Asphalte s’installe à Paris - Interview avec Rodolphe Gardies
La marque de vêtements Asphalte a ouvert son premier magasin parisien. Interview avec le co-fondateur et Chief Brand Officer Rodolphe Gardies.
“Le Jean Ultime”, “Le Chino Costaud” ou encore “Le Pull Parfait”. Ces noms sans équivoque, ce sont ceux la marque Asphalte, créée en 2016, dont la promesse est de proposer des vêtements durables dans le temps à un prix abordable. Pour ne pas rogner sur la qualité de ses produits, ce pure player de la mode a utilisé durant ces huit dernières années, ou elle n’était disponible qu’en ligne, la mécanique de la précommande. Pour éviter la surproduction, la fabrication de la pièce ne se fait qu’après l’achat du client. De quoi réaliser une double action écologique et économique. C’est fort d’un franc succès de l'eshop (24 millions de chiffre d’affaires en 2024), confirmé par l’ouverture de deux pop up stores éphémères dans la capitale, qu’Asphalte a ouvert les portes, le 7 septembre dernier, de son premier magasin permanent situé dans la rue des Petits Carreaux à Paris. Rodolphe Gardies, cofondateur de la marque et chief brand officer nous en dit plus sur cette ouverture.
Votre siège se trouve à Bordeaux...Vous ouvrez votre premier magasin à Paris : pourquoi ?
Rodolphe Gardies : nous nous étions installés à Paris de 2016 à 2019. Et toute notre équipe e-commerce a déménagé à Bordeaux en 2019. On a évidemment gardé un lien étroit avec Paris depuis toutes ces années. Paris étant la plus grande ville de France et une ville incontournable dans le paysage de la mode, ça nous semblait important de commencer par cette ville symboliquement. Depuis 2016, notre communication se fait en ligne. C'est de cette manière que nous avons acquis 300 000 clients. Et 30% de ces clients habitent Paris. Comme c'est la ville où ils sont le plus représentés, on a voulu d'abord s'adresser à eux en ouvrant ce magasin près de chez eux pour qu'ils aient un endroit où échanger avec nous, essayer les précommandes du moment ou acheter un produit si besoin.
Avez-vous d'autres projets d’ouvertures de magasin ? Peut-être à Bordeaux ...
Rodolphe Gardies : tout va dépendre des résultats et de l'accueil que nos clients réserveront à cette première enseigne. Mais si les choses se passent bien, nous prévoyons d'étendre notre présence en France dans les villes où nos clients sont les plus présents. Et Bordeaux est sur la liste. Notre enjeu est surtout de ne pas aller trop vite pour stabiliser notre modèle de croissance et ne pas prendre des risques inconsidérés.
Le concept de précommande est un des points forts de votre marque, comment le faire vivre dans un magasin physique ?
Rodolphe Gardies : la vente de vêtements online, en précommande ou en stock, génère nécessairement des retours. Le magasin est donc un endroit où nous pouvons écouler simplement les retours générés par les précommandes. Et une vente après un essayage en magasin ne génère pas de retours. Le magasin est donc un débouché naturel et efficace aux retours des précommandes online. Pour faire vivre notre modèle dans le magasin, nous avons dédié un espace important aux précommandes en cours dans le magasin. Chaque semaine, nous disposons les prototypes du produit proposé pour que les clients puissent les essayer et les précommander. Pour les nouveaux clients, ça nous permet de leur expliquer notre système de vente online.
Plus largement, comment rester fidèle à votre promesse originelle ?
Rodolphe Gardies : notre mission, c’est de rendre la durabilité accessible. La précommande est un excellent moyen de tirer les prix vers le bas sans dégrader la qualité. Elle nous a permis de rassembler 300 000 clients en huit ans. Nous sommes convaincus que c’est un modèle d’avenir. Et il fonctionne particulièrement bien en ligne. Mais c’est un moyen. Ce n’est pas notre raison d’être.
Notre but, c’est aussi de rendre la qualité accessible. Et dans “accessibilité”, il y a la notion de prix, mais il y a aussi la notion d’accessibilité physique. Et depuis le début, les clients nous demandent un endroit où essayer avant d’acheter. Alors après sept ans, nous nous sommes lancés dans le physique. En 2023, nous avons fait trois boutiques éphémères à Paris. 65 000 personnes sont venues. Ça montre que les clients attendaient vraiment notre présence en physique. Ça nous a permis de rencontrer enfin nos clients physiquement. En plus, ça nous a permis de recruter 40% de nouveaux clients, qui, après un passage en boutique, achètent en ligne et en précommande. Ouvrir ce magasin, c’est la continuité de ce que nous faisons depuis le début. Nous avons cherché à créer un endroit chaleureux, accueillant, où les choses qui prennent de l’âge s’embellissent avec le temps. Comme nos vêtements.
Qui sont les clients d’Asphalte ?
Rodolphe Gardies : la plupart de nos clients sont des urbains, entre 30 et 50 ans. Très exigeants sur le style et la qualité des vêtements qu’ils achètent. Ils cherchent des pièces classiques, sobres, et harmonieuses. Á faire des investissements sur le long terme pour avoir dans leur placard des pièces réalisées dans de bonnes conditions et qui durent longtemps. Cette recherche de qualité est mue autant par ses expériences personnelles avec des vêtements de mauvaise qualité, que par sa prise de conscience des dérives de l’industrie textile. Ils ont bien conscience des enjeux écologiques de notre génération et cherchent une alternative à la fast fashion.
Quel est le panier type/panier moyen dans le magasin ?
Rodolphe Gardies : nos best sellers sont les mêmes online ou en magasin. Notre Pull Parfait, notre Jean Ultime, notre T-Shirt-Ultime, ou nos Sneakers Solides. Les clients qui font le déplacement en magasin en profitent généralement pour essayer tous les produits pour connaître leurs tailles et pré commander plus facilement en ligne sur les catégories de produits sur lesquels ils ont des doutes. Et s’ils ne préfèrent pas attendre, ils achètent en stock leur coup de cœur.
Comment votre communauté, très active notamment en matière de co-création, va-t-elle être impliquée en “physique” ?
Rodolphe Gardies : nos clients peuvent venir faire des retours web directement en magasin si une pièce ne leur plaît pas. Et ils sont invités à discuter avec l’équipe des problèmes rencontrés pour que nous puissions nous améliorer sur les versions suivantes. Nous gardons un lien très fort entre le magasin et le siège pour faire remonter chaque semaine les suggestions des clients.
C’est plutôt audacieux d’ouvrir aujourd’hui un magasin dans le prêt-à-porter ...
Rodolphe Gardies : on doit remercier nos clients de nous avoir fait confiance et soutenu depuis le premier jour. C’est grâce à un échange permanent avec eux via moult questionnaires et focus group qu’on a compris qu’il était temps qu’on ouvre un magasin, parce que c’est eux qui nous l’ont demandé. Et chez Asphalte, nos clients ont toujours le dernier mot.