Wieden+Kennedy Amsterdam en live (ou presque) 2 sur 2

Wiedan2012 0112

Interview des executive creative directors de l'agence, Eric Quennoy et Mark Bernath deuxième partie. Ce mois-ci, CB News s'est penché sur la création. Et nous sommes allés sur place, rencontrer les patrons de la création de l'agence, classée numéro Un au Gunn Report cette année. Deux créatifs à qui on doit, entre autres, le film Write the Future pour Nike (Grand Prix des Lions Film à Cannes en 2011), The Date pour Heineken et son hilarant Making of the date, ont répondu à nos questions. Si le reportage en magazine s'est attaché à "sentir" une ambiance et une atmoshpère assez particulière, nous vous proposons de découvrir les deux hommes via la totalité de l'interview qu'ils nous ont accordé.


Interview des executive creative directors de W+K Amsterdam, Eric Quennoy et Mark Bernath deuxième partie.

Depuis votre arrivée, en dehors de l'atmosphère, est-ce que vous avez changé quelque chose dans l'agence ?


(Tous les deux se retournent et pointent leur bureau, juste derrière dans l'open-space). Avant il y avait un mur, qui montait jusqu'au plafond. Il séparait l'équipe dirigeante du reste de l'agence. De là où on est, on ne pouvait pas les voir à l'époque. Deux jours après notre arrivée, on a demandé à le tomber. Je crois que c'était une déclaration ('statement') : "on veut être ouverts, disponibles, et pas séparés du reste de l'agence". C'était quelque chose d'important pour nous. On est des créatifs séniors, on est associés, directeurs de la création et en soi, on a conscience que ça peut être impressionnant, ou donner l'image de gens pas disponibles. Du coup, de tomber ce mur, ça a libéré pas mal d'énergie et nous a aidé à symboliser notre approche, à présenter notre vision à l'agence. Une vision qui est plus sous la forme d'une constellation que sous la forme d'une pyramide.

 

Comment les gens ont réagi ?


Je crois que les gens ont trouvé ça bien, rafraîchissant. On en a vu des centaines, des gens qui arrivent avec un projet, qui veulent tout révolutionner… On les a tellement entendus ces speeches… Du coup, c'était rafraichissant de rigoler un peu, dans une telle situation. On voulait dédramatiser, être plus dans le registre de la légèreté. Et c'était notre message : on veut s'amuser, on ne veut pas se prendre trop au sérieux. On adore notre métier, on produit du bon boulot, mais on veut aussi prendre du bon temps, et on ne veut pas que les gens ici nous prennent trop au sérieux non plus.

Fondamentalement, on est des "idiots" ! ('We're basically idiots!') (rires). Mais au moins, ils se sont marrés, et ils ne se sont pas regardés en se disant : "On est baisés : ces mecs-là vont nous tuer!"

Dans ce genre de situations, il y a une attente. On est censés savoir, expliquer ce que la publicité devrait être, le sens de notre métier, répondre à leurs questionnements. Aujourd'hui, le monde a changé, mais pas notre métier, c'est juste la manière de le faire qui change en permanence. Ca me fascine, ces gens qui essayent de trop le définir, qui sont sûrs et certains ("dead sure") de la façon dont ça devrait fonctionner, ce qui est prioritaire ou ce qui ne l'est pas. Pour nous, c'est plus une question de garder l'esprit ouvert, d'apprendre des choses nouvelles, et de trouver de d'autres façons de faire les choses, de se planter parfois, de trouver de meilleurs chemins. C'est plus ça notre approche, plutôt que de mettre en place des processus artificiels ou de prétendre qu'on connaît toutes les réponses.

 

Vous allez à Cannes cette année ?


Oui, on y sera !

 

De ce que vous avez vu cette année, quelles seront vos prévisions ?


Moi, je pense qu'il va faire beau, que je serai saoul le quatrième soir (rires).

En fait, on ne regarde pas trop ce qui se passe dans le jardin de notre voisin. On fait confiance à notre instinct et à notre culture interne. Mais globalement, une tendance de l'année dernière devrait se poursuivre, cette course à l'efficacité et, en parallèle, des grosses campagnes ("big work", "big campaigns"), des travaux qu'on n'a pas forcément vu d'ailleurs ! J'aime l'idée qu'on récompense des grosses campagnes et des marques courageuses.

Cette idée d'efficacité, c'est un syndrome post-récession dans la pub ? C'est nouveau, non ?


Oui, d'ailleurs ils ont lancé l'année dernière un prix de l'efficacité. Les objectifs business ont toujours été là ; on a été jugés sur notre efficacité. Du coup, ce serait assez logique que ça prenne une place plus importante dans les critères de jugement des festivals. Et c'est sans doute le cas d'ailleurs. Cela a du sens.

C'est un peu paradoxal, parce que d'un côté, tu as un discours qui te dis que ce qui prime c'est la créativité, et comment tu dois la regarder, et que ce n'est pas important que ça ait vendu 10 ou 50 000 ; et de l'autre côté, c'est tellement difficile de ne pas en voir l'efficacité, de ne pas voir combien de gens ça a pu toucher. Parce que de la manière dont fonctionnent les choses aujourd'hui, tu vois le nombre de gens qui ont regardé une vidéo, tu vois le nombre de tweets, tu sais ! C'est dur de faire abstraction de ça. Peut-être qu'il devrait y avoir une catégorie qui se concentrerait sur l'efficacité et un sur la pureté de l'idée ? (rires).

 

Est-ce que le Lion de l'efficacité créative, c'est un non-sens dans la mesure où les Prix cannois tiennent déjà compte des résultats ?


L'efficacité, c'est incroyablement difficile à mesurer. On a vus tous ces "case studies" avec tous ces fans Facebook, ce nombre de vidéos vues, ces stats qui augmentent de 700%…, tous ces chiffres qu'on te balance à la gueule et qui finissent par me rendre méchant. Ces chiffres, ils ne tiennent pas compte du contexte, et c'est là où les mecs qui les font sont en train de se planter. Toute le monde emballe bien son petit cas, on te sort des articles de journaux, des batteries de chiffres…, et ça devient juste impossible de savoir tout ce que ça peut vouloir dire, pour être honnête. Du coup, on regarde encore plus l'idée créative, parce que pour nous, ces chiffres, ça ne veut rien dire. Nous, on travaille à faire des choses réelles, à les rendre réelles dans la vraie vie, à créer du lien réel. C'est peut-être ça qui compte au final, non ? L'efficacité c'est peut-être donner une réalité à tout ça.

Si tu regardes le festival de Cannes, celui des films, ceux qui obtiennent les prix sont les films les plus créatifs, qui véhiculent une idée, une prise de position ou un parti-pris artistique, et pas forcément ceux qui sont le plus efficace en termes d'entrées en salles. Si tu te bases sur l'efficacité, un type comme David Lynch n'avait aucune chance de gagner…

Aujourd'hui, tout le monde est un média potentiel. Tout le monde peut écrire, prendre des photos, des films, du son et le disséminer sur le Net, c'est un outil génial.

 

Qu'est-ce que vous voudriez transmettre à la génération suivante ?


On vit une époque passionnante, sans cesse mouvante. L'idée créative et la valeur "entertainment" qu'on en a est plus importante que jamais. Maintenant, il y a de plus en plus d'opportunités, de possibilités. La créativité est devenue une valeur premium, parce que tu ne te sortiras jamais de la merde chiffrée à moins de présenter quelque chose qui a de la valeur, qui signifie quelque chose pour les gens. Pour les créatifs qui entrent sur ce marché, c'est le moment le plus excitant de le faire. Je ne sais pas si ça répond à la question...?

Ce qu'on espère transmettre, c'est un travail qui puisse inspirer les gens, les encourager à venir sur ce business pour faire des choses comme ça. On espère transmettre de l'inspiration. J'aime penser qu'on fait des choses plus divertissantes que juste un truc publicitaire de plus. J'espère qu'on apporte, à travers des réalisations comme Write the Future, quelque chose qui est au-delà de la simple publicité. C'est juste génial d'arriver à faire des trucs comme ça, qui changent la vision des gens sur notre métier, qui changent leur comportement par rapport aux marques, leur implication.

 

Des projets de venir à Paris ?


Notre vision, c'est que Londres fait pas mal de boulot anglo-saxon ; nous, on fait pas mal de boulot européen ou mondial. Si on le faisait, je serai le premier volontaire. Mais ça ne me semble pas la prochaine étape logique. On a travaillé pour des marques françaises, pour Nike France et pour Pernod-Ricard. C'était bien, mais pas très gros en fait. C'était pour la vodka polonaise Wyborowa. Le truc bien à Amsterdam, c'est que c'est une agence globale. Du coup, pour nous autres Américains, c'est peut-être plus facile que de venir à Paris, où le marché est très local.

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