Publicité dans les médias : entre solidarité et “rôle politique” des annonceurs
Plusieurs éditeurs de presse ont appelé à un “rôle politique” des annonceurs, lors du colloque “Démocratie, Information et Publicité” organisé par l’Udecam, l’association des agences médias, et l’ACPM, le 23 avril à Paris. Face à l’érosion des revenus publicitaires dans la presse, au profit des plateformes numériques, les dirigeants de quelques groupes de presse se sont prononcés en faveur d’une action et d'une solidarité commune. Le directeur général du groupe La Dépêche du Midi Jean-Nicolas Baylet souhaite que les acteurs du secteur s’interrogent sur “l’impact politique de la publicité” qu’ils créent. Il a mis en garde contre le “danger d’une société qui ne fonctionne que sur l’émotion : une société qui reste dans le superficiel, où il faut aller vite, scroller... Ce qui nuit au débat de fond”.
Les plateformes qui s’accaparent de plus en plus les publicités sont pointées du doigt. Elles “génèrent de l’engagement en créant de l’émotion, ce qui génère de l’attention, mais ce n’est pas notre métier : nous sommes des producteurs d’information, nous sommes là pour donner à notre lectorat les clés de compréhension”, développe Jean-Nicolas Baylet. Un discours applaudi par le public venu assister à cette table-ronde “Une presse d'information unie face au challenge publicitaire” à La Sorbonne. Constance Benqué, présidente de Lagardère News ajoute également au sujet des annonceurs : “vous avez une responsabilité d’investir, d’avoir une solidarité de nos médias et de notre information.”
Créer un lien de confiance
Lors de cette échangé animé par Philippe Bailly, directeur général de NPA Conseil, les éditeurs ont proposé quelques pistes de réflexions. François-Xavier Lefranc, président du directoire et directeur de la publication chez Ouest-France estime pour sa part qu’il “faut bâtir ensemble un système dans lequel il y aura un lien de confiance”. Pour lui, les médias doivent effectuer un travail sur leur communauté de lecteurs et faire comprendre leurs attentes aux annonceurs. En échange, les médias doivent pouvoir offrir des audiences et un certain environnement pour la diffusion de la publicité.
Des atouts sur lesquels peuvent jouer le groupe Le Messager qui dispose de plusieurs hebdomadaires locaux, notamment en Haute-Savoie. La publicité, sans les annonces légales représente près entre 45-50 % de son financement. Le groupe met en avant auprès des annonceurs et des agences son hyper proximité. “Nous avons des journalistes et des commerciaux locaux qui font le lien et le conseil afin d'avoir une bonne stratégie de communication dans les territoires”, soutient la directrice du groupe Fanny de Larue. La question de la blocklist, liste de critères excluants de la diffusion les inventaires publicitaires, a aussi été abordée. Pierre Louette, président-directeur général du groupe Les Echos - Le Parisien soutient que “ce n’est pas aux marques de déterminer quels mots elles ne veulent pas voir”, dès lors qu’elles entrent dans le monde des médias. Pour lui, un journalisme qualitatif donnera toujours envie aux marques de s’engager.
Montrer sa différence
Les intervenants ont également proposé d’avoir recours aux crédits d’impôts, des aides publics et de faire appliquer la loi pour améliorer la situation du secteur. Dans une autre table ronde de la matinée, Louis Dreyfus, CEO du groupe Le Monde a souligné l’importance “que chacun de nous montre sa singularité”. À ses côtés, Marc Feuillée, directeur général du groupe Figaro qui chiffre à 15 % le coût de sa commercialisation, rappelle : “sans publicité, il n’y a pas de grand média d’information, à part le service public”. Il y a une nécessité de trouver un “rééquilibre et d’avoir plus de régulation”.