Franck Farrugia : Toutes les révolutions n’aboutissent pas à la démocratie
La Matinale poursuit la publication d’une série de contributions en vue de l’édition Spéciale des Rencontres de l’Udecam consacrées aux "Révolutions de l’achat programmatique", le 25 mars se déroulera Salle Wagram à Paris. Ce matin, la contribution de Franck Farrugia, président de Re-mind
Sur Wikipedia, on trouve la définition suivante pour Révolution : « changement radical d'une société du fait de l'apparition d'une technique radicalement nouvelle ». Quels sont ces changements radicaux dont on parle pour l’achat programmatique ? Acheter des points de contacts publicitaires digitaux en temps réel ? Acheter de la publicité via un système d’enchères ? Pas vraiment, Google propose cela depuis plus de 10 ans… Cherchons ailleurs. Très peu d’organisations sont aujourd’hui capables de gérer du « temps réel » en marketing. Du coup, pour essayer de tenir cette promesse, on délègue l’analyse et la décision à des algorithmes. On voit donc poindre le nom du « nouveau régime » post révolutionnaire : le Trading Media. Ce terme embarque avec lui toutes les « vertus » que l’on connait au trading : sens des réalités, défense des intérêts collectifs, lisibilité du fonctionnement, transparence, création de valeur moyen terme, etc. Quelle ironie tout de même que d’utiliser un terme aussi connoté… non ? Plus sérieusement, sommes-nous sûrs que ce nouveau régime est un système vertueux qui sert de manière équitable tous les intérêts des participants : ceux des éditeurs, des annonceurs et des consommateurs (communément appelés Audience) ? Les algorithmes de prise de décision sont-ils connus de tous afin de garantir une création de valeur pour l’ensemble des intervenants ? Les intermédiaires dédiés à cette « prise d’ordre temps réel » apportent-ils la transparence attendue et nécessaire ?
D’ailleurs, cette révolution du « trading » peine à nous faire changer de régime. Nous passons sûrement à côté des vrais éléments de rupture. Serions-nous trop occupés à appliquer une forme de dictature du « temps réel » pour exploiter la roue que l’on nous tend ? Et oui, toutes les révolutions n’aboutissent pas forcément à une démocratie… Pouvons-nous cependant inverser la tendance ? Oui, ce n’est qu’une question de « règle du jeu ». Et dans notre cas, la règle du jeu s’appelle « indicateurs de performance », autrement nommés KPI.
On sait que le digital modifie profondément les comportements consommateurs, au point d’observer des comportements identiques entre des plus 60 ans et des moins de 25 ans : hyper comparaison, fidélité plus faible, etc. Les critères sociodémographiques sont de moins en moins explicatifs ou prédictifs des comportements, contrairement au niveau de maturité, d’équipement, ou de compétences, en digital. Dans ce contexte d’hyper concurrence et de transgression des CSP, les notions de part de marché, de notoriété et de préférence de marque devraient être au centre de nos préoccupations, plutôt que le Coût Par Action post clic (CPA) ou autre indicateur ultra court terme. Mais comment transposer et mesurer ces éléments sur l’échelle de temps immédiat qu’impose le temps réel ? Si nous injections des KPI moyen terme en RTB, et sur le digital en général, nous aurions alors aucun mal à exploiter notre roue tendue : la connaissance.
Voilà l’élément de rupture que l’on n’exploite pas suffisamment : la réconciliation des données jusque-là hétérogène, et leur exploitation, qu’autorisent les outils associés au RTB. Cette « convergence analytics » qui nous permet aujourd’hui de savoir qu’un individu n’est jamais venu sur un site, alors qu’il consomme régulièrement ce type de produits, pour qu’il devienne une cible media prioritaire, dès lors que l’on cherche à augmenter les parts de marché de la marque en question. Cette même convergence qui permet même d’adapter, en temps réel, le message, grâce aux outils de création dynamique, dès lors que la segmentation et la scénarisation ont été définies en amont. Enfin, c’est également cette convergence qui nous pousse à révolutionner la mesure de la performance media pour garantir que les points de contact publicitaires avec cette personne, qui ne connaissait pas encore cette marque, seront bien évalués à leur juste valeur…
Oui, c’est certain, nous pouvons inverser la tendance, mais pour que cela fonctionne, il faut impérativement mixer le bon sens marketing (segmentation, scénarisation, kpi moyen terme, etc.) et les réelles innovations digitales (connectivité des outils, convergence des données, création dynamique, analytics, etc.). Cette mixité pourrait d’ailleurs aboutir à une forme d’hybridation des approches media : un peu plus de moyen terme dans le digital, un zeste de temps réel en grand media et une bonne dose d’innovation dans la mesure de la performance media…