Jean-Claude Decaux, l'homme qui meublait les villes
Inventeur de l'Abribus et promoteur du vélo en libre-service, l'autodidacte Jean-Claude Decaux, décédé vendredi à l'âge de 78 ans, avait fait en cinquante ans du groupe qui porte son nom le numéro un mondial du mobilier urbain et de la publicité dans les transports. Né le 15 septembre 1937 à Beauvais (Oise) dans une famille modeste, cet entrepreneur toujours tiré à quatre épingles disait n'avoir "jamais envisagé de travailler autrement qu'à son compte". "Parce que j'avais un caractère impossible", confiait-il en 2009. Il a découvert l'affichage publicitaire à l'âge de 15 ans, en couvrant les murs de sa ville natale de publicités vantant le magasin de son père dont il s'occupait pendant les vacances. Une expérience qui lui permet de devenir colleur d'affiches pour d'autres commerçants avant de monter sa propre affaire à l'âge de 18 ans --trois ans avant la majorité de l'époque. Une taxe sur la publicité routière hors agglomération met fin à l'aventure mais lui permet de créer ce qui sera la première pierre de son succès. En 1964, il propose aux villes d'installer ce que l'on appelait encore des aubettes --ces abris permettant aux usagers des transports en commun d'attendre au sec l'arrivée du véhicule-- contre la gestion des affiches publicitaires: l'Abribus (marque déposée) était né, qui passera dans le langage courant. C'est le début de la conquête. Après Lyon, les grandes moyennes et petites agglomérations adoptent les Abribus, puis progressivement la gamme de mobilier urbain (conteneurs de verres ou de piles, les kiosques à fleurs et à journaux, bancs publics, candélabres, etc.) que la société invente. Car l'une des caractéristiques de l'entreprise et de son fondateur est la passion pour l'innovation qui le poussera aussi à inventer la Sanisette : les premiers exemplaires de ces toilettes publiques à entretien automatique ont été installés à Paris en 1980. Il est vrai que la propreté est une obsession pour Jean-Claude Decaux qui dès les débuts, organise le nettoyage systématique de ses mobiliers. Des édicules pour lesquels il fait appel aux plus grands designers comme aussi le design comme Norman Foster, Patrick Jouin ou Jean-Michel Wilmotte. En 1999 , Jean-Claude Decaux rachète l'afficheur Avenir au groupe Havas et entre ainsi dans la publicité dans les transports, un segment sur lequel JCDecaux est devenu numéro un mondial. Le groupe revendique également le premier rang européen de l'affichage grand format.
Patriarche passionné de vélo et sensible aux aspects environnementaux, Jean-Claude Decaux a également été à l'origine du vélo en libre-service --dont Vélo'v à Lyon et Vélib' à Paris, lancés en 2005 et 2007--, toujours financé par la publicité. L'entrepreneur réputé proche de la droite, sorti de sa semi-retraite pour négocier le contrat parisien, lui prédisait alors "un succès colossal". La suite lui donnera raison. Jean-Claude Decaux n'a jamais caché son obsession pour la propreté, un héritage de sa grand-mère. Il en fera sa marque de fabrique puisque chacun de ses services s'accompagne de prestations d'entretien-maintenance. Au siège de son entreprise à Plaisir, en région parisienne, il priait ses collaborateurs de garer les voitures nez contre le mur pour éviter que les pots d'échappement ne noircissent les murs. Le patron a présidé à l'entrée en Bourse de son groupe JCDecaux en 2001, un an avant de passer le relais à ses deux fils aînés, Jean-Charles et Jean-François. La famille détient encore plus de 71% du capital d'un groupe qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de plus de 3,2 milliards d'euros. Jean-Claude Decaux a quitté ses fonctions de président du conseil de surveillance en 2013, à l'âge de 75 ans, non sans leur répéter que "ce qui vaut la peine d'être fait vaut la peine d'être bien fait". Il était resté président d'honneur du groupe qu'il a fondé.