The 2050 CANDY-BAN : Les marques survivront-elles à l’interdiction du bonbon ?

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Une série en exclu pour CB News : quand dentsu X imagine demain...

Ce premier exercice de design fiction qui va en appeler d'autres, réalisé par dentsu X, a pour ambition d’analyser comment les signaux faibles de notre société pourraient la faire évoluer s’ils devenaient la norme dans vingt ou trente ans. Cet exercice n’a pas vocation à prédire l’avenir, mais plutôt de comprendre comment les marques pourraient s’adapter, voire jouer un rôle dans ces éventuelles transformations ? Dans cette fiction, il a été imaginé qu’à partir des années 2040, l’explosion du nombre de maladies cardiovasculaires liées à la sédentarité et à l’obésité a poussé le gouvernement français à adopter des mesures drastiques en matière d’alimentation-santé. Et si demain la consommation de sucrerie par les enfants et les adultes était hautement contrôlée et conditionnée par l’état de santé ? Et si les bonbons devenaient un produit luxueux et associé à la récompense de l’effort physique ?

Les plus âgés d’entre nous en parlent avec nostalgie : le temps où manger une poignée de bonbons était un geste anodin, y compris et même surtout pour les enfants. Aujourd’hui, leur vente est ultrarégulée, ils sont même devenus un produit de luxe et sont associés aux pratiques sportives intensives. Retour sur une transformation majeure de notre siècle.  

Dans les années 2010, le Gouvernement a commencé à alerter sur les dangers liés à l’obésité et à la sédentarité. Plusieurs campagnes avaient vu le jour en ce sens : « Mangez, bougez » « Mangez cinq fruits et légumes par jour », etc.  Dans les années 2020, une étude de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a commencé à mentionner les pertes de capacités cardiovasculaires des enfants sur une génération. À cette époque, des médecins ont alerté sur l’apparition de pathologies nouvelles pour les enfants : hypertension artérielle, cholestérol, diabète, etc. Les écrans, la malbouffe, la sédentarité ont été désignés comme les principaux coupables.

Les années 2040-2050, quand la génération concernée par l’étude de l’ANSES est arrivée à l’âge adulte, ont marqué un tournant dans la mise en place d’une politique contraignante en matière d’alimentation-santé. Le nombre de maladies cardiovasculaires chez les 20-30 ans a alors triplé en une génération, on a même parlé d’épidémie tant le phénomène touchait de monde, sans distinction sociale ou géographique. Pour la première fois en France depuis des années, l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé ont reculé de plusieurs années. De nombreuses études ont alors mis à jour l’influence des comportements alimentaires des enfants sur leur condition physique adulte. Plutôt que de multiplier les incitations bienveillantes, les « nudges », le Gouvernement français a décidé d’imposer des mesures contraignantes et le secteur des bonbons et sucrerie, associé à l’enfance, a été le premier impacté.                  

À partir de 2050, le « plan anti-obésité » a introduit plusieurs mesures phares : l’interdiction pure et simple de l’achat et de la consommation de sucreries pour les enfants de moins de seize ans, l’interdiction de représenter l’acte de consommation des bonbons et sucreries dans les visuels publicitaires y compris pour les marques qui proposent également des bonbons sans sucre, la « mise sous clé » des sucreries dans les points de vente comme les alcools forts et le contrôle d’identité à l’achat.                                            

En parallèle, grâce au dispositif de santé connecté généralisé sur le territoire dans les années 2040, le Gouvernement a lancé l’application STOPOSUCRE dont de nombreuses personnalités publiques en sont devenues les ambassadrices à travers des spots et affichages publicitaires. Désormais, toute personne souhaitant acheter des bonbons ou sucreries doit montrer, lors de l’achat, son application reliée à son dispositif de santé. En fonction d’un diagnostic personnalisé, l’application indique ou non l’autorisation d’acheter des sucreries, dans la limite d’une par jour. Pour toute personne ne souhaitant pas utiliser cette application, la consommation de bonbons et sucreries a été tout simplement interdite. Après des mois de bras de fer avec le Gouvernement, les grandes marques ont réussi à imposer une condition supplémentaire : ont été autorisées à acheter une sucrerie par jour toutes les personnes ayant pratiqué au moins une heure de sport intensif dans la journée.

En une génération, une image et un usage transformés

Le bonbon est alors devenu un objet de convoitise qu’une tranche restreinte de la population est autorisée à consommer. Pour les autres, pas d’autres choix que de s’inscrire en salle de sport ou de suivre des programmes sportifs et alimentaires en tout genre pour pouvoir y accéder.

Désormais, les écrans publicitaires en salle de sport diffusent de nombreux spots mettant en avant ce Graal moderne, le bonbon, symbole des efforts fournis. De nombreux slogans publicitaires voient le jour comme le célèbre « Just deserve it. » inspiré du « Just do it » de Nike.                                   

Les influenceurs sportifs, tout en prônant une alimentation saine composée de jus détox et de salades « low carb », sont les nouveaux ambassadeurs de ces sucreries réservées aux adultes, à l’IMC dans la norme et/ou à l’activité sportive intensive. De nombreux vlogs aspirationnels ont émergé, générant énormément de conversations sur les réseaux sociaux. Un grand nombre de personnes n’ayant pas l’IMC requis pour pouvoir prétendre à l’achat d’une sucrerie documentent leur routine sportive et alimentaire.

Afin de soutenir ces initiatives, les marques de sucreries organisent des « bootcamps » animés par des influenceurs et qu’ils retransmettent en direct dans le métavers. Lors de ces évènements, pas question d’offrir des sucreries, mais de nombreux goodies sont distribués, la communauté des « aspirants » à un IMC favorable arborant fièrement leur t-shirt « No sweat, no sweet », et leurs parrains -ceux ayant réussi- leur t-shirt « I made it ».                                         

Pour survivre, les marques ont considérablement augmenté leurs prix. Les bonbons sont devenus un produit cher et luxueux. Le packaging a été modifié : les énormes sachets de bonbons ont été abandonnés. Désormais, ils s’achètent à l’unité, l’emballage compte énormément. Les marques misent sur des emballages collector et éphémères. Tel un sac à main de luxe, les sucreries sont des objets que l’on peut collectionner.

Les bonbons ont désormais leur place en quatrième de couverture des magazines Lifestyle haut-de-gamme. Les publicités ne sont plus régressives et ludiques mais adoptent les codes du haut-de-gamme.

En une génération, les bonbons sont passés d’un produit pour enfant, relativement bon marché, largement associé au phénomène de la malbouffe et qui se consommait sans modération à un produit de luxe, pour adulte dont la consommation est aujourd’hui hyper régulée. Manger un bonbon est désormais associé à un mode de vie sain et/ou à une pratique sportive intense. Alors qu’en mettant en place des politiques ultra restrictives, le gouvernement misait sur la « fin du bonbon » comme cela a été le cas pour les cigarettes (dont la vente a été interdite en 2030 pour les jeunes nés après 2018), les grandes marques ont su rebondir à la fois en étant à l’initiative du « bonbon récompense » qui permet d’acheter une sucrerie après avoir pratiquer une heure de sport mais aussi en transformant l’image du bonbon, qui était largement associé à l’enfance.

Et finalement, en imposant, cette condition de pratique sportive, ils ont contribué, sans doute involontairement, à l’amélioration de l’état de santé générale de la population puisqu’un sondage récent mentionne que 60% des adultes en surpoids ne se seraient jamais mis au sport sans cette récompense à la clé. Notons que ce sondage vient à point nommé pour redorer le blason des grands industriels après le scandale de l’étude révélée par le cabinet indépendant Futuralim’ le mois dernier qui démontrait un lien de causalité entre la mise en place de ce « bonbon récompense » et l’augmentation fulgurante des troubles alimentaires chez les adultes.

Devant ces deux études parues à un mois d’intervalle, le PDG de Snicky, célèbre marque de barres chocolatées, a déclaré : « S’il est clair que nous avons joué un rôle sur l’augmentation des troubles alimentaires, nous considérons qu’il s’agit d’un dommage collatéral et surtout temporaire dans notre combat contre l’obésité et pour une population en bonne santé. Il est de notre devoir de privilégier le long terme et la santé des générations future ».

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