Les disciplines parasportives peinent à exister dans les médias
Les disciplines parasportives - qui incluent handisports et sports adaptés aux personnes avec handicap mental ou psychique - peinent à exister dans les médias, faute d'images ou de connaissance du sujet, une lacune que le gouvernement espère combler trois ans avant les Jeux de Paris en 2024. Avec moins de 1% de personnes handicapées dans les programmes sportifs en 2018 selon le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la représentation des 12 millions de Français vivant avec un handicap, soit 18% de la population, n'est pas à la hauteur. Le skippeur Damien Seguin est un des rares parasportifs dont les performances ont bénéficié de la lumière médiatique lors du Vendée Globe, la course autour du monde à la voile en solitaire et sans escale. « J'ai eu plus de médiatisation que sur l'ensemble de mes quatre Jeux » entre 2004 et 2016, explique-t-il à l'AFP. Il a bénéficié de la large couverture médiatique de l'événement et de sa sixième place au classement. La médiatisation du parasport est pourtant la plus importante au moment des Jeux paralympiques : en 2016 à Rio, France Télévision y a consacré 104 heures, soit trois fois plus qu'en 2012 à Londres.
Mais hors des Jeux, « il manque souvent des images et de la production. C'est la responsabilité de tous les diffuseurs » et des organisateurs d'événements, a reconnu Laurent Prud'homme, directeur général du groupe L'Equipe, lors du lancement lundi de l'opération « Jouons ensemble », une semaine thématique visant à promouvoir le parasport dans les médias. Cette mobilisation annuelle « vise à créer une émulation collective », explique à l'AFP Roch-Olivier Maistre, président du CSA, organisateur de l'opération, soutenue par le ministère des Sports, le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et le Comité paralympique et sportif Français (CPSF). L'ambition? Établir « un rendez-vous périodique sous le regard des médias » et « que les opérateurs sachent que tous les ans le régulateur fera un point sur la situation ». Le CSA réitère une formule déjà éprouvée avec la semaine « Sport féminin toujours », destinée à augmenter la représentation des sportives dans les médias. Cela a déclenché « un mouvement positif » et « une prise de conscience » sur l'existence d’« un public pour le sport féminin », estime M. Maistre.
Mais au-delà du nombre d'heures, la manière de parler du parasport est aussi scrutée. « Au début du Vendée Globe, les papiers portaient essentiellement sur Damien Seguin, le skipper handicapé, avec des articles informatifs », se rappelle le skippeur de 41 ans. Son parcours est parvenu à changer l'approche, avec « des articles plus approfondis, qui mêlaient le traitement de ma particularité et ma performance sportive », se satisfait-il. Une exception car, selon lui, « on parle soit du handicap soit de la performance mais on a du mal à assembler les deux ». La couverture médiatique ne doit ni tomber dans le « misérabilisme » ni dans l’« héroïsme » : « il y a un juste milieu », a défendu Carole Bienaimé Besse, conseillère du CSA, lors de la conférence de présentation.
La ligne de crête est parfois ténue. « Quand on parle d'un handisportif, on a envie de mettre en valeur son parcours de vie parce qu'il comporte souvent une grande résilience à un moment donné où (sa) vie a basculé », explique à l'AFP Guillaume Semène, animateur de l'émission « Au coeur du sport » dédiée au handisport, sur la radio associative Vivre FM. « Quand on parle des sportifs de haut niveau, on en parle souvent comme des personnes exceptionnelles, comme Kylian Mbappé ou Neymar », poursuit-il. D'où l'importance d'élargir la diffusion au-delà des grandes compétitions, avec « des reportages au quotidien dans les magazines ou les JT », argue Mme Bienaimé Besse. Se pose aussi la question de l'emploi de mots justes : ne pas parler d’« un handicapé » mais d’« une personne en situation de handicap » ou d’« une personne handicapée », précise entre autres précautions sémantiques le dossier de presse de l’opération. « Ce n'est pas un gros mot de dire une personne handicapée », tempère Pauline Déroulède, joueuse de tennis-fauteuil, marraine de l'initiative. « On prend des pincettes mais cela desservirait justement cette cause que de prendre trop de pincettes et dans le sport, je pense que le handicap n'a plus sa place, on parle de sport tout simplement », estime-t-elle.