Lionel Damm (OP1C) : "les marques qui n'osent pas en social media, n’ont pas une bonne stratégie"
Le confinement s'étire et CB News poursuit ses rencontres avec les acteurs du secteur de la communication. Rendez-vous aujourd'hui avec Lionel Damm, directeur associé de l'agence OP1C, qui accompagne les marques en social media, conseil production et média.
Mesurez- vous l'impact financier de cette crise sur votre agence et vos activités ?
Lionel Damm : nous ne l’avons pas encore déterminé car cette crise sanitaire n’est pas terminée. Néanmoins, nous ne sommes pas au chômage partiel depuis le début du confinement et nous n’avons pas fermé notre pôle production, contrairement à d’autres agences. Parce que nos clients ont continué l’activité, même en la réduisant. Mais le news business a été divisé par trois par rapport à d’habitude. Le défi maintenant, consiste à travailler sur de nouveaux projets à l’approche des vacances ou des soldes, par exemple. Nos équipes conseil et créa’ sont toujours là pour assurer les appels d’offres. On en avait quatre ou cinq au début du confinement, qui ont depuis, été décalés. C’est une chance que nos clients n’aient pas drastiquement coupé les activités ! Et puis, le social media fait partie de l’une des branches du secteur de la communication qui subit moins de plein fouet la crise. Ce n’est pas comme avec les imprimés publicitaires ou l’événementiel par exemple, dont on parle beaucoup au sein de l’AACC actuellement. Le social media est le point de contact de beaucoup de marques avec leurs consommateurs. Ce qui prouve que cette crise a permis au social media de mettre en avant davantage de possibilités et de projets, même si les répercussions ne seront pas immédiates. C’est très positif pour le marché. Et les annonceurs en sont de plus en plus friands. En ce sens, le discours de l’agence change un peu. Avant, il fallait convaincre ceux qui voulaient être créatifs sur les réseaux sociaux, maintenant on change de fusil d’épaule : on leur montre le potentiel du social media. La semaine dernière nous avons aussi senti un début de frémissement de reprise et avons reçu des demandes de projets post-confinement. Ce sont des appels d’offres de petite taille mais après tout, c’est ce qui fera vivre les agences, non ?
comment incitez-vous vos clients a communiquer en cette période ? Quelle est la nature des échanges et quels discours ou dispositifs leur proposez-vous d’adopter ?
Lionel Damm : pour nos clients dans l’alimentaire, c’est une aubaine ! Leur activité est même au cœur des intérêts des Français. Nous avons augmenté les volumes de présence de nos clients. Je pense en effet à une marque de chocolat, même si cette dernière fait indirectement face au défi du manque de farine en rayons. Le défi est donc de créer du contenu autour de recettes et de s’adapter aux comportements des utilisateurs. Mais tout en faisant attention aux problématiques en matière de communication santé : ne pas surconsommer des bombons ou de l’alcool, par exemple ! Pour la Mie Câline aussi, nous avons lancé des patterns dans le jeu Animal Crossing. On essaie de sortir du quotidien. Bonne nouvelle, les clients sont également moins frileux et osent davantage. Du côté des annonceurs sport en revanche, le confinement a bloqué toute communication. Avec Decathlon par exemple, difficile de faire du tennis chez soi ! Les marques qui communiquent sur les sports extérieurs et collectifs ont surtout, moins de légitimité à prendre la parole. On a poussé à ce niveau là, mais ça n’a pas repris plus que ça. Depuis, nous sommes devenus experts en gâteaux ! (rires). D’autres annonceurs, comme Saint-Maclou, dont les magasins sont fermés et le e-commerce fonctionne peu, réfléchissent à une communication post-confinement, sur la question de l’inspiration décoration. L'erreur aussi pour les annonceurs, de manière générale, c’est de surconsommer sans faire de business. Et le défi, de savoir ce que les marques veulent raconter afin qu’elles puissent capitaliser dessus. Etant donné que chez OP1C on ne fait que du social, soit on est très prioritaires dessus et le client nous laisse la liberté totale de conception, soit on se place en soutien pour travailler avec son agence de communication. Pour adapter un discours en social media, par exemple. Mais tant que tout le monde ne s'est pas harmonisé, il est compliqué d’avancer. Surtout lorsque les délais des uns et des autres ne sont pas les mêmes et qu’il y a des périodes de latence de plusieurs jours à cause du travail partiel. C’est l'aspect le plus difficile de la situation, puisque nous sommes très réactifs sur les opérations en cours.
Avez-vous, ou pas, le sentiment que les usages/ rôle des réseaux sociaux à changé depuis le début du confinement ? Tant du coté des consommateurs que dans les stratégies des annonceurs ?
Lionel Damm : dans les deux cas, oui. Les consommations explosent et de nouveaux formats et usages apparaissent. Sur des volumes d’âges différents, autour de lives sur Facebook, Instagram ou programmes en visio, notamment. Et les marques s’y adaptent. Certaines suivent, d’autres qui n’étaient pas convaincues, en ont désormais compris la puissance. En regardant l’activité de la concurrence. Et, si avant le social media était relayé en tant que média complémentaire d'une stratégie globale, il en devient aujourd’hui un canal prioritaire, un média principal. À la sortie du confinement, il permettra a beaucoup d’entre elles d’aller plus loin et de compléter leur discours de marque. Elles pourront dire : je veux être plus créative auprès de communautés plus précises, sinon autour de sujets plus segmentés. On observe aussi ce gap, avec les marques qui prévoyaient des événements physiques et qui se demandent comment elles peuvent les maintenir en virtuel, autour d’animations et en social media. C’est cela qui peut montrer une nouvelle voie, une nouvelle utilisation des outils dans notre domaine, comme pour l’événementiel. Aussi parce que les consommateurs sont très connectés et très exigeants. Et que la concurrence créative des marques ne pardonne pas. Les marques qui ne veulent pas jouer à ce jeu là, qui n’osent pas, y compris en social media, n’ont pas une bonne stratégie. En écartant ces tests en période propice, où les cibles sont à l’écoute (les consommateurs), elles ne peuvent pas se rendre compte de la performance de leurs campagnes. Il y’a toujours moyen de défendre ses valeurs et ses produits. Et ce, sans en faire trop. C’est tout l’intérêt du social media et des formats plus interactifs sur Instagram. Ainsi, celles qui ont peur de ne pas maitriser la nouveauté, loupent quelque chose. C’est une grave erreur que de se taire en cette période. Le retard pris, leur coûtera cher. C’est détruire ce qu’on a construit. J’en suis convaincu, tout comme l’est l’agence.
comment envisagez- vous l'après ? Avez-vous des nouvelles offres en cours de construction pour vos clients, par exemple ?
Lionel Damm : Je ne suis pas devin mais de nature optimiste. Du point de vue de l’agence, l’après sera positif. On aura encore mieux compris comment fonctionne le social media. Le tout sera de voir si les comportements qui ont changé se maintiendront. Et pour les annonceurs, s’ils les garderont, ou les oublieront. Je pense que le social media va prendre davantage de puissance, tout comme le digital en a bénéficié il y a dix ans sur d’autres métiers de la communication. En plus de ça, pendant deux mois, personne ne s’est jamais autant formé sur le numérique autour de webinars et autres rendez-vous en ligne ! J’aimerai qu'il y ait une continuité pour ces métiers du digital. Même si de nombreuses organisations ont du se réadapter en interne et développer de nouvelles compétences. Et en interne, l’adaptabilité et la souplesse des annonceurs est très importante aussi. Avant, chez OP1C par exemple, nous faisions du community management, de la modération et de la gestion de service client. Maintenant, certains clients ont récupéré ces missions en interne. Mais pour autant, ça n'a pas changé notre quotidien. Ce que je veux dire par là, c’est que nous n’avons pas à mettre en avant de nouveaux produits, contrairement à ceux qui se sont lancés dans les live, etc. Pour nous, ce n'est pas une relance, mais une poursuite d’activité. Il faudra donc être créatifs, en termes d’agence de communication pour aller plus loin encore. On le voit d’ailleurs sur les briefs des dernières semaines. On ne va pas faire de l’événementiel car ce serait présomptueux. Néanmoins, nous avons la chance d’être sur des médias en avance. Et peu d’agences ne font que du social média, la plupart d’entre elles étant plutôt positionnées 360°. Donc je suis positif pour l’avenir du secteur.