Marie-Anne Denis (APEM) : "ne jamais baisser les bras" pour l'éducation aux médias
La fin du mois d’octobre est marquée par une semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l'information (EMI) qui se tiendra en Jordanie du 23 au 25 octobre. Qu’en est-il aujourd’hui en France ? CB News interroge tout au long du mois les grands acteurs concernés pour dresser un état des lieux.
Après Jean-Philippe Baille, directeur de franceinfo et de l’information de Radio France, place aujourd'hui à Marie-Anne Denis, présidente de l’Association pour l’éducation aux Médias (APEM) et directrice générale de Milan Presse.
CB News : Vous venez d’être nommée présidente de l’APEM (Association pour l’éducation aux Médias qui réunit l’Alliance de la Presse d’Information Générale et du Syndicat des Editeurs de la Presse Magazine). Comment envisagez-vous votre mission ?
Marie-Anne Denis : L’important est de coordonner, fédérer et maintenir l’effort des éditeurs de presse en termes d'EMI afin d’être connu de tous. En tant que directrice générale de Milan Presse, je pars de mon expérience pour faire émerger des initiatives et des bonnes pratiques. Nous éditons par exemple 1jour1actu, le journal à hauteur d’enfant qui fournit beaucoup d’outils pour les enseignants. Cela est mis à disposition de l’APEM pour donner des idées et enrichir les contenus.
CB News : Que représente la semaine mondiale de l’EMI pour vous ?
Marie-Anne Denis : L’élan pour nos actions à l’APEM sont la Semaine de la presse et des médias dans l'École, organisée fin mars par le CLEMI et les États généraux de l’information qui viennent de débuter. Nous voulons nous y inscrire de manière forte en émettant des propositions sur lesquelles nous sommes en train de travailler. Ce sont nos deux grands rendez-vous de l’année.
CB News : Quels sont les axes de travail que vous voulez relayer au sein des États généraux de l’information ?
Marie-Anne Denis : Nous voulons dire que l’EMI se fait à tout âge et dans tous les milieux, pas seulement à l’école. Il faut aussi coordonner et faire valoir le travail des éditeurs de presse. Parmi les initiatives qui gagnent à être valorisée, il y a le pass Culture collectif que les établissements scolaires peuvent utiliser pour financer des séances d’EMI dans les classes. Il faut aussi professionnaliser les interventions dans les classes à travers des formations certifiantes comme le certificat de compétences professionnelles Interbranche Eduquer aux médias et à l'information créé par la CPNEF en 2022.
CB News : L’une des principales actions de l’APEM se traduit par des interventions en classe. Quels retours avez-vous ?
Marie-Anne Denis : Les enseignants ont envie de s’accaparer de l’EMI, mais ils manquent d’outils. Lorsque nous proposons des séances clé en main, pour réaliser un média scolaire ou engager un débat, les enseignants attendent cette aide extérieure. Nous sommes également très présents en région à travers notre réseau de 80 éditeurs et plus de 500 titres sur tout le territoire.
CB News : Avez-vous réalisé des interventions en classe, quelles différences relevez-vous entre établissements ?
Marie-Anne Denis : Je n’en fais pas à titre personnel. L’idée est de se mettre à disposition du public : en primaire, on décode les notions de l’information, tandis qu’au collège on aborde les questions de fake news, des réseaux sociaux... Lors des interventions, ils ont beaucoup de curiosité et ont envie de savoir comment l’information est traitée. Il n’existe pas forcément de différence entre établissements, cela dépend davantage de la volonté des enseignants de développer ou non l’EMI.
CB News : L’une des solutions serait-elle de rendre obligatoire l’EMI en classe, comme l’a préconisé un rapport parlementaire au début de l’année ?
Marie-Anne Denis : Nous demandons beaucoup de choses à l’école et un enseignant n’a pas vocation à tout traiter. Je ne suis pas certaine aussi que des heures peuvent être rajoutées au programme. Puis, l’EMI peut se faire dans toutes les matières puisqu’il s’agit d’apprendre à exercer son esprit libre. Plus qu’une question d'heure, il s’agit davantage d’attitude. Puis l’EMI ne se limite pas au cadre scolaire.
CB News : Que proposez-vous en dehors du cadre scolaire ?
Marie-Anne Denis : Nous travaillons avec les mouvements d'éducation populaire sur l’actualité en débat. Nous allons également lancer un dispositif autour des Jeux olympiques.
CB News : Vos actions sont très dirigées envers les jeunes, quelle place pour les ainés ?
Marie-Anne Denis : Pour les adultes, nous mettons en place une caravane de l’information avec l’alliance de la presse d’information générale : nous partons à la rencontre du public pour débattre de l’information en région d’ici l’année prochaine.
CB News : Cette année, les Rencontres de l'APEM ont porté sur "Quel discours sur la presse à l'heure de l'IA ?". Pourquoi ce thème est important ?
Marie-Anne Denis : L’intelligence artificielle va encore étendre la difficulté à reconnaître la vrai et la fausse information. Elle pose aussi des questions sur le métier : jusqu’où pouvons-nous avoir recours à l’IA pour utiliser un texte, qu’en est-il des droits d’auteur, quelles sont les limites... Il faut former les journalistes et aider à travailler sur l’éthique du métier. Le sujet est assez nouveau et tout le monde doit le prendre en considération.
CB News : Comment éduquer alors que la défiance envers les médias est autant présente dans la société ?
Marie-Anne Denis : Encore une fois, il faut travailler à tous les âges de la vie en commençant très tôt. Cela passe aussi par les familles : pour les 13-17 ans, la première source d’information sont les parents. Il faut que les parents soient concernés et normaliser les débats au sein de la famille. Puis, nous devons travailler l’éthique du journaliste, dire ce qu’est ce métier. Et ne jamais baisser les bras.