Wieden+Kennedy Amsterdam en live (ou presque) 1sur 2

Wiedan2012 059

Interview des executive creative directors de l'agence, Eric Quennoy et Mark Bernath. Première partie.
Ce mois-ci, CB News s'est penché sur la création. Et nous sommes allés sur place, rencontrer les patrons de la création de l'agence, classée numéro Un au Gunn Report cette année. Deux créatifs à qui on doit, entre autres, le film Write the Future pour Nike (Grand Prix des Lions Film à Cannes en 2011), The Date pour Heineken et son hilarant Making of the date, ont répondu à nos questions. Si le reportage en magazine s'est attaché à "sentir" une ambiance et une atmoshpère assez particulière, nous vous proposons de découvrir les deux hommes via l'interview qu'ils nous ont accordé.


Quel est votre secret ? Est-ce qu'il y a une recette ?


Il n'y a pas de recette. Mais pour nous, une fois que vous avez les bons employés et les bons clients, le plus important, c’est de créer la bonne ambiance, une atmosphère qui donne envie de faire du bon travail, de se sentir heureux, de s’amuser en travaillant. C’est créer une culture commune, un endroit partagé. Ce n’est pas la seule chose, mais pour nous, c’est un point de départ. C’est essentiel que les gens se sentent heureux, épanouis, qu’ils se sentent soutenus, encouragés, aimés, pour produire un travail de qualité. Tu ne fais jamais du bon boulot si tu te sens enfermé, piégé. Il faut qu’ils aient envie de prendre des risques, de sentir que s'ils échouent, ce n'est pas un drame. Si vous arrivez à crée une atmosphère comme ça, c'est un bon début pour réussir.

Comment vous engagez les gens? Comment vous détectez de nouveaux talents ?


Nous recrutons plus de gens qui sont bons à exprimer ce qu'ils sont que de gens bons en publicité; faire des bonnes pubs, avoir une bonne culture publicitaire, c'est bien, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse en priorité. Nous cherchons des gens qui ont un regard, quelque chose à dire, à exprimer, quel que soit leur mode d'expression. On essaye de créer un endroit où tout ne s'arrête pas au travail. Où les gens amènent tous leurs expériences personnelles avec eux et rentrent dans un système ouvert.

Est-ce que vous vous définissez comme une agence de pub ?


Oui, c'est ce qu'on est! Mais la publicité a énormément évolué. Il y a tellement plus de manières d'exprimer des idées pour nos clients….

Comme la musique ? (derrière nous, dans l'open space, un créatif a pris une guitare et commencé à chanter…)


Oui, par exemple (rire).! Et, il joue terriblement mal! Quelqu'un devait forcément le savoir, c'est pour ça qu'il n'a pas été embauché ailleurs !! (rires). En fait, quand il est venu chez nous, la majorité de son parcours, c'était l'édition, le publishing et il ne connaissait pas grand-chose à la pub. Mais il avait une forme de sensibilité intéressante, une approche fraiche, clairement pas une approche publicitaire. Si vous lui soumettez une problématique, il a vraiment une approche fraiche, différente. Chez nous maintenant il est rédacteur et c'est un très bon rédacteur.

Il symbolise ce qu'on est en train de faire. On se voit plus comme une société de divertissement (entertainment company) que comme une agence de pub formatée. Maintenant, le contenu est partout, dans ce que vous lisez, dans ce que vous voyez, dans un truc avec lequel vous interagissez…, et il y a une course pour décrocher l'attention des gens, quel que soit le média. On se doit de produire le contenu le plus divertissant, le plus intéressant possible pour établir une connexion. Et on essaye de faire en sorte que cet endroit soit à l'image du contenu qu'on produit : attrayant, divertissant, frais, nouveau, drôle parfois, un peu fou, comme ce mec avec sa guitare…On s'en fout qu'il travaille ou pas, là, maintenant, l'essentiel, c'est qu'il se sente à l'aise. C'est marrant, parce qu'on parle très sérieusement là, mais en fait on ne se prend pas vraiment au sérieux.

Pour revenir au recrutement, quand les gens viennent ici nous rencontrer, ils ne rencontrent pas seulement les directeurs de création ou le Dg : ils rencontrent 130 personnes. C'est une tradition; ils ne nous voient pas seulement nous : on les envoie à travers l'agence, pour qu'ils rencontrent les gens. On pense que nos collaborateurs sentent qu'ils font partie d'un tout, partagent une culture, une mentalité commune. C'est eux qui créent une atmosphère qui produit du bon travail et où les gens aiment travailler ensemble. On veut que les gens qui viennent à notre rencontre se sentent libres d'apporter leur propre folie, leur excentrique, leurs névroses (rires).

C'est vraiment une histoire de trouver des connexions, une certaine forme d'universalité entre tous ces gens différents et de le transformer en une énergie commune, qui fasse du sens. Il y a des gens de toutes origines ici. On a des collaborateurs qui viennent d'Angleterre, des Etats-Unis, d'Asie, d'Europe …. Ca nous est très utile : quand on travaille sur une campagne comme Write The future, qui va être mondiale et doit s'adresser à tous, il faut trouver une certaine forme d'universalité où tout le monde trouve son compte. C'est ce qu'on essaye de faire ici, à notre niveau.

Votre job il y a 10 ans et votre job maintenant, c'est très différent ?


C'est de plus en plus compliqué (rires). En fait, ça reste la même chose. C'est toujours une histoire de détecter les talents, savoir reconnaître les bonnes idées et les développer. Maintenant, les gens qui le font ont changé; ça demande des gens qui restent au top dans leurs domaines, qui s'éduquent eux-mêmes sur les nouvelles technologies et sur la manière de répandre les idées.

C'est tricky de repenser à ça, mais quand on a commencé dans la pub, à l'époque, on dessinait. Avec un crayon. Et on essayait de mettre des mots là-dedans. Et on pouvait présenter ça à nos clients. Et puis au fil du temps, les ordinateurs se sont améliorés, les logiciels sont devenus extraordinaires. Maintenant, les gens sont conditionnés à présenter des films, des animations, à faire ressentir le feeling d'une campagne ou à quoi va ressembler le spot. On peut mieux prototyper une campagne, grâce aux médias digitaux. Et ça change le regard que nos clients portent sur notre travail, leurs attentes, parce que vous devez créer un facsimilé de ce à quoi va ressembler une campagne, avant même qu'ils ne l'achètent. Maintenant, il y a toujours un outil pour leur montrer que la campagne sera un succès. En un sens, ça laisse échapper l'évaluation de la pureté des idées, parce qu'il ya une attente sur le fait de savoir si ça va fonctionner ou non.

De plus en plus, on se surprend à espérer juste un peu de confiance, de foi dans les idées, plutôt que de convaincre, de faire la démonstration par les outils, qu'on va avoir 1 ou 2 ou tant de millions de fans sur Facebook, ou que telle campagne devrait passer sur telle chaine. De plus en plus, il y a une pression qui encourage à acheter ce type de résultats, qui ne sont peut-être pas nécessairement, comment dire, de vrais résultats peut-être ? Je crois qu'on a besoin de revenir à la confiance dans notre travail créatif, même si ça prend plus de temps. Quelquefois, ça parasite un peu le processus créatif, ces jours ci. On a besoin que les annonceurs aient un peu plus confiance en nous.

Vous parlez de processus créatif. Est-ce qu'il y a un processus ici, à l'agence?


Il n'y a pas de process, cet endroit est connu pour générer du chaos. Non, écris pas ça ! (rires). C'est tout le propos de Fuck the Joneses. On fonctionne un peu au chaos et on peut en produire aussi. Quelquefois, trop de process va à l'encontre de la créativité. Je crois qu'on n'a pas de process particulier, surprenant ou vraiment différent des autres agences.

Je pense aussi que ce qui inspire les gens, c'est de vivre à Amsterdam. C'est une ville qui a une âme créative, qui produit un bouillonnement culturel, artistique. Quand tu es créatif ou écrivain, c'est difficile, dans un tel environnement, avec une telle histoire, de ne pas sentir que c'est ton heure ('it's your moment'), que tu as un potentiel. Tu te sens porté par la ville. Je dis souvent que cette ville, c'est comme un parc d'attraction pour adultes ('amusement park'). Et je pense vraiment qu'une grosse part de notre production vient de l'endroit où on est. Je pense que ça fait partie intégrante du process, tu ne peux pas faire abstraction de la ville. On a 120 personnes ici, et 25 nationalités; donc beaucoup d'expatriés, et tous se retrouvent dans cette ville, dans cette agence et font tous ces trucs ensemble en exprimant une unité. Quand tu y réfléchis, c'est incroyable !

W+K, c'est un parc d'attraction dans un parc d'attraction ?


Oui, c'est ça ! C'est une manière de rassembler toutes ces personnes dont la Hollande n'est pas forcément le pays d'origine et qui viennent vivre une expérience, -avec l'énergie que ça sous-entend en terme de curiosité, de découvertes, d'expérimentations nouvelles etc-, , de les rassembler dans une structure qui ressemble plus à un parc d'attraction qu'à une agence.

Pour revenir à la ville, Amsterdam, comparée à New York, Londres ou Paris, c'est un endroit calme, paisible. A New York, Londres ou Paris, il y a cette agitation, cette folie tout autour de vous; alors qu'à Amsterdam, tout est tellement plus paisible, Il y a une certaine langueur et je crois que ça te permet de mettre plus de folie dans ton travail, plutôt que de la vivre dans la ville. C'est aussi ça qui nous permet de mettre de la folie et du chaos dans nos travaux.

À lire aussi

Filtrer par