Communiquer n’est pas blanchir le réel…
Reconnaissons-le, une expression triviale résume assez bien l’image négative qui colle à la communication, tel le sparadrap du capitaine Haddock : « tout ça, c’est de la com ! ».
Blanchir le réel, c’est-à-dire embellir les choses, duper, mentir, etc. : voilà, en creux, le procès désormais quasi-permanent qui est fait à nos élites quand elles communiquent.
Quand tombe un cash investigation qui visera à mettre en opposition les mots de l’entreprise et ses actes, quand est désavoué un leader politique dont les actes contredisent la parole et les valeurs affichées… C’est toujours le procès d’une certaine communication qui est fait.
Cette image ne peut satisfaire aucun professionnel, et l’ignorer c’est ne pas prendre la mesure du rôle qu’elle a eu dans la montée constante de la défiance contemporaine envers les élites.
Rappelons seulement, à ce titre, un sondage Ipsos de mars 2018 où il apparaît que les Français jugent globalement les entreprises moins honnêtes et transparentes qu’il y a 10 ans. Le dernier baromètre du Cevipof, quant à lui, confirme que la défiance envers les élites se durcit dans l’opinion publique française.
Il faut assumer de porter un regard lucide sur la part de responsabilité que la communication se doit de prendre là à sa charge. Communiquer est un exercice de séduction. Il importe que ce soit aussi un exercice de vérité. C’est le plus important dans le monde qui vient, et c’est le plus difficile.
Éthique et data
Le 21ème siècle a ouvert pour la communication corporate l’avènement de deux grands chamboulements : la montée en puissance de l’éthique sociétale dans la gouvernance des entreprises et l’exploitation technologique de la data comme matrice de compréhension et de pilotage des opinions et des comportements. En découlent les si fameux graals du sens et de l’engagement…
Il serait faux de penser que ces nouvelles dimensions de la communication ont fait s’envoler le sparadrap.
D’une part, parce que les questions de l’éthique et du sens mettent plus que jamais les paroles en demeure de suivre les actes : nous sommes entrés aussi dans l’ère de la transparence.
D’autre part, parce que les actions qui croisent data et engagement reviennent à souffler le chaud et le froid : la froideur des données qui scannent l’individu et la chaleur de la conviction personnelle qui nourrit l’engagement collectif.
La communication a une responsabilité importante à jouer dans la construction d’une parole crédible. Elle ne peut pas être un leurre ou un alibi permettant de bâtir une image flatteuse mais trompeuse qui tricherait avec la réalité et de nouveaux impératifs sociétaux, a fortiori sur des thématiques qui engagent la santé, l’environnement, la sécurité…
C’est cela que sanctionne de plus en plus l’individu, qu’on le nomme citoyen ou consommateur (deux termes, au passage, avec lesquels on veut résumer trop souvent l’Homme moderne) : un écart entre la parole donnée et les faits, comme on l’a beaucoup vu dénoncé dans le champ politique. Plus les entreprises jouent un rôle sociétal et développent un discours d’engagement, plus elles sont jugées sévèrement, ce qui est légitime, puisqu’elles génèrent des attentes nouvelles et des niveaux d’exigence élevés.
Responsabilité et raison d’être
La communication doit être au service d’une action sincère et porter un discours de vérité et de progrès, pour aller vers du mieux. C’est pourquoi, les entreprises doivent savoir créer de l’engagement réciproque, sur des pratiques vertueuses et des exigences partagées. La responsabilité n’est pas seulement un argument de vente, sauf à tomber dans la démagogie dont on sait les retours de bâton, c’est aussi un contrat de progrès qui engage toutes les parties.
Ce constat est d’autant plus crucial que la responsabilité ne se joue plus dans le seul registre des moyens, ce n’est plus le minimum dû dans un process de production de biens ou de services. Elle devient, dans le monde actuel, une raison d’être. La mobilité, l’énergie, l’alimentation, le travail… sont désormais des questions indissociables d’autres questions comme la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, la gestion des ressources, l’égalité homme-femme, etc.
La responsabilité est désormais assumée et revendiquée au nom de questions d’intérêt général sur lesquelles l’entreprise se veut partie prenante, car elle sait que c’est aussi son intérêt et qu’elle a les moyens de faire bouger les choses.
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