La scission en 4 activités du groupe Vivendi approuvée par les actionnaires
Quasi unanimes, les actionnaires de Vivendi ont approuvé lundi le projet de scission en quatre entités du géant français des médias et de l'édition, ouvrant la voie à un "nouveau chapitre de son histoire", toujours sous le contrôle du milliardaire Vincent Bolloré.
Les trois résolutions mises aux voix en assemblée générale à Paris ont été validées chacune à plus de 97,5%. Une étape nécessaire avant la scission effective du conglomérat, puis à partir du 16 décembre les nouvelles cotations des entités: Canal+ à la Bourse de Londres, Havas (communication) à Amsterdam et Louis Hachette Group à Paris sur le marché Euronext Growth, régulé mais non réglementé. La holding Vivendi restera en Bourse à Paris. Selon le président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, "un nouveau chapitre de son histoire" s'ouvre pour le groupe, "tout en restant fidèle à ce qu'il est". Le cours de bourse de Vivendi, valorisé lundi plus de 9 milliards d'euros, "ne reflétait pas la véritable valeur de ses actifs", a rappelé Yannick Bolloré, fils de Vincent Bolloré et président du conseil de surveillance de Vivendi. Depuis qu'il s'est scindé d'Universal Music Group en 2021, Vivendi dit subir une décote de conglomérat qui atteignait il y a un an 44%. Autrement dit, le tout vaut moins que la somme des parties du mastodonte français. Cela constituait "un handicap pour nous actionnaires et pour le développement de nos activités", a-t-il ajouté devant plusieurs centaines de participants, aux Folies Bergère.
La scission fait bondir certains petits actionnaires, très minoritaires, qui craignent d'y perdre et de voir Vincent Bolloré renforcer son contrôle. Mais Yannick Bolloré a assuré que la scission est "la voie qui permet de créer de la valeur pour l'ensemble des actionnaires". Et s'il s'agissait pour le groupe Bolloré, actionnaire de référence à hauteur de 29,9% de Vivendi et ses 73.000 salariés, de prendre son contrôle, "ce n'est pas cette stratégie qu'il choisirait". Pour une action Vivendi seront allouées une action Canal+, une Havas et une Louis Hachette Group, et l'action Vivendi sera conservée.
Canal+ vient d'envoyer des signaux au marché en annonçant jeudi le retrait, à partir de juin 2025, de ses quatre chaînes payantes de la TNT, manière d'alléger ses coûts puis vendredi la suppression de 250 postes, dont 150 en lien avec l'arrêt de sa chaîne C8 sur la TNT le 28 février, d'après l'intersyndicale. Avec une participation de 66,5% dans Lagardère SA et 100% de Prisma Media, Louis Hachette Group couvre édition (Hachette Livre, numéro un français), distribution (Relay) et certains médias (Europe 1, JDD, Voici, Géo...). Le conservateur Vincent Bolloré a pris la tête de Vivendi à partir de 2014. La holding continuera de développer l'éditeur de jeux vidéo Gameloft qu'elle détient à 100% et de gérer diverses participations minoritaires (Universal Music Group, Banijay, TIM, Prisa...). Les quatre sociétés deviendront "cousines, après avoir été sœurs", avec toujours comme actionnaire de référence le groupe Bolloré, a illustré Arnaud de Puyfontaine. Les sièges sociaux resteront en France, sauf celui d'Havas. Les sociétés seront toutes résidentes fiscales françaises.
Lors de l'AG, plusieurs actionnaires ont regretté que des places étrangères aient été choisies pour Havas, choisissant Amsterdam pour la possibilité d'y créer une fondation permettant de l'abriter d'une éventuelle OPA hostile, et pour Canal+, qui se tourne toujours davantage vers l'international. Ces places boursières protègent moins les petits actionnaires et "on est pris en otage", a lancé Catherine Bergal, cofondatrice du fonds activiste CIAM (0,025% du capital de Vivendi). Ce fonds entend "poursuivre les voies alternatives judiciaires" pour obtenir l'annulation de la scission, qui selon ses responsables "contourne la loi sur les offres publiques d'achat obligatoires", selon un communiqué. Sous le seuil réglementaire de 30%, Vincent Bolloré n'a jamais été contraint de lancer une offre obligatoire sur Vivendi.
Le groupe Canal+ est le bienvenu à la Bourse de Londres
L'arrivée de Canal+, dont les actions ont été valorisées à près de 6,9 milliards d'euros, constitue "un véritable coup pour la Bourse de Londres", affirme à l'AFP Susannah Streeter de Hargreaves Lansdown, précisant que le groupe audiovisuel français décrocherait le cas échéant la plus grande introduction sur la place britannique depuis 2022. Celle-ci a notamment pâti ces dernières années d'un contexte de forte instabilité à la tête de l'État britannique après le Brexit, qui a poussé de nombreuses entreprises à bouder la place londonienne. Parmi ces revers figurent l'introduction en Bourse l'an dernier à New York du fabricant de microprocesseurs Arm, fleuron de l'industrie britannique, ou encore le transfert vers les États-Unis de la cotation principale du géant des matériaux de construction CRH. Les introductions en Bourse à Londres "ont considérablement chuté en 2023, avec un grand nombre d'entreprises optant pour la cotation aux Etats-Unis" dans l'espoir d'une valorisation et d'une croissance plus élevées, souligne Rama Prasad Kanungo, professeur associé à UCL (University College London). En 2022, Londres avait même été dépassée pour la première fois par Paris en matière de capitalisation boursière totale, avant de repasser devant en juin 2024.
Ce rebond s'explique en partie par le retour de la stabilité politique au Royaume-Uni, avec une large victoire du Parti travailliste lors des élections législatives britanniques en juillet dernier. Ce dernier s'était positionné en champion "sans complexe" de la finance pendant la campagne. L'autre facteur important est la simplification des règles de cotation par le régulateur britannique du secteur, la FCA, en juillet dernier. "La simplification du régime d'admission à la cote devrait entraîner une augmentation du nombre d'introductions en Bourse", affirme Russ Mould, directeur des investissements au sein de AJ Bell. Dans ce contexte, le groupe Canal+ pourrait marquer le premier jalon d'un cycle favorable en rencontrant "un vif succès auprès des investisseurs si la valorisation est attrayante", estime M. Mould. La société française "pourrait rapidement rejoindre le FTSE 100", c'est-à-dire l'indice des cent entreprises les mieux capitalisées à la Bourse de Londres, selon l'analyste. L'hypothèse d'une introduction à 50 milliards de livres l'année prochaine du géant de la "fast fashion" Shein à la Bourse de Londres est par ailleurs aussi "actuellement en discussion", rappelle Susannah Streeter.