Jérôme Doncieux (ETX Studio) : "En 2020, nous allons audacieusement défendre, en 2021, nous allons audacieusement attaquer"
Le temps s'étire, le confinement dure pour quelques jours encore et CB News poursuit inlassablement ses rencontres virtuelles. Rendez-vous avec Jérôme Doncieux, fondateur d'ETX Studio.
1) Deux mois de confinement et de télétravail… les process ont-ils été faciles à mettre en place ? Tout se passe-t-il comme prévu ?
Étonnamment fluide et même paradoxalement euphorisant car ce choc est survenu au moment où ETX Studio se déployait super vite et super bien dans l’immeuble média le plus rock de Paris, celui de Radio Nova, Les Inrocks et Rock en Seine. Cette énorme énergie transformatrice qui est au cœur de l’ADN d’ETX Studio a aussi bénéficié de trois facteurs très favorables. D’une part, un facteur culturel puisque nous avons une forte expérience du télétravail, de l’agilité et du travail distribué depuis plusieurs années. D’autre part, un facteur humain vu dans beaucoup d’organisation, à savoir une solidarité interne dingue, l’envie commune de s’en tirer et tout le monde sur le pont, aussi bien pour bosser comme des fous que pour déconner et décompresser avec beaucoup d’humour mais aussi de tendresse dans les échanges. Enfin, bien sûr, un facteur technologique car tout est vraiment possible à distance dans nos métiers grâce à la tech donc merci Google, Slack et les équipes chez nous qui ont piloté parfaitement cela, en liaison aussi avec les équipes de Publicis qui ont été top. On est impatients de tous se réunir pour boire un verre sur notre terrasse qui a la particularité de donner d’un côté sur le Paris historique de Montmartre et de l’autre côté, sur le Paris de la fourmilière de Saint-Ouen. Terrasse sur laquelle je suis souvent venu travailler pendant le confinement, me retrouvant seul dans l’agence mais avec un formidable compagnon de conversation, Matthieu Pigasse, lui aussi en train de lancer un superbe projet de banque-boutique qui va dépoter et avec qui nous avons beaucoup échangé sur le monde d’après. Des moments d’autant plus incroyables que notre terrasse surplombe le périphérique qui était vide.
2) Quelles sont les urgences de vos clients ? Que vous demandent-ils ? Quelles sont vos préconisations ?
Au lendemain du discours du Président annonçant le confinement, j’ai écrit aux clients en leur proposant un plan en trois points : d’abord, les aider à réduire leurs coûts, ce que nous avons fait en suspendant ou reportant des projets, ensuite les « aider à aider » dans notre champ de compétences, ce que Citroën a fait en ouvrant à tout le monde sa plateforme The Citroenist qui a fait un carton, illustrant le besoin de lien ; et enfin les aider à réussir l’après, ce que nous sommes en train de faire autour de trois mots-clefs - #MieuxDifferemmentMoins — de l’approche « Covid — 19 Transformative Restart ». Je suis frappé du choc post-traumatique à venir pour les citoyens, les entreprises et les marques. Des marques dont les dirigeants nous écoutent car ils sont très sensibles à notre discours sur la nécessité de changer radicalement dans nombre de domaines.
3) Quels enseignements pourriez-vous tirer de cette période ?
Il faut faire preuve d’une immense humilité, d’une immense reconnaissance à l’égard de ceux — des élus aux blouses blanches en passant par les caissières, les kiosquiers ou les éboueurs pour ne citer qu’eux — qui sont allés au feu, mais aussi d’une immense lucidité car putain — pardon mais comme on dit chez moi à Toulouse — qu’il est important de tirer des leçons et non de donner des leçons comme l’a très joliment dit le Professeur Chiche récemment sur BFM. J’en tire des enseignements de quatre ordres : sociétal, managérial, stratégique et personnel.
Premièrement, un enseignement sociétal : vivement l’avènement d’une « perma société » inspirée de la Permaculture. Une société du « mieux on mélange mieux ça pousse », plus inclusive, plus harmonieuse et plus efficace. C’est un combat important pour moi que j’ai entamé il y a seulement trois ans mais dont je sentais qu’il était vital, je n’imaginais malheureusement pas à quel point. Conviction qui préside à la création du « Perma Restart café » que nous lançons avec La Tribune avec qui nous allons proposer aussi le « Perma Forum » car on ne peut pas rester au fond du court alors que la France comme L’Europe peuvent et doivent être moteurs d’un nouveau « perma modèle » vertueux.
Deuxièmement, un enseignement managérial : vive le permanagement que nous mettons en œuvre depuis deux ans chez ETX avec accélération au cours de ces six derniers mois avec le collectif « Merci Raymond » qui nous permet d’inventer un modèle singulier grâce au concours d’un polytechnicien, d’une ingénieure agronome, d’un architecte et de jardiniers. Malgré les circonstances, j’ai tenu à maintenir des investissements importants afin d’emménager l’agence en plusieurs zones à l’instar des fermes de Permaculture : zone Focus pour la réflexion et à ce titre silencieuse, zone hybride de production, zone créative de coconstruction, sans oublier la zone d’inspiration que constitue la terrasse et la zone d’équilibre que constitue le télétravail qui avait été mis au cœur du modèle avant la crise donc imaginez après ! J’en profite d’ailleurs pour remercier Lomig Guillo qui anime le « Journal du télétravail » du magazine Management de m’avoir permis de développer cette conviction dans son podcast.
Troisièmement, un enseignement stratégique pour les médias comme pour les marques : viva la revoluSON et les contenus en situation de mobilité. Le retour à la mobilité qui nous a tant manqué va à mon sens et celle de mon camarade bien plus expert que moi Laurent Guimier faire exploser cette tendance. Les yeux sont en effet saturés, l’écoute passive par exemple de l’auto radio va sembler bien mièvre même si les radios ont fait un super boulot pendant la crise et écouter du contenu en situation de mobilité va devenir must have, tant pour les contenus personnels que professionnels. Les médias vont devoir accélérer dans le domaine afin, comme les marques, de faire #MieuxDifferemmentMoins. Prenons l’industrie automobile pour qui cette crise est un choc historique et un risque historique de recul de l’usage puis de faillite de nombreux industriels. C’est en revanche une chance historique pour elle si elle accélère et offre une mobilité propre, enrichissante grâce aux contenus et progressivement autonome en devenant des champions de l’attention qui vendent moins mais qui créent plus de valeur avec chaque client.
Quatrièmement, un enseignement personnel : hyperactif de nature, fatigant pour mon entourage comme (!) pour moi, j’essaye de ralentir en adoptant une « perma attitude », je circule désormais en vélo électrique, je prends goût au silence qui me faisait peur jusqu’alors mais je continue à être un enfant qui marche aux 4C : Cacolac, Coca sans sucres, Caroline d’Idenium pour ses excellents conseils et CB news bien sûr :)
4) Pour une jeune entreprise, cette crise est un danger majeur ou une opportunité ?
Les deux mon général ! Bien sûr un danger majeur car le business va ralentir fortement et qu’il faut être agile et avoir du cash pour passer. Ayant zéro dettes, du cash et ayant obtenu en 72h00 un PGE de 1,6 M€ de la part de BNP PARIBAS, ETX est certain de passer à 300 %, ce qui constitue une force énorme. Opportunité majeure aussi car la crise valide totalement notre positionnement « Editorial Transformative Xperience », notre credo de faire #MieuxDifferementMoins et en termes de contenus le besoin d’une part d’infra-ordinaire qui est au cœur de l’offre ETX et d’autre part d’extraordinaire qui est au cœur de l’offre Paris Modes Studio, notre département consacre au (x) luxe (s).
Conclusion : 2020 sera une année où nous allons audacieusement défendre et 2021 où nous allons audacieusement attaquer :) Les grands groupes et les entrepreneurs sortent en général toujours renforcés des crises et je pense que l’ampleur de celle ci fait que ce sera plus que jamais le cas. Rendez-vous dans un an.