Le Sénat prône un meilleur contrôle de TikTok
La commission d'enquête du Sénat chargée d'étudier le fonctionnement et la "stratégie d'influence" de l’application TikTok préconise de mieux la contrôler et de la forcer à prendre un certain nombre de mesures sous peine de suspension.
Les sénateurs ont ainsi appelé jeudi le gouvernement à "suspendre TikTok en France et (à) demander sa suspension au sein de l'Union européenne", si ce réseau social ne clarifie pas avant le 1er janvier 2024 la nature de ses liens avec les autorités chinoises et ne met pas en place une modération "efficace" et un "contrôle effectif de l'âge". La commission entend également "tenir (TikTok) responsable de son contenu", en raison de son "rôle actif" sur les vidéos qu'il diffuse, notamment en agissant "de manière ciblée sur le fonctionnement de son algorithme" de recommandation, alors que les réseaux sociaux sont accusés d'avoir participé à l'emballement des récentes violences urbaines en France. Ces contenus "pourraient être biaisés au profit d'autorités chinoises soucieuses d'alimenter des troubles susceptibles d'affaiblir l'image de la démocratie", établit ce rapport, présenté lors d'une conférence de presse.
Suivant les voeux de l'exécutif qui a envisagé cette semaine de "suspendre des fonctionnalités" sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes, les parlementaires recommandent "une modération a priori en cas de graves troubles à l'ordre public" et la possibilité pour les autorités "de retirer ou bloquer l'accès" à certains contenus. Plusieurs recommandations, qui pourraient faire l'objet de propositions de loi dès la rentrée, ne concernent d'ailleurs pas seulement TikTok mais incluent ses concurrents américains. Début juin, la commission avait bombardé de questions deux dirigeants de TikTok en France à ce sujet, sans obtenir davantage que des démentis et des réponses vagues. Elle revient dans son rapport sur les multiples polémiques qui ont émaillé l'histoire de l'application devenue, lors du confinement, l'une des plus prisées des adolescents. TikTok a notamment été accusé d'avoir espionné et géolocalisé à distance des journalistes, transféré des données d'utilisateurs vers la Chine et pris des mesures de censure au bénéfice de la Chine ou de ses alliés, notamment la Russie lors de l'invasion de l'Ukraine. Son caractère "addictif" et ses vidéos courtes, notamment de désinformation, auxquelles sont exposés des utilisateurs souvent très jeunes conduisent les sénateurs à recommander un "blocage de l'application au bout de 60 minutes" pour les mineurs.
Invoquant les risques en matière de cybersécurité, ces parlementaires souhaitent aussi élargir l'interdiction de l'application en France - aujourd'hui aux seuls fonctionnaires d'Etats - à tous les personnels des opérateurs publics ou privés "d'importance vitale". Enfin, ils exigent "la négociation d'un accord équitable" avec la société des auteurs contre le piratage audiovisuel, et une rémunération plus juste des éditeurs des musiques utilisées sur la plateforme. L'application est utilisée chaque mois par environ 150 millions d'Américains et le même nombre d'Européens, dont plus de 22 millions de Français.