Décryptage de la plainte contre McDonald's pour pratiques commerciales trompeuses

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L'UFC-Que Choisir a déposé plainte pour "pratiques commerciales trompeuses" contre McDonald's France, après avoir repéré sur les réseaux sociaux des "formes" de partenariats commerciaux impliquant de jeunes influenceurs. Le groupe américain dément et envisage de déposer plainte à son tour "pour poursuite abusive". Pourtant tout, sur le papier, semblait vertueux. McDonald's fait en effet partie de l’EU Pledge, une initiative volontaire des principales entreprises du secteur du secteur alimentaire, pour modifier les pratiques publicitaires auprès des enfants. Isabelle Wekstein-Steg, fondatrice du Cabinet Wan Avocats, avocate à la Cour et spécialiste en propriété intellectuelle, corporate et droit du travail, nous aide à y voir plus clair dans cette affaire.

1) Comment cette affaire illustre les problématiques d’un vide juridique en matière de régulation des pratiques commerciales sur les réseaux sociaux et sur le statut d’influenceur ?

Isabelle Wekstein-Steg : S’il n’existe pas à proprement parler de réglementation juridique pour le marketing d’influence sur les réseaux sociaux, on ne peut pas pour autant parler de vide juridique dans la mesure où l’ensemble des règles de droit français sur la publicité et la protection des consommateurs a bien vocation à s’appliquer aux contenus postés par les influenceurs. Ainsi les dispositions de l’article L.121-1 du code de la consommation qui énoncent que les pratiques commerciales déloyales sont interdites, sont applicables, ou encore plus précisément celles de l’article L.121-2, 3° selon lesquelles « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable ». On peut également faire état de l’application de l’article 20 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique portant sur la publicité accessible par un service de communication en ligne prévoyant que toute publicité doit être identifiée comme telle. La Cour de cassation a déjà pu juger que le fait que l’intermédiaire qui relaie le contenu publicitaire soit un internaute ordinaire qui s’adresse à son « réseau d’amis » n’enlève en rien le caractère publicitaire de son contenu (Cass. Civ 1ère, 3 juillet 2013, n°12-22.633).

2) Que risque McDonald's France ?

Isabelle Wekstein-Steg : La plainte déposée par UFC Que Choisir contre Mcdonald’s pour « pratiques commerciales trompeuses », semble au vu des éléments communiqués dans les médias, être fondée sur les dispositions du code de la consommation et en particulier son article L.121-1. Les sanctions en cas de condamnations sont assez lourdes puisque le recours à une pratique commerciale trompeuse est puni d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans et une d’amende allant jusqu’à 300.000 euros (article L 132-2 du code de la consommation). Le montant de cette amende « peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit ». On relèvera que la DGCCRF a déjà estimé, pour condamner une influenceuse dans une affaire similaire, que « Le défaut d'indication du caractère publicitaire de sa publication (par un logo, ou une mention orale ou écrite par exemple) constitue une pratique commerciale trompeuse ».En l’espèce s’il était avéré que les influenceurs ont bien réalisé une publicité pour Mcdonald’s sans indiquer l’existence d’un partenariat commercial, ce qui semble être le cas lorsqu’on regarde la vidéo diffusé sur YouTube, on peut penser que les juges suivront le même raisonnement.

3) Comment mieux réguler la publicité émanant des influenceurs ?

Isabelle Wekstein-Steg : Les normes juridiques applicables aux influenceurs en matière de publicité pourraient être renforcées en rendant les recommandations de l’ARPP plus contraignantes. Dans sa quatrième version, la recommandation de l’ARPP sur la communication publicitaire comporte en effet des préconisations sur l’identification de la publicité (par exemple l’identification du caractère commercial d’un contenu par une formulation spécifique telle que « contenu sponsorisé »  ou «publicité » etc.) et l’identification de l’annonceur qui sont assez précises et pourraient être rendues obligatoires. L’existence d’une collaboration entre un influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu promotionnel devrait ainsi systématiquement être portée à la connaissance du public, sous peine de sanctions spécifiques avec une attention particulière portée aux influenceurs mineurs qui sont de plus en nombreux à intervenir sur les réseaux sociaux.

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