Marques : des changements juridiques en 2020 !
L’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services, son décret d’application n°2019-1316 du 9 décembre 2019 et l’arrêté du même jour relatif aux redevances de procédures de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) modifient considérablement le droit français des marques. Ces textes transposent en droit interne les dispositions de la Directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015, dites « Paquet Marques », dont le but est d’harmoniser et de moderniser le droit des marques au sein de l’Union Européenne.
Cette modernisation du droit français – qui était attendue par les praticiens et les titulaires de marques – va avoir des conséquences pratiques importantes en matière de stratégie de protection et de défense de marque.
Ces nouvelles dispositions sont quasiment d’application immédiate puisque – à l’exception des modifications procédurales qui entreront en vigueur le 1er avril 2020 – elles sont applicables depuis le 11 décembre 2019 (soit le lendemain de la publication du décret d’application du 9 novembre 2019).
La porte ouverte à l’enregistrement de nouveaux types de marque
En premier lieu, la définition de la marque est simplifiée. Celle-ci est dorénavant uniquement définie comme « un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne morale ». Pour être valable, la marque n’aura donc plus à « être susceptible de représentation graphique ».
En pratique, ce changement devrait permettre l’octroi d’un droit de marque sur des signes plus « techniques », tels des sons ou des animations graphiques. Ces nouvelles catégories de marque devront néanmoins pouvoir être représentées dans le registre national des marques de « façon claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».
Si ces nouvelles catégories existent déjà au niveau de l’Union européenne, il sera intéressant de suivre comment l’INPI va appréhender cette question importante pour répondre aux évolutions technologiques des pratiques marketing et rendre attractif le droit des marques français.
Rénovation de la procédure d’opposition
La procédure d’opposition devant l’INPI est profondément remodelée. A l’instar de la procédure d’opposition devant l’Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), il ne sera plus nécessaire de produire l’exposé des moyens et les pièces à l’appui de l’opposition simultanément à la déclaration d’opposition. La nouvelle procédure prévoit en effet que l’opposant pourra produire son mémoire dans le mois suivant sa déclaration d’opposition. En pratique, ce délai supplémentaire devrait être apprécié des titulaires de droits antérieurs qui bénéficieront donc d’un mois supplémentaire pour obtenir le retrait volontaire de la demande de marque litigieuse ou – le cas échéant – négocier un accord de coexistence.
Également, la réforme élargit la liste des droits antérieurs susceptibles de fonder une opposition pour y inclure notamment – outre les marques antérieures – les dénominations sociales, les noms commerciaux, enseignes, noms de domaine dont la portée n’est pas seulement locale ou encore les indications géographiques ou le nom d’une entité publique. Il sera possible d’invoquer cumulativement plusieurs droits antérieurs d’une nature différente.
Cet élargissement des droits antérieurs opposables à une demande marque a pour but de renforcer la protection des entreprises qui ont développé des actifs incorporels susceptibles d’être imités par des tiers sans pour autant avoir déposé de marques.
Réorganisation du contentieux de la nullité et de la déchéance d’une marque
À partir du 1er avril 2020, la compétence pour connaitre des actions à titre principal en nullité ou déchéance d’une marque sera transférée exclusivement à l’INPI dans le cadre d’une nouvelle procédure administrative. Les Tribunaux de Grande Instance conserveront une compétence exclusive principalement pour les demandes en nullité ou déchéance formulées à titre de demande reconventionnelle ou de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du Tribunal (en ce compris les actions en concurrence déloyale).
Cette déjudiciarisation d’une partie du contentieux en nullité et déchéance a clairement pour objectif d’apurer le registre des marques. Ainsi, les sociétés qui – de plus en plus souvent – se voient bloquées dans un projet en raison de l’existence d’une marque antérieure non exploitée depuis plus de 5 ans ou ne répondant pas aux critères de validité d’une marque pourront réagir plus facilement et obtenir une décision de l’INPI (normalement) plus rapide qu’en cas d’action judiciaire au fond du fait de l’encombrement des Tribunaux.
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