Enfants et écrans : le Sénat veut mettre le hola
Comment protéger les moins de trois ans de l'omniprésence des écrans dans le cercle familial ? Le Sénat vote ce mardi sur une proposition de loi qui apporte une première réponse, jugée prématurée par le gouvernement. Le texte, adopté à l'unanimité en commission, vise "à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans". Dans cet objectif, il crée "une obligation pour les fabricants d'outils et de jeux numériques" comportant un écran d'apposer sur leurs emballages "un message avertissant des dangers pour le développement des enfants de moins de trois ans". Il "traduit les alertes lancées par de nombreux pédiatres, psychiatres, professionnels de santé et de la petite enfance, ainsi que l'Académie des sciences sur les conséquences de l'exposition des jeunes enfants aux écrans pour leur développement", a expliqué son auteure et rapporteure, Catherine Morin-Desailly (centriste). "Pas d'écran avant trois ans" : c'est le principe posé il y a déjà dix ans par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lorsqu'il avait décidé d'interdire les programmes télé destinés aux moins de trois ans, au moment où des chaînes anglo-saxonnes dédiées aux bébés avaient cherché à s'installer en France. Dix ans plus tard, les écrans se sont multipliés. On en compte désormais en moyenne plus de cinq par foyer, selon l'Observatoire de l'équipement audiovisuel des foyers. "S'il ne faut pas culpabiliser les parents, il ne faut pas ignorer les risques qui pèsent sur les jeunes enfants", avait déclaré le 18 octobre la ministre de la Santé Agnès Buzyn devant les députés, évoquant des "conséquences sur le développement du cerveau, l'acquisition du langage et le niveau de concentration" ou des problèmes de santé physique comme les "troubles du sommeil et de la vision".
Des données encore trop partielles…
Pour autant, lors de l'examen en commission de la proposition de loi de Mme Morin-Desailly, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Santé, Christelle Dubos, a jugé que les études mentionnées à l'appui de ce texte "ne constituent que des données encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable". Le psychiatre Serge Tisseron, spécialiste de la question, qui soutient la proposition de loi, explique lui qu'"il n'y a pas et il n'y aura jamais la démonstration de ce qu'on appelle en sciences la +dangerosité+". "En revanche, il y a un faisceau de présomptions qui concordent pour dire qu'une utilisation excessive des écrans présente de grands risques". "L'idée, c'est de faire changer les esprits", a-t-il déclaré à l'AFP, prévoyant "une levée de boucliers massive des fabricants de produits numériques" qui "craignent que les parents se mettent à réfléchir". "Les parents qui ont l'intuition qu'il y a un problème ont besoin d'être confortés dans leur certitude face à tous les lobbies, que oui, il y a bien un vrai problème de santé publique pour les petits", renchérit Mme Morin-Desailly. Le texte prévoit également que "toute publicité pour des télévisions, smartphones, ordinateurs portables, tablettes et jeux numériques", quel que soit son support, devra être assortie d'un message sanitaire, à l'image de ce qui existe déjà pour les produits alimentaires.