Le saucisson gagne une manche contre l'appli Yuka
Les industriels de la charcuterie ont remporté une première manche face à Yuka. La justice a condamné l'application nutritionnelle pour "dénigrement au préjudice" de la fédération réunissant les entreprises charcutières françaises. Pour autant, le match n'est pas terminé, Yuka ayant décidé de faire appel. Le tribunal de commerce de Paris a jugé que l'application Yuka avait "une pratique commerciale déloyale et trompeuse et commettait des actes de dénigrement au préjudice" de la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FITC), dans une décision consultée vendredi par l'AFP. Sur cette application très populaire, chaque consommateur ayant scanné le code-barres d'un saucisson ou d'un jambon se voit immédiatement invité à signer dans la foulée une pétition demandant l'interdiction des nitrites et des nitrates particulièrement utilisés dans la charcuterie industrielle. C'est l'établissement d'un lien direct entre des informations nutritionnelles et une démarche militante qui est apparu "insupportable" à la FICT, l'amenant à saisir la justice. Dans sa décision, le tribunal de commerce "interdit à Yuca d'opérer un lien direct entre, d'une part la pétition +Interdiction des nitrites+ ou tout appel à interdire l'ajout de nitrites ou de nitrates dans les produits de charcuterie, d'autre part les fiches de l'application Yuka relatives aux produits de charcuterie". Yuka a exprimé vendredi 28 mai "son incompréhension" après la décision du tribunal et a décidé de faire appel. L'application "a toute confiance en la Cour d'appel de Paris devant laquelle le débat pour la santé et l'information des consommateurs se poursuivra", écrit-elle. Avec l'association de consommateurs Foodwatch et la Ligue contre le cancer, Yuka participe à une campagne demandant le retrait dans les charcuteries des nitrites de potassium E249, de sodium E250, et des nitrates de sodium E251 et de potassium E252. La pétition a recueilli près de 350 000 signatures, selon Yuka. Julie Chapon, cofondatrice de Yuka, a fait valoir à l'AFP que la fédération avait été "déboutée de plusieurs demandes et notamment de la plus importante visant à modifier le système de notation de l'application et en particulier la notation des nitrites". Sur Yuka, les charcuteries obtiennent des notes très basses - voire des zéros -, à la fois en raison de leur profil nutritionnel mais aussi de l'ajout de ces additifs nitrités qui permettent une meilleure conservation des produits et donnent une couleur rose au jambon. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérigène (catégorie 1). Elle favoriserait les cancers colorectaux. Les nitrates et nitrites ingérés sont considérés comme des cancérigènes probables (catégorie 2A, comme la viande rouge). Un député du Loiret Richard Ramos (Modem) s'est saisi de la question de l'utilisation des nitrites et nitrates dans l'industrie agroalimentaire. Il a rédigé avec deux collègues un rapport d'information présenté en janvier qui recommande le bannissement progressif d'ici à 2025 des nitrites dans les charcuteries. Le rapport reconnaît que les charcutiers ont commencé à réduire d'eux-mêmes l'ajout de nitrites et nitrates dans leurs produits et que ces quantités "sont inférieures aux normes fixées au niveau européen". Mais "le sans nitrite ne doit être ni une niche, ni une mode : il doit devenir la norme. C'est un impératif de santé publique", estime le rapport. Pour y voir plus clair, le gouvernement a saisi l'Anses, l'agence française de sécurité sanitaire, qui devrait rendre un avis dans les prochains mois.