La cession partielle de la marque française « Vendôme » au groupe LVMH
Le 4 février 2021, le Conseil municipal de la ville de Vendôme a approuvé la cession partielle de la marque française « Vendôme » au groupe de luxe LVMH pour les produits de bijouterie, joaillerie et horlogerie désignés en classe 14, en contrepartie d’une somme forfaitaire et définitive de 10.000 euros. Le fleuron du luxe français s’était déjà fait céder par la ville de Vendôme une partie de cette marque pour des produits de maroquinerie en 2019.
Le nom d’une ville peut valablement constituer une marque
Le dépôt d’un nom géographique en tant que marque est une faculté offerte par le Code de la propriété intellectuelle français (CPI). C’est ainsi que la ville de Vendôme a déposé en 2012, en son nom, une marque française verbale « Vendôme » dans de multiples classes, dont la classe 14.
Ce dépôt lui confère un droit de propriété exclusif sur le nom « Vendôme », la protégeant contre l’utilisation non-autorisée dudit nom par tout tiers.
La cession partielle de la marque « Vendôme »
Conformément à l’article L. 714-1 du CPI, le titulaire d’une marque peut la céder en intégralité ou en partie pour certaines classes de produits et/ou de services uniquement. Une cession de marque partielle permet donc au cessionnaire d’utiliser uniquement la marque cédée pour les produits et/ou services couverts par la cession. A noter qu’une telle cession doit être inscrite par l’une des parties auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Ce sont donc dans ces conditions que la ville de Vendôme a approuvé la cession partielle de sa marque pour les seuls produits de bijouterie, de joaillerie ou d’horlogerie. Cela signifie que la ville reste titulaire de sa marque « Vendôme » pour les autres produits et services qu’elle désigne.
La cession d’une marque, transfert de propriété définitif
Contrairement à la concession d’une licence, qui correspond au droit d’exploiter une marque sur un territoire et pour une durée définis sans en être pour autant le titulaire, et ce moyennant le versement de royautés, la ville de Vendôme a opté pour le régime de la cession de marque, véritable transfert définitif de propriété.
C’est ainsi que par voie contractuelle, la ville de Vendôme a cédé la titularité de ses droits d’utilisation de sa marque sur les produits de bijouterie, joaillerie et horlogerie au Groupe LVMH, qui en devient dès lors seul et unique propriétaire. Ce contrat de cession fait donc perdre de façon définitive le droit pour la ville de Vendôme de faire usage du nom de sa ville pour de tels produits.
À l’issue de cette cession, le Groupe LVMH pourra quant à lui librement utiliser la marque « Vendôme » pour les produits de la classe 14. Il lui sera dès lors possible de l’exploiter, l’apposer sur ses créations mais également la céder à son tour à une autre société.
Les potentiels recours de la ville de Vendôme
Compte-tenu de la cession, le Groupe LVMH est en mesure d’interdire l’utilisation de la marque « Vendôme » à tout tiers pour désigner des produits de la classe 14, en ce compris à la ville de Vendôme elle-même.
En pratique, si la ville exploitait la marque « Vendôme » pour désigner les produits objets de la cession, elle s’exposerait à une action en contrefaçon de la part du groupe LVMH.
La ville de Vendôme aurait-elle des moyens pour se défendre ? La jurisprudence a admis à plusieurs reprises, sur le fondement de l’article L 711-3 du CPI, qu’une collectivité territoriale pouvait former une demande en annulation d’une marque portant son nom. C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a annulé la marque enregistrée par un tiers « Paris l’été » car il existait un risque que le public soit trompé en pensant que les produits et services proposés provenaient de la ville de Paris (1). Toutefois, ces annulations relèvent de l’appréciation des juges, qui font preuve d’une certaine casuistique.
En tout état de cause, une telle action en annulation nous semblerait difficile à justifier dans le cas présent à deux égards :
- d’une part, la marque a été cédée par la ville de Vendôme elle-même en toute connaissance de cause ;
- d’autre part, et depuis la loi PACTE, les contentieux en annulation doivent être, depuis le 1er avril 2020, portés directement devant l’INPI et non devant les tribunaux judiciaires. Par sa simplicité et sa célérité, cette action administrative laissera moins de place à l’interprétation des éléments de contexte entourant la cession.
Aussi, la ville aurait peu de recours dans le cas où elle regretterait sa décision. Toutefois, la collaboration récente entre le Groupe LVMH et la ville de Vendôme - contribuant à son développement économique et participant à son rayonnement national - devrait durablement éloigner toute perspective de différend entre les deux partenaires.
(1) CA Paris, 12 décembre 2007, n°06/20595.
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