Service public de l’audiovisuel : après les sénateurs, des députés prônent une réforme
Suppression totale de la publicité après 20h, création d'une holding qui chapeaute France Télé et Radio France et moins de contraintes budgétaires : des députés préconisent d'insister sur la différenciation de l'audiovisuel public dans un rapport parlementaire.
Pour les auteurs de ce rapport consulté mardi par l'AFP, Jean-Jacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance), respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public à l'Assemblée nationale, il s'agit de "réaffirmer la singularité du service public". Parmi leurs recommandations, qui seront présentées mercredi : la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions, y compris les parrainages d'émissions, et sur ses plateformes numériques, comme France.tv, entre 20 heures et 6 heures. "Il s'agirait à la fois de conforter la logique de service public échappant aux logiques commerciales, mais également de ne pas déséquilibrer un marché publicitaire" dont les annonceurs migrent "progressivement vers les supports numériques", justifient les députés. Ils appellent aussi à "une diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public". Néanmoins, pour compenser les pertes de recettes publicitaires pour l'audiovisuel public, les députés suggèrent l'attribution "à l'euro près, d'une fraction du produit de la taxe sur les services numériques", qui concerne les plus grandes entreprises du secteur. Ces propositions s'inscrivent dans la lignée de la loi de 2009, voulue par Nicolas Sarkozy, supprimant la publicité sur France Télévisions entre 20 heures et 6 heures.
C'est un sujet sensible pour le groupe public qui, depuis quelques semaines, bataille par médias interposés avec l'Association des chaînes privées (ACP), qui réunit TF1, M6, Canal+ et Altice (BFM, RMC). L'ACP a récemment interpellé Elisabeth Borne, accusant France Télévisions de concurrence déloyale. "Dans un marché publicitaire télévisuel particulièrement concurrentiel", l'ACP demande "que les règles soient réaffirmées et ne puissent être contournées, notamment s'agissant de la publicité sur les applications digitales ou de l'interdiction de la publicité après 20h sur les chaînes publiques", a exposé l'association dans un communiqué.
"Il faut révolutionner l'audiovisuel public", a estimé auprès du Figaro Jean-Jacques Gaultier, qui entend aussi "renforcer ses spécificités, conforter son indépendance et pérenniser son financement". En la matière, les députés souhaitent que soit maintenue l'affectation d'une fraction de TVA qui a remplacé la contribution à l'audiovisuel public, plus communément appelée la "redevance télé". Ils suggèrent aussi la fin de "l'exercice de contrainte budgétaire mené depuis 2018, afin de donner à l'audiovisuel public les moyens de mener les investissements nécessaires aux nouveaux défis" du secteur. Enfin, l'idée de la création d'une holding de l'audiovisuel public, regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA), est également ressortie, trois ans après son abandon par l'exécutif, alors débordé par la gestion de la crise sanitaire. Les députés appellent à former une "holding stratégique" qui puisse "jouer le rôle de chef de file et de facilitateur entre les entités de l'audiovisuel public". Mais, durant leurs auditions, ses patrons ont affiché leurs réticences. "Je ne suis pas sûre que ce soit la priorité du moment", a répondu en avril Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions. "C'est plutôt un facteur de déstabilisation de remettre régulièrement sur la table la question de la gouvernance", a renchéri Sibyle Veil, numéro un de Radio France, tandis que Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, s'est déclarée "pas favorable à une super structure". Enfin, pour Laurent Vallet, PDG de l'INA, une holding n'est "pas nécessaire". La création d'une holding de l'audiovisuel public est aussi la mesure phare d'une proposition de loi présentée par le président centriste de la commission de la Culture du Sénat, Laurent Lafon, début mai. Le texte, soutenu par la majorité sénatoriale, sera examiné en commission mercredi avant d'être discuté en séance publique dès le 12 juin.