Les Etats généraux de l'information rendent leur rapport
Les responsables des Etats généraux de l'information ont plaidé jeudi pour un "droit de suite" à leurs quinze propositions, formulées à l'issue de près d'un an de travaux, en demandant "aux pouvoirs publics et à l'interprofession" de s'en saisir, malgré des déçus.
Sensibilisation à grande échelle à la désinformation, protection renforcée des sources des journalistes, indépendance des rédactions, ou encore actions au plan européen envers les grandes plateformes: les vastes EGI, voulus par Emmanuel Macron, ont débouché sur un plan d'action "sacrément ambitieux", selon le président de leur comité de pilotage indépendant, Bruno Patino. Le rapport de 350 pages, remis au chef de l'Etat et exposé jeudi au siège du Conseil économique, social et environnemental, a cependant laissé certains sur leur faim. "Tout n'est pas parfait, pas complet" et ce n'est pas "un ensemble de formules magiques" mais il faut "une sorte de droit de suite", a demandé M. Patino, par ailleurs président d'Arte, lors de cette restitution devant des citoyens, journalistes, responsables de médias, parlementaires et la ministre démissionnaire de la Culture, Rachida Dati. "On souhaite de la volonté politique" pour "traduire les propositions en faits", a-t-il ensuite insisté, alors que la formation du gouvernement Barnier est attendue. Nombre de mesures doivent passer par la loi, mais certaines, par exemple sur l'éducation aux médias ou la sensibilisation à la désinformation, peuvent être directement mises en œuvre par l'exécutif. D'autres relèvent de l'Union européenne.
Le comité de pilotage a aussi fait deux recommandations "aux professionnels de l'information": s'engager dans une démarche de "labellisation" pour "renforcer la confiance" du public, et construire "un outil de gestion collective" pour faire face aux grandes plateformes. Pour répondre à la commande présidentielle, le comité de pilotage s'est inspiré des conclusions de cinq groupes de travail, de quelque 175 auditions et de consultations du public, laissant de côté certaines pistes coercitives ou coûteuses, au risque de faire des insatisfaits.
Quelques réactions
François Bonnet, président du Fonds pour une presse libre (FPL), a jugé les propositions "extrêmement timides" et "peu en prise avec la situation vécue dans les rédactions", où des pressions rédactionnelles, économiques ou sociales peuvent exister. La députée écologiste Sophie Taillé-Polian a en particulier regretté "l'absence de l'instauration d'un droit d'agrément pour les rédactions" pour la nomination de leurs directeurs. Pour les syndicats de journalistes SNJ, CGT et CFDT, "si nombre de ces recommandations vont plutôt dans le bon sens, d'autres manquent de clarté ou d'ambition". C'est, selon eux, "sans doute le résultat d'un compromis visant à satisfaire les patrons de presse". La présidente de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) Dominique Pradalié a également dit sa "déception" sur la protection du secret des sources ou l'auto-régulation de la presse. Les responsables des EGI ont rappelé leur mission, "garantir le droit à l'information", et qu'ils n'entendaient servir aucun intérêt économique ou catégorie professionnelle. Le document intégral est téléchargeable ► ici.
Récapitulatif des 15 propositions
1. Faire de l’éducation à l’esprit critique et aux médias à l’école une priorité
2. Neutraliser la désinformation par une sensibilisation préventive à grande échelle (pre-bunking)
3. Étendre la qualité de société à mission aux entreprises d’information
4. Améliorer la gouvernance des médias d’information
5. Renforcer la protection du secret des sources et légiférer contre les procédures-bâillons
6. Proposer une labellisation volontaire des influenceurs d’information
7. Créer une nouvelle responsabilité : la responsabilité démocratique
8. Redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur de l’information
9. Assurer le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration
10. Pour une reconnaissance européenne du droit à l’information
11. Instaurer un pluralisme effectif des algorithmes
12. Rendre le marché de l’intermédiation publicitaire en ligne plus concurrentiel pour permettre un partage de la valeur équilibré
13. Instaurer une obligation d’affichage des contenus d’information pour les très grandes plateformes
14. Rendre effectives les responsabilités des grandes plateformes dans la lutte contre la désinformation et le cyberharcèlement en préparant un « acte II » du Règlement sur les services numériques (DSA)
15. Consolider une politique de lutte contre la désinformation à l’échelle européenne