix d'ouvrir la porte aux Gafa’s pour détruire Canal, vous faites ce que vous voulez et puis Canal se débrouillera, s'adaptera », notamment via des partenariats, a affirmé l’homme d’affaires.