Candice Smadja-Anne-Lise Langlais (Troop) : « il y aura une French Touch du podcast »
Pas simple, aujourd’hui, de se lancer dans le monde de l’audio, marché en pleine ébullition réunissant déjà une multitude de structures qui bataillent pour émerger. C’est pourtant l’ambition de Candice Smadja et Anne-Lise-Langlais qui ont cofondé Troop, une agence créative de podcasts. Elles détaillent pour CB News leurs ambitions avec des rêves plein la tête et pas mal de pragmatisme. Interview.
CB News : Candice Smadja, avec Anne-Lise Langlais, vous cofondez Troop, une nouvelle agence créative de podcasts. Un secteur de l’audio où beaucoup s’engouffre, où la concurrence s’avère maintenant féroce… Il y a de la place pour tout le monde ?
Candice Smadja et Anne-Lise Langlais : Il y a de la place pour tout le monde à partir du moment où vous êtes le seul. Je m’explique, le seul à faire quelque chose d’unique et chez Troop, nous pensons que pour faire quelque chose d’unique, il faut juste faire quelque chose qui vous ressemble. Regardez, il existe près 35 000 boulangeries en France, et tout d’un coup vous en avez une qui sort un pain au charbon végétal riche en antioxydant et avec un levain centenaire !
Comme c’est souvent le cas sur un marché émergeant et à l’instar du digital il y a quelques années, l’audio digital amorce un virage stratégique. Nous voyons des évolutions de capital, des rapprochements. Troop est l’exemple parfait, Anne-Lise (Charlie Studio) et moi-même (AOC Production et Biscuit) nous sommes rapprochées pour s’adapter à une demande croissante et des auditeurs plus exigeants.
Le podcast est l’objet de toutes les discussions. L’audio s’ancre dans les usages il n’y a pas de doute, dans le même temps le nombre d’auditeurs grandit. Les marques intègrent l’audio dans leur stratégie marketing et communication naturellement. Des indicateurs forts qui séduisent de nouveaux acteurs sur un marché nouveau et captif et c’est tant mieux ! À la fois nous constatons une production qui est de plus en plus qualitative et une offre podcasts qui se diversifie. Nous devons aussi satisfaire un public de plus en plus exigeant. Troop fait partie des membres fondateurs du PIA (Syndicat des Producteurs de Podcast), j’agis en qualité de trésorière et je constate un nombre croissant de demandes d’adhésion avec des profils de producteurs solides et variés.
CB News : Qu’est-ce qui vous différencie d’autres acteurs de l’audio ?
CS et ALL : Troop est née de l’envie de prendre cette vague en faisant des figures de style inédites. De surfer sur l’innovation, l’originalité l’innovation. Comme au cinéma ou en musique, nous pensons qu’il y aura une French Touch du podcast ! Dont nous faisons partie. Nous avons une manière de créer, d’inventer de réaliser, qui vient de notre façon de penser, de notre savoir-faire et de notre héritage audio français, qui est ultra créatif.
Nous sommes nés de la publicité et des médias. La créativité et le craft sont au cœur de toutes nos réflexions, nous vouons une véritable passion pour les histoires, tout nous inspire. Nous nous appuyons aussi sur des moyens techniques solides : dix studios dont un en Dolby Atmos avec une exigence forte sur la production exécutive. Troop c’est l’idée de fédérer, notre signature « Playroom for podcast » c’est l’idée de s’amuser d’utiliser nos moyens humains et techniques comme un vrai « lab créatif ». Anne-Lise a été conceptrice-rédactrice en agence et écrit encore beaucoup pour l’audio digital. L’audio demande une attention particulière et écrire pour l’audio est un exercice de style.
L’idée et la créativité nous animent tellement que nous avons créé « Trooper » le 1er Hub du podcast en France. Son rôle est d’identifier les porteurs de projets audio (fiction, non-fiction et tech.) De notre point de vue, il manquait une scène permanente pour réunir les auditeurs, les podcasteurs, influenceurs et les marques. Ce hub permettra de présenter aux marques des cahiers de tendances de l’audio. Nous lançons en novembre un premier appel à projet, sur un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et que nous (co) produirons. Il est encore un peu tôt pour en parler.
CB News : Quel est votre business-model ?
CS et ALL : Troop agit comme une agence de publicité pour ce qui est des podcasts de marques et comme un producteur de cinéma pour ce qui est du podcast de fiction. Notre business model repose sur le modèle d’une agence-production de podcasts : le podcast natif destiné aux marques, les autoproductions, la création de spots pour le sponsoring, des co-productions avec les plateformes de diffusion. Nous avons structuré l’équipe pour apporter des solutions malignes aux marques quant à la médiatisation des podcasts que nous créons. Avec près d’un million de podcasts il faut émerger et vite. Un plan média qui n’intègre pas le podcast est une erreur stratégique.
CB News : Pourriez-vous nous décrire quelques projets réalisés ?
CS et ALL : On préférerait vous faire écouter, déformation professionnelle oblige, mais on va essayer ! Disons que tous nos projets se démarquent et ce dès les premiers podcasts du catalogue dont Troop a hérité : la 1ère fiction audio indépendante avec 800 000 écoutes (Queen of Snakes), la première série de contes pour enfants écrits par des artistes rock (Rock’ambolesques, fraîchement nommée au club des Directeurs artistiques), la première série audio que Spotify sort mondialement et le même jour en 4 langues (Sarah) etc.
Nous aimons les challenges créatifs en talk ou en fiction. Se démarquer pour émerger. L’innovation est le sujet central dans notre stratégie créative et d’entreprise. C’est ainsi que « 20 minutes » ou encore le « PSG » viennent de nous confier la production de leur podcast. Eux comme les autres, nous demandent à chaque fois : traitez enfin le podcast avec un angle disruptif s’il vous plait ! Et ça tombe bien le disruptif chez Troop on est tous tombé dedans quand on était petits.
CB News : L’audio a le vent en poupe. Une attractivité qui va durer dans le temps ?
CS et ALL : Évidemment : regardez le nombre de mails, de réseaux sociaux, de flux audiovisuels auxquels vous êtes soumis chaque jour. L’audio explose, parce qu’il est en phase avec les changements de la société, la demande de liberté. Oui l’ère du tout vidéo a atteint ses limites, oui il faudra composer avec l’audio pour les années à venir ! Et donc 82 % des Français écoutent un contenu audio tous les jours. (Médiamétrie, 2022), pourcentage dominé par le streaming musical. C’est grâce aux 10% des Français qui sont des auditeurs réguliers de podcasts natifs que l’on parle autant du podcast et ce pourcentage va évoluer chaque année.
Les GAFAM et SUNAS (Spotify, Uber, Netflix, Airbnb et Stripe, ndlr) continuent d’investir dans le secteur. Les auditeurs sont de plus en plus nombreux, le profil de l’auditeur évolue. Le podcast est peut-être le seul terrain d’expression qui permet à « l’Idée » de s’exprimer sans être brimée. Pas de limitation de temps, pas de sanction sur le ton entre autres, avec en prime une durée de vie aussi longue que l’on veut. Tous les producteurs de contenus audios investissent beaucoup d’argent des autoproductions, aucun d’entre nous ne bénéficie d’aide. Comme c’est le cas pour le cinéma, la TV ou la musique l’audio digital. L'industrie du podcast continue de croître... et de changer.
CB News : Tout de même, le ministère de la Culture a lancé deux appels à projets (en 2021 et en 2022) avec deux enveloppes de deux fois 500 000 €…
CS et ALL : En effet, il a lancé ces appels projet et nous saluons la démarche. Mais je précise que ces aides ne sont pas destinées aux productions de podcasts et surtout ne soutiennent pas la production mais bien l'aide à l'écriture ce qui représente en moyenne 5% d'un budget total de production. Notre travail au sein du PIA, entre autres sujets, est d'œuvrer pour que les producteurs puissent bénéficier d'aide à la création à l'instar des secteurs du cinéma et de la musique, le CNC et la SACEM accompagnant et contribuant à la création et à la production.