Pour une rémunération saine et vertueuse des campagnes de drive-to-store
Pour rassurer les annonceurs quant à l'efficacité de leurs dispositifs, les acteurs du drive-to-store ont tout intérêt à promouvoir un business model basé sur le partage de revenus. Encore faut-il qu’ils soient capables de relever de nombreux défis.
Parce qu’ultra mesurable, l’avènement d’internet a entraîné dans son sillage un engouement sans précédent pour le marketing digital. Une consécration du ROI tout puissant qui a impacté jusqu’une composante essentielle de la relation partenaire – annonceur : celle de la rémunération. C’est ainsi que de plus en plus de régies proposent un mode de rémunération à la performance, qui s’aligne avec les enjeux de l’annonceur : plus la performance de la publicité est bonne (et donc profite à l’annonceur), plus la plateforme gagne de l’argent. Un mode de rémunération qui s’inscrit totalement dans le souhait des marques de mieux mesurer les effets de leur publicité et de partager les risques avec leurs régies. Ces dernières sont alors vues comme des partenaires à part entière et non comme de simples prestataires. Un vrai partenariat gagnant-gagnant qui rémunère leur excellence plutôt que leur travail.
Dans les différents moyens de payer à la performance (coût par clic, coût par acquisition, coût par lead, etc.), le partage de revenus s’apparente ainsi comme le nec plus ultra, le stade ultime de la performance et de la confiance entre régies et annonceurs. Dans ce type de campagnes, les plateformes se rémunèrent via un pourcentage défini en amont et d’un commun accord avec leurs clients, sur le chiffre d’affaires généré. Celui-ci est souvent fixé par paliers et plus le chiffre d’affaires généré est important, plus le pourcentage pris par la régie baisse. L’achat média est compris dedans de manière à ce que le client n’achète que du chiffre d’affaires. Un mode de rémunération sain et vertueux où les intérêts de l’annonceur et de la régie sont plus que jamais concordants : plus la publicité est performante, plus elle génère des ventes, plus le client est content et plus la régie a intérêt à faire valoir l’efficacité de ses dispositifs.
Un business model idéal, pourrait-on dire, s’il ne se heurtait pas à un frein de taille : rares sont les prestataires de drive-to-store à avoir développé des technologies leur permettant d’être directement connectés aux caisses, et donc au chiffre d’affaires, de leurs clients, enseignes physiques ou sites e-commerce d’ailleurs. Le fait est, bon nombre de ces acteurs passent jusqu’ici par la géolocalisation pour faire valoir l’efficacité et la performance de leurs dispositifs… Avec autant de promesses (capacité à générer du trafic en magasin, à toucher des personnes en mobilité), que d’imprécision et d’opacité. Pour rappel, la performance d’une campagne de drive-to-store repose sur un KPI de visite incrémentale : il s’agit du nombre de personnes qui se sont rendues en magasin après avoir été exposées à une publicité et qui n’y seraient pas allées sinon. Elle passe par une mesure des visites en magasin d’une part et, d’autre part, par la création d’un bassin témoin non exposé à la publicité. Deux mesures à date on ne peut plus approximatives. Il y a en effet autant de définitions de visites que de régies. Des définitions à géométrie variable selon la précision de géolocalisation et la qualité de la data collectée par ces régies. On estime aujourd’hui que 80% des prestataires de la publicité ciblée par géolocalisation achètent de la data à des brokers qui ont une précision allant de 10 à 500 mètres… autant dire que la fourchette est large. Et que l’on peut facilement attribuer à une visite ce qui est loin d’en être une. Quant aux tiers de confiance dont le métier consiste à vérifier les chiffres fournis par les régies, ils sont eux aussi obligés d’extrapoler leurs chiffres. Enfin, les méthodes utilisées pour la collecte des données diffèrent encore trop d’une régie à une autre pour que leurs résultats puissent être correctement vérifiés et comparés.
Autre marge de progression pour promouvoir une plus grande adhésion de ce business model : la gestion de l'attribution. Un sujet en forme de boulet que traîne le marketing digital depuis plus de 30 ans, chaque fois plus lourd à mesure que l’omnicanalité du consommateur grandit. On estime qu’avant de passer à l’acte, les clients sont en contact à 36 reprises en moyenne avec une marque, interagissant souvent avec plusieurs campagnes et canaux marketing dans l’intervalle. Cette problématique de l’arbitrage bouscule à la fois les prestataires et les enseignes. Si les premiers doivent s’assurer d’avoir contribué à la transaction, les responsables marketing des secondes doivent quant à eux apprendre à reconstituer l’attribution des performances des campagnes ou des canaux générant le plus de conversions pour faire ainsi levier sur les campagnes. Il en résulte des modes d’attribution aussi disparates que nombreux (last click, even split, first clic, last click in session, post-click ou post-view etc.) qui complexifient un business model dont l’un des principaux attraits réside initialement dans la simplicité de sa mise en place.
Enfin, la mise en œuvre de ce modèle économique basé sur le partage de revenus se heurte à un problème majeur chez les annonceurs : celui d’une approche silotée des stratégies de marketing digital. Si l’obtention de résultats mesurables semble a priori faciliter le suivi par les équipes financières, force est de constater dans la réalité que celles-ci ont maille à partir avec des enveloppes de rémunération fluctuantes. Plus que jamais, les campagnes de marketing doivent impliquer l’adhésion de l’ensemble des directions de l’entreprise (financière, marketing, générale). Pour que prime l’intérêt économique de l’organisation, au travers d’un chiffre d’affaires que l’on souhaite le plus conséquent possible, au détriment du simple respect (ou pas) de budgets marketing prédéfinis.
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