TikTok devant l’UE
"La transparence sera cruciale" : plusieurs hauts responsables européens ont appelé mardi le PDG du réseau social chinois TikTok, très critiqué aux Etats-Unis, à respecter "entièrement" les règles de l'UE, notamment concernant la protection des données et la lutte contre la désinformation.
Shou Zi Chew a rencontré à Bruxelles, à sa demande, la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, ainsi que ses collègues Vera Jourova, chargée des valeurs et de la transparence, et Didier Reynders, commissaire à la Justice. Au menu des discussions avec M. Chew : "la protection des données personnelles, la sécurité des mineurs, la transparence sur les contenus politiques rémunérés, et la diffusion sur TikTok de la désinformation russe", a indiqué Vera Jourova, appelant l'entreprise à "faire un effort supplémentaire (...) pour regagner la confiance des régulateurs européens". "Il ne peut y avoir aucun doute sur la sécurité des données des utilisateurs européens, le fait qu'elles ne soient pas exposées à un accès illégal d'autorités de pays tiers", a-t-elle ajouté, notant que TikTok promettait "un système robuste" de traitement des données en Europe. TikTok, dont la société mère ByteDance est chinoise, est critiqué pour l'addiction qu'il suscite chez enfants et adolescents. Aux Etats-Unis, une loi interdit son utilisation sur les appareils des fonctionnaires, des élus l'accusant d'être un outil d'espionnage et propagande au service de la Chine, sur fond de tensions entre Pékin et Washington.
ByteDance fait aussi l'objet d'une enquête de l'autorité irlandaise de protection de la vie privée, qui soupçonne l'entreprise d'enfreindre la législation européenne sur la protection des données (RGPD) en matière de traitement des données personnelles des enfants et de transferts de données vers la Chine. "J'ai insisté sur l'importance de se conformer pleinement au RGPD et de coopérer" avec le régulateur irlandais, a indiqué Didier Reynders après la rencontre. ByteDance avait dû admettre le mois dernier que des employés avaient accédé de manière inappropriée à des données d'utilisateurs de TikTok pour suivre des journalistes afin d'identifier l'origine de fuites dans les médias. Selon le cabinet de Mme Jourova, Shou Zi Chew a reconnu mardi "une erreur", assurant que "les employés responsables ne travaillaient plus pour le groupe".
Visant à endiguer la désinformation et les discours haineux, une loi européenne sur les services numériques (DSA), entrée en vigueur en novembre, contraindra dès mi-2023 les plus grandes plateformes en ligne à se faire auditer par des organismes indépendants, à évaluer les risques liés à leur utilisation et à adopter des mesures pour les atténuer. "Nous sommes pleinement engagés à appliquer les dispositions du DSA et avons mobilisé des ressources-clés pour garantir notre conformité future au règlement", avait déclaré lundi à l'AFP un porte-parole de TikTok. M. Reynders a relevé "les engagements de TikTok pour contrer les discours haineux et garantir la protection de tous les usagers, y compris les enfants". Selon la Commission, M. Chew a détaillé "les investissements du groupe dans les pratiques de modération visant à restreindre l'impact des contenus toxiques".
L'entreprise doit par ailleurs fournir "d'ici fin janvier" un rapport sur la désinformation sur sa plateforme, dans le cadre d'un code de conduite européen renforcé. Selon le cabinet de Vera Jourova, TikTok "a reconnu que des acteurs étatiques non européens tentent de manipuler le contenu de la plateforme à des fins de désinformation, et s'efforce de résoudre ce problème", ayant déjà "rapidement appliqué les sanctions de l'UE contre les organes de propagande russe". Shou Zi Chew devait aussi rencontrer mardi Ylva Johansson, commissaire aux Affaires intérieures. Le Singapourien s'entretiendra ensuite le 19 janvier par visioconférence avec le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. "Je dirai exactement la même chose au président de TikTok" qu'à Elon Musk, patron de Twitter, a-t-il prévenu lundi, martelant qu'il devait se préparer lui aussi à "appliquer l'intégralité de nos règles (...) et les obligations, y compris sur la transparence de leurs algorithmes".