Les professionnels du doublage s’inquiètent du développement de l’IA
Scandant "l'IA dehors, les voix sont nos trésors", une centaine de comédiens de doublage se sont rassemblés mardi à Paris pour réclamer des protections contre l'intelligence artificielle, capable de cloner des voix et de traduire des vidéos en plusieurs langues.
Munis de pancartes aux couleurs du mouvement "#Touchepasmavf", les manifestants répondaient à l'appel de l'association Les Voix et de leurs syndicats (SFA-CGT, CGT Spectacle, SNAPAC-CFDT, SNLA-FO, SNAJ-CFTC, SIA-UNSA, fédération UNSA-SPECTCOM), en pleine négociation avec les sociétés de doublage et leurs commanditaires, de Netflix à TF1 en passant par Universal. "En attendant d'éventuelles évolutions législatives, nous exigeons des protections - dans nos conventions collectives et dans nos contrats – afin d'interdire l'utilisation de notre travail pour entraîner les systèmes d'IA et créer des voix synthétiques, reconnaissables ou non", résument les syndicats dans un communiqué. "Nous ça fait 35 ans qu'on fait les Simpson", a rappelé à l'AFP Philippe Peythieu, la voix française d'Homer Simpson, venu avec son épouse Véronique Augereau, celle de Marge. "L'IA peut puiser dans le film, dans les nombreux épisodes de la série et refaire des épisodes sans nous (...) il n'y aura pas ce facteur émotionnel que nous on amène, mais on veut se protéger (...) qu'on nous demande notre consentement et qu'on monnaie notre consentement", a résumé le comédien. Syndicats et entreprises du secteur négocient sur le sujet "depuis un an et demi", selon Olivia Luccioni, du SFA-CGT.
A ce stade, les syndicats souhaitent acter un refus de l'utilisation de l'IA dans les contrats des comédiens. "Après on sera obligé d'attaquer sur une deuxième jambe. On sait que l'IA va arriver, il faudra peut-être céder nos droits mais dans des cas bien particuliers" moyennant une rémunération adaptée, explique Olivia Luccioni. De telles mesures n'empêcheront pas les studios étrangers, notamment américains, de proposer à terme des films doublés directement en français grâce à l'IA, en clonant par exemple les voix des acteurs d'origine. D'où un "deuxième volet d'action" auprès des parlementaires et du ministère de la Culture, appelés à légiférer sur le sujet. "L'emploi du doublage en France c'est 15.000 personnes" (comédiens, auteurs, ingénieurs du son, etc.), fait valoir Patrick Kuban, le co-fondateur de l'association Les Voix, rappelant que "85% des films étrangers sont vus en VF" au cinéma. En mai, les comédiens de doublage s'étaient déjà mobilisés dans une vidéo sur les réseaux sociaux, relayant la pétition "#Touchepasmavf", qui compte plus de 150.000 signatures.