Arnaud Lagardère : «Je ne suis pas du genre à donner un coup de pied à quelqu’un qui m’a donné un coup de main »
Devant la commission d’enquête du sénat sur la concentration des médias en France, Arnaud Lagardère n’a pas dérogé à sa ligne de conduite prise depuis quelques mois. Avec l’ascension de Vincent Bolloré au sein de son groupe qui détient notamment Europe 1, Paris Match ou encore le Journal du Dimanche, le rapprochement « n’est pas éditorial, mais industriel et économique ». Pour lui, il « n’aurait jamais accueilli Vivendi et modifier les statuts » du groupe Lagardère s’il n’avait pas été rassuré, notamment, par le maintien du management et de sa stratégie de développement. Il a ainsi réitéré sa « reconnaissance » envers Vincent Bolloré et le management de Vivendi, citant Arnaud de Puyfontaine et Maxime Saada de Canal+. « Je ne suis pas du genre à donner un coup de pied à quelqu’un qui m’a donné un coup de main », souligne-t-il. Remontant le temps de l’histoire du groupe Lagardère, son dirigeant affirme qu’il « savait que le groupe ne pourrait résister à la nécessité d’investir ». En réduisant, depuis plusieurs années, la voilure du groupe il en est certain : « pour devenir plus grand, on devra passer par être plus petit ».
Alors que M. Bolloré, devenu premier actionnaire de Lagardère au printemps, et s'apprête à lancer une offre publique d'achat (OPA) pour en prendre le contrôle dans les prochaines semaines, Arnaud Lagardère a rejeté devant les sénateurs les accusations d'une droitisation des médias de son groupe sous l'influence de Vincent Bolloré, déplorant des « procès d'intention ». Europe 1 restera « une radio généraliste, je ne la céderais jamais ». Interrogé sur l'hémorragie au sein de la station, qui a vu partir des dizaines de journalistes par crainte d'un changement de ligne éditoriale, M. Lagardère s'est montré plus évasif. « Je ne peux pas empêcher les gens de ne pas être de mon avis », a-t-il simplement commenté. Avant de battre sa coulpe sur la façon dont Europe 1 a été dirigée. « Il y a sûrement une somme d’erreurs que j’assume », a-t-il concédé alors que la station affiche des audiences en berne depuis plusieurs saisons déjà. « A-t-on fait trop peu d’info ? C’est possible. A-t-on laissé partir une génération de journalistes qui nous manque ? C’est possible également. Nous avons en tout cas pris le virage numérique trop tard ». De plus, selon lui, le CSA « ne nous a pas aidé » sur la délivrance de fréquences radios où le service public lui a semblé bien mieux servi en la matière. « Je suis peut-être mauvais joueur », a-t-il concédé.
"Si vous cherchez un interlocuteur..."
Il est également intervenu au sujet du limogeage en octobre dernier de Hervé Gattegno, directeur des rédactions de Paris Match et du JDD. « Je voulais déjà prendre Jérôme Béglé (directeur du Point, qui l'a remplacé au JDD en janvier, ndlr) à une époque où Vivendi n'était pas au capital », a-t-il défendu. Arnaud Lagardère a d'ailleurs considéré que sa participation régulière à l'émission "L'heure des pros" sur CNews, qu'il dit par ailleurs apprécier, n'était pas un signe d'une quelconque influence éditoriale sur l'antenne. Au final, parlant donc d'une « OPA amicale » sur son groupe, au sein duquel il a progressivement perdu le pouvoir ces dernières années, Arnaud Lagardère a réaffirmé sa figure de capitaine dans l'entreprise familiale : « si vous cherchez un interlocuteur aujourd'hui et demain, vous l'avez devant vous » », a-t-il assuré.
Des "solutions" pour une fusion Hachette Livre et Editis
Enfin, concernant la fusion entre les numéros un et deux de l'édition en France, Hachette Livre (Lagardère) et Editis (Vivendi), Arnaud Lagardère souligne que Vivendi trouvera « des solutions » qui éviteront « des catastrophes ». Le dirigeant a cependant souligné ne pas pouvoir préciser comment l'actionnaire principal de son concurrent Vivendi, Vincent Bolloré, éviterait une position dominante sur le marché du livre contraire à la réglementation européenne. « C'est dans la main de Vivendi », a-t-il expliqué. « Il y aura sûrement des solutions. Pardonnez-moi, je ne fuis pas la question, mais je ne veux pas l'anticiper non plus, même si elle est d'actualité », a-t-il ajouté. « Je ne veux pas que les gens, chez Editis, et surtout chez nous, anticipent des catastrophes, des cessions, des découpages, même si on sait qu'il y a des secteurs dans lesquels on sera extrêmement dominants, qui pourraient poser problème à Bruxelles », a-t-il encore déclaré.