Des organisations pressent le gouvernement de muscler le secret des sources des journalistes
Reporters sans frontières, les syndicats SNJ et CFDT, et d'autres réclament notamment de "créer un délit d'atteinte au secret des sources".
Plus de 80 organisations de presse demandent lundi au gouvernement de "garantir la protection du secret des sources", avant la possible mise en examen d'une journaliste du média d'investigation Disclose visée par une enquête sur des atteintes au secret défense. Ariane Lavrilleux est convoquée vendredi par une juge d'instruction, a indiqué Disclose, qui dénonce "un nouveau cap" franchi "dans les pressions exercées contre les journalistes qui enquêtent sur des affaires d'Etat". Le secret des sources est protégé depuis 2010 par la loi Dati. Mais "insuffisamment protecteur, le cadre légal actuel est désormais abusé ou contourné", plaident ces organisations, dont l'ONG Reporters sans frontières, les syndicats SNJ et CFDT, l'association du Prix Albert Londres et une série de médias dont StreetPress et Médiacités.
Dans un courrier ouvert au Premier ministre, ainsi qu'aux ministres de la Culture, de l'Intérieur, de la Justice et des Armées, ces organismes présentent cinq propositions, élaborées par un groupe de travail constitué de journalistes et de juristes spécialistes du droit de la presse. Depuis la loi Dati, il est possible de lever le secret des sources en invoquant un "impératif prépondérant d'intérêt public", qui est mal circonscrit.
"Il est impératif de restreindre le champ" de cette notion, soulignent les organisations signataires. Elles réclament aussi que "tout acte d'investigation - comme les perquisitions, géolocalisations, etc. - pouvant porter atteinte au secret des sources fasse l'objet d'une autorisation préalable d'un juge indépendant".
Un projet de loi issu des EGI ?
Les organisations demandent en outre que "d'autres personnes que les journalistes puissent s'en prévaloir", comme les auteurs d'ouvrages d'investigation ou les réalisateurs de documentaires. Il s'agirait aussi de "créer une voie de recours qui permettrait aux journalistes dont les sources ont été illégalement découvertes de pouvoir demander la nullité des actes d'investigation concernés".
Enfin, il faudrait selon elles "créer un délit d'atteinte au secret des sources". Ces pistes recoupent pour partie des recommandations des Etats généraux de l'information (EGI) en septembre. La ministre de la Culture, Rachida Dati, a depuis indiqué que ses services travaillaient à un projet de loi issu des EGI. "Il faudra, bien sûr, aller plus loin" que la loi de 2010, "parce qu'il y a autour de cette protection des sources un enjeu lié au numérique et aux réseaux sociaux", a-t-elle déclaré devant le Sénat en octobre.