Quand l’actualité politique sème le trouble sur la consommation
L’incertitude "était déjà là mais va s'accentuer" : à l'instar du patron du distributeur Coopérative U Dominique Schelcher, les commerçants s'inquiètent jeudi d'un impact de l'actualité politique sur la consommation, un des moteurs de l'économie française, alors qu'approchent les fêtes de fin d'année.
L'incertitude, "les Français, et les chefs d'entreprise en particulier, la détestent", a estimé sur son compte LinkedIn le patron de la 4e chaîne de supermarchés en France. "Nul doute que tout cela aura un impact sur les performances économiques de la France", a-t-il encore estimé. "À commencer par sa consommation, habituel moteur de notre croissance, qui était déjà à la peine depuis plusieurs mois". Selon l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la consommation des ménages a reculé de 0,4% en octobre sur un mois, en raison d'un net repli des achats de biens fabriqués (-1,3%) et des dépenses en habillement (-5,1%). "L'instabilité politique génère par principe son flot d'interrogations", relève le spécialiste du secteur Olivier Dauvers, sur son site "le Web grande conso". "Qu'en sera-t-il du pouvoir d'achat? Des impôts? Des remboursements de frais médicaux? Des aides sociales? Etc. Comme les Français n'ont pas la réponse, la propension à consommer va mécaniquement en pâtir".
Pour Layla Rahhou, déléguée générale de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), principale organisation patronale du secteur, "l'imprévisibilité et l'inquiétude pour l'avenir, ressenties par les Français ne sont pas des éléments positifs pour dynamiser la consommation", observe-t-elle auprès de l'AFP. Elle appelle toutefois à "rassurer les Français : l'inflation a largement reflué et les courses de Noël peuvent se passer sereinement". La censure du gouvernement de Michel Barnier mercredi soir, intervient à quelques semaines des fêtes de fin d'année, temps majeur de la consommation en France. L'enseigne spécialisée dans les surgelés Picard, réalise près du quart de ses ventes de l'année dans les "sept semaines" de mi-novembre à début janvier, rappelait sa présidente Cécile Guillou mercredi auprès de quelques médias. Elle assurait être confiante quant aux ventes de l'enseigne, les consommateurs étant désireux de faire plaisir et de se faire plaisir dans les moments festifs. Michel Picon, président de l'U2P qui est une organisation patronale représentant petites et moyennes entreprises du commerce, de l'artisanat ou de professions libérales, "encourage nos concitoyens à ne pas reporter leurs projets, à profiter des fêtes de fin d'année et ainsi à contribuer à redonner confiance au pays", dans un communiqué. "Les entreprises de proximité" ont "prouvé leur résilience à l'occasion des dernières crises", et "continueront à apporter leur contribution à la création de richesses et d'emploi", dit l'organisation, mais "à la condition que les Françaises et les Français ne réduisent pas leur consommation de biens et de service au profit d'une épargne de précaution", qui "conduirait au ralentissement de l'économie".
En tout état de cause, les appels ne suffiront pas à lever les incertitudes. La fédération patronale du commerce coopératif et associé (FCA), qui représente "plus de 36.000 commerçants indépendants" sous enseignes telles que JouéClub, Orpi, BigMat, Intersport ou Julien d'Orcel, souligne surtout "l'importance d'un environnement économique et politique stable et prévisible". La FCA "appelle les responsables politiques à dépasser les logiques partisanes pour faire preuve de sens commun et de pragmatisme au service de l'intérêt général". Le médiatique représentant du leader de la grande distribution alimentaire Michel-Edouard Leclerc tançait les responsables politiques dès la fin novembre, sur son blog "De quoi je me MEL": "alors que chacun surenchérit sur la faillite de l'Etat, voilà nos députés et sénateurs incapables de proposer des coalitions ou des compromis alternatifs". "Il n'y avait pas de crise économique mais cet imbroglio politique peut nous y conduire si nos parlementaires ne se ressaisissent pas", estimait-il.