Suppression du compteur de likes sur Instagram : pourquoi c’est une bonne nouvelle (même pour les marques)
La rumeur enflait depuis quelques semaines, elle est dorénavant en passe de se concrétiser : Instagram envisage très sérieusement de supprimer le compteur de likes et de le rendre visible uniquement à l’auteur de la publication. Alors que des tests sont d’ores et déjà effectués, Instagram justifie ainsi le déploiement de cette nouvelle fonctionnalité auprès de ses utilisateurs : « Nous souhaitons que vos abonnés se concentrent sur ce que vous partagez, et non sur le nombre de likes de vos publications. Pendant ce test, seule la personne qui partage une publication verra le nombre total de likes qu’elle reçoit. »
Une initiative qui pourrait surprendre mais qui, en réalité, s’inscrit de manière plutôt logique dans l’évolution des plateformes sociales. Quelques jours avant que le scoop ne soit révélé, Jack Dorsey (fondateur de Twitter) déclarait ainsi lors d’une conférence : « Si je devais tout recommencer, je ne mettrais pas autant en avant le nombre d’abonnés. Je ne mettrais pas non plus en avant le nombre de likes ».
Après des années de croissance et un grand public qui découvrait avec enthousiasme toutes les nouvelles possibilités offertes par ces outils, le vent a tourné pour les réseaux sociaux. Accusés d’être des royaumes où le narcissisme dicte sa loi, la liste des polémiques liées à leur utilisation n’en finit pas de s’agrandir : harcèlement (scolaire notamment), influenceurs qui s’essaient à des business douteux , influence néfaste sur des lieux touristiques, fake news et manipulation électorale à grande échelle … Mis face à leurs responsabilités, les dirigeants des principales 5 plateformes font amende honorable et tentent tant bien que mal de mettre en place des initiatives pour réduire les effets pervers de leurs propres créations. Après avoir déclaré la guerre (qui s’annonce longue) aux faux influenceurs, Instagram s’attaque donc à une certaine forme de pression sociale, qui peut notamment être dévastatrice chez les plus jeunes, en envisageant la suppression du compteur de likes.
Si cette mesure venait à être généralisée dans les mois à venir, elle représenterait certes un changement important pour les utilisateurs, mais le bouleversement serait encore plus conséquent pour les marques. Pour le moment, le nombre de likes d’une publication est considéré comme l’un des premiers indicateurs de performance. D’ailleurs, le calcul du taux d’engagement (autre chiffre star des reportings des social media managers) est basé sur ce chiffre. De même lorsqu’il s’agisse d’estimer les retombées business ou marketing d’une présence sur ces plateformes, en dépit des polémiques qu’elles suscitent. Évidemment, les marques pourront toujours avoir accès à ces statistiques concernant leurs publications mais elles ne pourront déjà plus les comparer avec leurs concurrents et donc leur donner une valeur vraiment significative. Car au final, que valent vraiment 100, 1 000 ou 50 000 likes quand une photo d’oeuf peut en récolter 53 millions ?
Ce qui pourrait faire grincer des dents ou contrarier les marques qui ne pourront plus exposer leur popularité aux yeux de leur audience est en réalité une véritable aubaine. L’occasion, enfin, de prendre un virage (pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait) et repenser le « pourquoi » et « pour quels objectifs » d’une présence sur les réseaux sociaux. L’occasion de se débarrasser de la dictature du chiffre isolé, du résultat à court-terme et de l’imagerie vue et revue chez tous les concurrents et les influenceurs du secteur.
Car il faut entendre le message que veut faire passer Instagram par le biais d’une telle initiative : la valeur réelle d’une publication ne se mesure pas à l’aune de son nombre de likes mais de l’impact qu’elle a sur son audience. Un impact qui sera forcément démultiplié si le post s’inscrit dans une stratégie éditoriale cohérente, originale, qui se construit sur le long-terme, brique par brique et qui prend en compte l’ADN de la marque, son audience, ses besoins et le contexte dans lequel elle évolue.
À l’heure où les consommateurs attendent des marques plus d’éthique, d’engagement et d’authenticité, à l’heure où ils sont noyés sous les publicités, il est temps que les entreprises prennent le temps de réfléchir pour produire un discours à la hauteur des enjeux de la communication d’aujourd’hui. Un discours inspirant, divertissant, intéressant, utile. Un discours qui met à l’honneur de belles histoires, qui allie le fond à la forme et qui a du sens pour la marque comme pour son audience. En effet, même si elles font moins de likes que le chaton ou le coucher de soleil du concurrent, ces histoires garantiront un lien émotionnel fort, durable et rentable entre la marque et ses publics. Un lien qui vaut bien tous les likes du monde.
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