Le sans glu passera-t-il l’année - et le periph’ ?
Il en est de certaines maladies comme des revers de pantalon : la mode en dicte la nature et la longueur. L’intolérance au gluten, de ce point de vue, nous a bien surpris. En voilà une qu’on ne voyait pas venir. Sa discrétion durant les 600 000 dernières années est à la mesure de l’hystérie qui la caractérise depuis quelques mois. Empruntant aux complotistes leurs accents de lanceurs d’alerte éclairés sur l’air de : « foules aveugles, vous ne comprenez donc pas ce qui se trame », les zélotes de l’anti-gluten nous renverseraient bien les tables des restaurants si leurs petits bras les leurs permettaient. A les écouter, un gressin suffirait à rayer Nagasaki de la carte –Hiroshima, désolé, déjà fait par l’intolérance au lait. Exagération, certes, mais il est demandé un billet d’humeur, si on se lance avec: « Le sans gluten, une demande consommateur certes minoritaire mais à laquelle la GD répond d’ores et déjà de façon significative » on va se croire dans Les Echos. Sérieusement, le vrai sujet de ce billet c’est l’indécence. Que l’industrie alimentaire suive l’évolution et les progrès de la médecine, ce n’est que du bon sens. On vit plus vieux, on s’affine, on se découvre des maux inédits, des démangeaisons, des allergies que la peste et les ravages apocalyptiques nous avaient cachés jusque là. Encore une fois, ce qui choque avec la mode du sans gluten c’est une forme d’indécence, un côté maladie de riches. Cela nous rappelle François Hollande et sa mauvaise idée de se lancer dans un régime avant les présidentielles de 2012. Le genre de gars élevé en plein air à Neuilly qui ne voit pas l’indécence que cela représente de se forcer à moins manger pour se faire élire par des gens dont le problème est de remplir leur frigo à la fin du mois. Le sans gluten peut ainsi avoir des airs de petit épeautre: un truc de snob qui vivra le temps d’une collection de prêt à porter. En somme, ce qui embête dans le « sans glu », le vegan, l’intolérance au lait, ce n’est pas tant qu’on en parle, c’est qu’on en parle trop. Car le vrai scandale alimentaire reste de ne pas manger ou de manger mal faute de moyens : 15 % d’obèses en moyenne en France – contre 1% de personnes susceptibles d’intolérance au gluten. Et dans les régions Haute-Normandie, Picardie, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Centre et Poitou-Charentes, plus de 50% des gens sont en surpoids faute d’avoir les moyens de manger correctement. A part cela, vous reprendrez bien une biscotte au petit épeautre ?
Gabriel Gaultier, président de Jésus, l'agence bouffe