Deux jours et demi à Cannes - Jérôme Denis, Président de La Pac
Samedi 25 juin, accompagnés d'un citron pressé, on a conversé avec Jérôme Denis le président de La Pac. Voilà ce qu'on s'est dit.
1) Vous êtes sur la Croisette avec ce gros carton : qu'est-ce qu'il y a dedans ?
Jérôme Denis : de grosses enveloppes, dans lesquelles se trouvent de gros livres de plus de 200 pages, remplis de gros souvenirs et de gros messages d’amitiés de David Lynch, Ridley Scott, Xavier Giannolli, Jacques Séguéla, Remi Babinet, Franck Riboud ou Bertrand Blier pour n’en citer que quelques uns. La Pac fête ses 50 ans, et après un an de travail, ce beau gros livre que je vais me faire le plaisir d’offrir un à un à toutes les personnes qui ont compté et participé à cette aventure. J’ai un an. Je suis large.
[NDLR : à lire aussi l'article paru dans le CB News de l'été. C'est ici, page 64, et c'est cadeau].
2/ Avez-vous eu le temps, le loisir, le plaisir de voir vos pairs ? "On" vous a vu à la soirée Packshot par exemple ...
Jérôme Denis : ce fut un Cannes coup de vent me concernant. Je me faisais une fête à l’idée d’y passer la semaine et de profiter de ce moment de partage avec mes équipes, les agences françaises, les autres sociétés de prod françaises mais aussi tous mes amis réalisateurs, producteurs étrangers, d’Australie, USA, Angleterre, Allemagne… Mais un gros tournage s’est glissé jeudi en plein milieu de la semaine. Je n’ai débarqué que jeudi soir in extremis pour remettre un prix aux YDA : de mon point de vue la meilleure compétition cannoise. Puis un tour chez les copains de Shots (poke Jamie Madge) et enfin oui : la soirée Packshot. Une super idée que Yann a eu pour fêter les 10 ans d’existence. Nous sommes quelques productions françaises à l’avoir aidé dans l’entreprise. J’ai longtemps cru que toutes les boites de prod françaises auraient suivi. C’était un super moment, le plaisir de retrouver toute la communauté créative française dans un lieu magnifique.
3/ Le Cannes "d'avant" c'est terminé ? C'est plutôt une bonne nouvelle ?
Jérôme Denis : je suis un éternel optimiste donc oui, et je pense profondément que ce sont les plus jeunes qui ont les clés. Les teams La Pac et DeGaulle ont vécu un Cannes plein, en essayant de gratter des places pour la plage Spotify et ses concerts de fou en partageant le rosé de l’amitié au Martinez ou au Belles Rives entre 2 ppm et 3 pitchs. Cannes c’est un passage une passation même. Un fil continu. C’est surtout un révélateur auquel il faut oser se confronter... Et c’est dur. Car les années moyennes, sans espoir véritable de prix, il ne reste que la communauté et le plaisir d’être ensemble pour profiter. Mais c’est déjà pas mal, non ?
4/ Les agences indépendantes françaises étaient présentes, notamment dans le palmarès (ex. Altmann+Pacreau, Herezie...) : qu'est-ce que ça révèle de leur état d'esprit ?
Jérôme Denis : ça me raconte que, même petit, tu peux gagner. Que sans avoir de gros moyens, de lobbys puissants, de stratégie d’inscription de prix, la qualité et l’originalité d’une idée, d’une réalisation font la différence. Il y a de plus en plus de distance entre les moyens créatifs et financiers des USA et de la France, pour ne prendre qu’un exemple. Notamment dans la catégorie Craft… les USA écrasent le game. Est-ce une histoire de moyens ? Il est vrai que c’est plus probablement plus facile de réussir un décor, des cascades, une cinématographie avec un budget 5 à 10 fois supérieurs donc plus de ressources et de jours de tournage (c’est le producteur qui parle). Est-ce une histoire de focus créatif ? Pour revenir aux agences indépendantes, je pense que leur modestie les amène à travailler avec plus d’engagement, de façon plus horizontale, à embrasser encore plus toutes les contraintes pour parvenir à faire quelque chose d’unique. Les conversations sont plus directes, moins d’intermédiaires… Faire un bon film c’est un boulot d’équipe, mais jouer aux foot avec des équipes de 24 c’est pas toujours bénéfique ! Bravo à eux. Sur l’année qui vient de s’écouler, DeGaulle et La Pac ont beaucoup travaillé avec Altmann+Pacreau, Change/Brand Station, Artefact, Hungry and Foolish, et d’autres… Et elles ont été parmi les meilleures aventures créatives de 2021/2022.
5/ Je sais que la question est difficile : mais avez-vous vu des travaux remarquables parmi les Grand Prix et autres Lions ?
Jérôme Denis : rien d’étonnant à ce que je dise que je suis principalement sur les catégories Craft, Film et Entertainment. C’est déjà solide en digestion. Les films Apple de David Shane, intelligent, simple, précis. Le Meow Wolf d’Andreas Nilsson pour Wieden & Kennedy Portland car l’audace et l’imagination gagnent toujours quand elles sont exercées avec talent. Et pour rattraper un film français, le Winamax de Sam Pilling en Craft. Une exécution puissante, tout y est juste, contemporain. La France est toujours un peu boudée en Craft à Cannes, je me souviens que deux campagnes que j’ai pu produire comme Lacoste "The big leap" et Leroy merlin "The big adventure" et qui ont ramassé pas mal de prix n’avaient rien pris en Craft. Nos amis anglo-saxons diraient "c'est la vie" ! Je ne suis sûrement pas assez philosophe...
6/ Que dit votre "radar" des tendances publicitaires ?
Jérôme Denis : je ne parlerai que des tendances dans la production. Une disparition de la "classe moyenne" : des idées super sans le sou, des énormes films avec des égéries qui souvent mettent sous tutelle création et réalisation, et au milieu pas facile d’exister. Une tendance à plus d’horizontalité dans les productions. La volonté de tourner en France. Agilité, agilité, agilité. En régime de chien, matin midi et soir.