L’édition en réalité augmentée : crédible ou « effet Whaou » ?
En pleine course à l’innovation, l’univers numérique nous introduit aujourd’hui de nouvelles technologies dont les sigles volent sur toutes les lèvres : IA, IoT, RA, RV*… C’est notamment à l'art de la Réalité Augmentée (RA) que nos journaux et magazines se sont initiés. Ce concept qui mêle des usages ludiques à des applications pratiques est parvenu jusqu’aux oreilles des éditeurs qui s’y hasardent timidement. Ces quelques essais réussis mais pourtant non reconduits, nous amènent à nous pencher sur les perspectives d’avenir de la RA dans l’édition.
L’essoufflement de la presse écrite face au numérique n’est pas un secret. À l’ère des écrans, ce médium de 400 ans peine à suivre l’essor technologique de notre siècle. Limité par son format et victime d’une audience âgée, sa seule possibilité d’évolution a été de renaitre sur le web en se posant la nouvelle et délicate question du business model. La presse a pourtant réussi à survivre à l’arrivée des géants du digital et continue de lutter contre les fake news en s’imposant comme la « vraie information ».
Aujourd’hui, de nouvelles opportunités lui sont offertes. Les futurs journaux pourraient ressembler à la fameuse Gazette du Sorcier (Harry Potter) dont les photos prendraient vie à travers nos écrans. Une tentative a d’ailleurs été réalisée en 2018 par un jeune américain qui a réussi à intégrer des vidéos dans un journal.
Pour beaucoup, la RA sonnerait le renouveau de la presse écrite. Le bénéfice incontestable est de pouvoir toucher des tranches d’âge plus jeunes, mais la RA offre également la possibilité de mettre en avant plus de contenu quantitatif et qualitatif. Les possibilités modestes sur papier sont décuplées dans l’espace et la surface de communication se modernise : lien intégré à gauche, produit publicitaire 3D à droite, météo en haut... L’entreprise LayAR (2009) se présente notamment comme le « leader de l’impression interactive et en réalité augmentée » et a créé une application et un magasine augmenté dans l’objectif de démocratiser cette pratique.
Cependant, malgré les tentatives de grands éditeurs comme le New York Times ou Playboy, l’exercice s’avère décevant pour de nombreuses raisons.
• Le premier point bloquant concerne les demandeurs même de cette innovation : les lecteurs, dont les mentalités en la matière sont celles de néophytes. Les codes UX (Expérience Utilisateur) sont encore à définir. Ce problème se pose aussi du côté des journalistes non formés à la création de contenu augmenté, dont le rôle devra plus se rapprocher de celui du producteur.
• Les technologies en place pour la RA sur smartphones demandent à être améliorée pour une utilisation régulière dans la presse. À ce jour, les modules existants - ARKit (Apple) et ARCore (Google) - ne sont supportés que sur les modèles les plus récents de téléphones, et la reconnaissance d’image n’est pas adaptée aux petites photos des journaux.
• Enfin, à chaque test était associée une appli mobile différente, ce qui freine la pérennisation de la RA dans la presse.
Ces contraintes ont ainsi poussé les éditeurs à réduire leurs expériences à des « one shot ».
L’avenir reste toutefois prometteur, et la RA peut s’imposer dans la presse écrite sous certaines conditions. Cela passe d’abord par un travail commun entre les acteurs de la presse pour définir des normes, mais surtout, il s’agit de laisser au temps, le temps de faire son travail, pour que les mœurs et les technologies évoluent.
* IA : Intelligence Artificielle ; IoT : Internet of Things (Objets Connectés) ; RA : Réalité Augmentée ; RV : Réalité Virtuelle