VSYT : L'art du dupe
Focus sur la tendance "How to look/smell expensive" dans ce sixième épisode de "Vu sur YouTube".
Après nous avoir parlé de santé mentale avec la tendance "Somatic Workout", Lucile Le Goallec, cultural insights lead beauty & luxury chez Google, aborde cette fois-ci l'art du dupe avec le phénomène "How to look/smell expensive". Qui n'est pas une tendance émergente en soit, mais qui connaît "un pivot" sur le moteur de recherche depuis la fin d'année 2022. "Le pivot du dupe, il est dans cette officialisation du dupe comme nouvelle catégorie officielle d'achat que les consommateurs et consommatrices recherchent et revendiquent", explique Lucile Le Goallec, tout en nous rappelant qu'un moteur de recherche a été créé le mois dernier - dupe.com - 100 % dédié aux dupes. Ou encore qu'Amazon propose une quantité monstre de produits dupes sur son site. "C'est l'innovation qui est en train de renforcer l'usage, plutôt que l'usage qui découle de l'innovation", décrypte-elle.
Une tension entre l'être et le paraître
Les marques de luxe créent une inaccessibilité financière affirmée. Ce qui va inciter les internautes à trouver un moyen de détourner ces codes et ces apparences. Pour Lucile Le Goallec, le How to look/smell expensive n'est pas "juste une tendance". Selon elle, nous sommes face à "un phénomène qui questionne notre rapport à la valeur des choses et à cette tension, inhérente au luxe, entre l'être et le paraître". En effet "How to look/smell expensive, c'est vraiment ce déplacement de l'être vers le paraître, avec des internautes qui concentrent leurs efforts sur la recherche des bons codes qui font le "paraître" plutôt que de maîtriser à tout prix les codes de "l'être", qui sont plus inaccessibles - socialement comme financièrement". À travers cette tendance, Lucile Le Goallec analyse également "un renversement de la valeur et de la fierté" : se revendiquera "smart" le consommateur qui trouvera le meilleur dupe, "le pouvoir est dans ceux et celles qui vont trouver ces chemins détournés et les défricher au nom du reste des consommateurs et consommatrices".
Le Quiet luxury, précuseur de la tendance
L'année dernière était marquée par le Quiet luxury, une montée en puissance d’un nouveau luxe particulièrement discret - contrairement au Loud luxury, qui laissait place à des tenues vestimentaires très voyantes, avec de gros logos très marqués. "Il est beaucoup plus facile de duper un Quiet luxury qu'un Loud luxury par exemple", explique Lucile Le Goallec, "avec son invisibilisation de la marque au profit du design, de la qualité et du savoir-faire du produit reconnus des connaisseurs, le Quiet luxury a ouvert la porte à cette massification du dupe, parce que c'était une tendance qui s'y prêtait parfaitement".
Et la valeur dans tout ça ?
Cette "trend" est-elle saine ? Dans une ère où les consommateurs - surtout les jeunes - prêtent particulièrement attention à leur santé mentale et à la transparence, cette tendance n'est-elle pas en décalage avec leurs valeurs ? "Ce phénomène questionne énormément la notion de valeur, à la fois d'un point de vue conso, mais aussi d'un point de vue marque", pose-t-elle, "en quoi mesurera-t-on demain la valeur perçue d’une marque - dans sa capacité à être ou à paraître ? Dans le fait qu'elle puisse être "duper mais jamais égalée" ou au contraire "indupable" ?".
Is it worth it ?
"Comment les marques - notamment de luxe - peuvent-elles répondre avec authenticité à la question “Is it worth it ?” que se posent les internautes - tout en préservant leur magie et leur mystère ? À l’image de la chaîne YouTube du créateur "Tanner Leatherstein", sur qui le New York Times vient d’ailleurs de faire un article, et qui est connu pour son art de détruire et décortiquer des sacs à main haut de gamme dans son atelier pour en analyser la vraie valeur de fabrication et de production versus la valeur faciale - et ainsi révéler la réalité derrière l’augmentation des prix des produits de luxe à des internautes fascinés par la question “Is it worth it ?” ".