Milya, le phénix du prêt-à-porter

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Quand dentsu X imagine demain, deuxième épisode...

Avec cet exercice de design fiction imaginé et réalisé par dentsu X, l'ambition est d’analyser comment les signaux faibles de notre société pourraient la faire évoluer s’ils devenaient la norme dans vingt ou trente ans. Cet exercice n’a pas vocation à prédire l’avenir, mais plutôt à comprendre comment les marques pourraient s’adapter, voire jouer un rôle dans ces éventuelles transformations.

Dans cette fiction, nous avons imaginé qu’une succession de crises écologiques et sanitaires a déclenché une prise de conscience mondiale de l’urgence climatique entraînant une restructuration totale de l’industrie textile. Et si, demain l’achat de vêtements neufs était fortement régulé ? Et si, demain, la valorisation et le recyclage du textile usagé devenait un véritable business ?

10 avril 2058 - Dans cette interview, Todd Vermer, célèbre patron de l’entreprise de prêt-à-porter Milya revient sur le bouleversement qu’a connu l’industrie textile dans les années qui ont suivi le Grand Désastre. Alors que de nombreux magasins physiques ont fermé boutique, il nous explique comment il a repensé l’expérience client au sein de ses points de vente.  

Todd, pouvez-vous revenir sur l’impact qu’a eu le Grand Désastre sur votre activité ?

Avant le Grand Désastre*, il faut avouer que notre ligne de conduite en matière de préservation de la Nature se limitait au strict minimum (réduction des déchets plastiques, utilisation de coton bio, création d’une collection basique permanente et durable…). Nos détracteurs nous accusaient ouvertement de greenwashing et ils avaient en partie raison.

Les premières mesures ont été à destination des marques et de la publicité. Tous les spots publicitaires concernant la vente de produits neufs devaient comporter une mention visant à privilégier la réparation et l’achat de seconde main. Les importations de textile ont été lourdement taxées pour favoriser la production locale et des normes de qualité et de durabilité très strictes ont été votées afin d’assurer une durée de vie de plusieurs années pour les vêtements. 

Dans les années 2020, une étude avait démontré que les habitants des pays riches devaient se limiter à cinq articles neufs par an pour espérer contenir le réchauffement climatique. C’est sur la base de cette étude que ces mesures drastiques ont été prises à la fin des années 2030 : les marques se sont vu imposer un nombre limité de collections par an : quatre collections maximum, une par saison. Puis, en 2038, les gouvernements européens ont décidé de restreindre la consommation de vêtements neufs à 6 par an et par personne.

Aujourd’hui, ce chiffre ne choque sans doute personne mais il faut imaginer le tsunami qu’il a représenté pour les acteurs du prêt à porter à l’époque. Il faut garder en tête que dans les années 2020, les Français achetaient en moyenne 40 pièces neuves par an !

Vous avez pris le parti à l’époque de maintenir vos boutiques physiques, quelles mesures avez-vous mises en place pour y parvenir ?

Il a fallu s’adapter très vite ; toutes nos boutiques physiques se sont, dans un premier temps, dotées d’un atelier de rapiéçage et de customisation pour valoriser les textiles abîmés et/ou démodés. Ainsi les lieux de vente se sont transformés, les vêtements neufs n’occupant qu’une petite part de l’espace du magasin et la seconde main, le reste. Nous avons rapidement mis en place le « 3 pour 1 » : pour trois articles usagés cédés en boutique, nos clients disposaient d’une remise de 50% sur un article de seconde main customisé par nos soins. Par ailleurs, notre réseau de magasins répartis sur tout le territoire nous a permis de faire tourner les articles de seconde main, offrant ainsi un service assez unique de renouvellement des articles, rappelant les collections de l’ancien temps. 

Mais vous devez aussi votre succès à votre communication et à la création d’un slogan « l’histoire de vos vêtements », pouvez-vous nous en dire plus ? 

Pour faire appliquer l’interdiction d’acheter plus de six articles neufs par an, le Gouvernement a rendu obligatoire la traçabilité des vêtements. Tous les articles neufs ont donc été munis d’une puce RFID. C’est ainsi qu’est né le célèbre réseau social que vous connaissez tous : Hangr. Grâce à la puce présente dans les vêtements, Hangr permet de savoir à qui a appartenu le vêtement que vous avez acheté en seconde main, il vous donne des idées sur comment il peut être porté mais surtout il raconte son histoire.

En réalité, nous n’avons fait que raconter des histoires qui avaient déjà été écrites par les utilisateurs, lorsque vous achetez un article en seconde main chez Milya, il suffit de scanner le QR code présent sur l’étiquette pour avoir accès à « l’histoire de vos vêtements », une version condensée de ses précédentes utilisations, romancée et mise en scène par notre IA et nos « fashions storytellers ». Nous avons axé notre communication sur certaines pièces iconiques comme ce jean dont nous nous sommes rendu compte qu’il avait appartenu à Kmille, la célèbre militante écologiste puis était revenu à son arrière-petite-fille, comme un signe que le combat de son ancêtre n’avait pas été vain.

Puis en 2048, vous avez encore été précurseur avec « Knit it », votre service d’impression 3D ou plutôt de tricotage en 3D…

Il faut savoir que la technologie dont on parle ici a été inventée au début des années 2000, elle n’avait tout simplement pas trouvé son usage à l’ère de la fast fashion alors que les coûts en termes de dégradation de l’environnement n’étaient pas intégrés aux coûts finaux.

« Knit it », c’est d’abord une méthode de tricotage. Le tricotage 3D est très similaire à celui des autres objets 3D. Les premières étapes se déroulent sur l’ordinateur : un logiciel de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) est utilisé pour créer le dessin. La différence avec la fabrication additive ?  La machine n’utilise pas un filament ou une poudre, mais du fil. Notre innovation majeure tient à ce fil qui alimente notre machine à tricoter, il est 100% issu de tissu recyclé, aux yeux de la loi, notre vêtement n’est donc pas considéré comme un vêtement neuf.

L’innovation repose également sur le service de personnalisation que propose « Knit it » car l’idée n’est pas de reproduire les erreurs du passé en imprimant des vêtements dont nous n’avons pas réellement besoin. Aujourd’hui, les marques réalisent la majeure partie de leurs bénéfices sur la vente de patrons de vêtements qui peuvent être tricotés en boutique. Les boutiques ont évolué et sont désormais dotées de miroirs intérieurs et de vitrines interactives, les clients peuvent faire défiler une multitude de designs sur leur reflet. Le secteur du textile a transformé la façon dont les individus consomment l’affichage, ils ne sont plus passifs, ils sont au cœur du dispositif reposant sur l’hyper-personnalisation de leur reflet. 

Outre les boutiques physiques, les sites web de marque ont créé des personal shoppers virtuels, proposant des sélections de patrons en fonction du budget, des goûts et attributs physiques de la personne. Chaque individu sur le web possédant son avatar virtuel, les sites offrent une expérience immersive d’essayage en ligne.

Malgré les transformations que le secteur a subies depuis 2030, vous avez toujours réussi à vous adapter, quels sont vos prochains challenges ?

Notre plus gros défi pour les années à venir est le développement du do it yourself en matière de CAO. Avec le succès de l’émission en ligne « C’est moi le patron ! » qui récompense les meilleurs designers amateurs et l’essor des tricoteurs 3D personnels dont le coût d’achat a été considérablement réduit, il faudra trouver de nouveaux moyens de faire venir les clients en boutique, mais nous avons déjà quelques petites idées en stock…

* Le Grand Désastre et l’industrie textile - Le Grand Désastre caractérise la période allant de 2030 à 2035 pendant laquelle se sont succédées des catastrophes écologiques et sanitaires : mégafeux, épidémies, sécheresses extrêmes, etc. et qui ont conduit à une redirection complète de l’économie vers la sauvegarde de l’environnement. En 2035, les plus grandes puissances mondiales se sont réunies et ont pris la décision de repenser complètement leur rapport au vivant. Pour cela, ils ont commencé par mener des groupes de réflexion sur les secteurs les plus néfastes pour l’environnement. L’industrie textile, alors troisième industrie la plus consommatrice d’eau, a été l’un des premiers secteurs à être restructuré en profondeur.

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