François Loviton (Google) : « les marques doivent se positionner en repère »
Dans le contexte de la situation sanitaire et de la réouverture des magasins à l'approche des fêtes de fin d’année, la période est cruciale pour les commerçants. Google veut s’afficher à leurs côtés en les aidant à mieux communiquer. Explications avec François Loviton, directeur Retail chez Google France.
Le retail a fortement été impacté : comment voyez-vous le futur du secteur ?
Trois tendances majeures se dégagent : tout d’abord l’accélération de l'e-commerce et son intégration au cœur de la stratégie « omnicanale » des commerçants : les ventes sur internet des enseignes magasins de janvier à septembre ont augmenté de +41% (source FEVAD). Aussi, le e-commerce a permis un report de la moitié des ventes qui auraient dû avoir lieu en magasin pour certaines enseignes. Cette accélération se poursuit sur le dernier trimestre. Pour 2021, pour beaucoup d’enseignes ce sera l’objectif numéro 1 : accélérer sur le e-commerce. La seconde tendance est l’importance fondamentale pour les enseignes d’avoir une marque forte et notamment sur le numérique. L’analyse de la récession de 2008 avait montré que les marques fortes s’étaient montrées beaucoup plus résilientes, et que leur communication leur avait permis de s’en sortir 9 fois plus vite que les autres. La troisième tendance majeure concerne la donnée et la connaissance de ses clients. Reconquérir des clients, les faire revenir en magasin, développer des parts de marchés tout en reconstituant ses marges vont nécessiter pour les enseignes une maîtrise de leur données clients, dans le respect de la vie privée.
Comment les marques peuvent-elles communiquer durant cette période ?
Notre étude « Décoder la prise de décision » montre que les marques doivent se positionner en repère et en instrument de simplification tout au long du parcours d’achat. En effet, 58% des consommateurs français interrogés dans notre étude déclarent avoir des difficultés à trouver le produit qu'ils cherchent. Dans le contexte actuel, les marques font face à un double enjeu : rassurer les clients mais aussi faire preuve d’empathie : cela demande de reprendre la parole sur leur valeurs et leur mission, comme l’a fait Nike par exemple. Le numérique propose des outils qui répondent à ces enjeux que cela soit au moment de la recherche pour être présent au bon moment dans le parcours d’achat du consommateur ou via la consommation de contenu en ligne pour l’inspiration. Depuis le début de la pandémie, nous constatons par exemple une forte accélération des recherches contenant des noms de marques mais aussi des produits. Aussi au mois d’octobre, les 25-49 ans ont passé en moyenne 26 minutes par jour à regarder des vidéos sur YouTube sur mobile, desktop ou tablette, ce qui représente une augmentation de +29% d'une année sur l'autre pour les CSP+ par exemple (Source Médiamétrie, Internet vidéo).
Les petits retailers sont-ils assez digitalisés pour faire face ?
La France a un certain retard en termes de digitalisation. Il y a un vrai paradoxe : 32% des très petites entreprises n’ont pas de site internet, alors qu’il y a 40 millions d’e-acheteurs en France (Source FEVAD). Il y a pourtant une réelle appétence des consommateurs pour la recherche de commerces en ligne : 4 consommateurs sur 5 utilisent les moteurs de recherche pour trouver des informations sur des entreprises telles que les horaires d'ouverture, les adresses et les coordonnées. Et la majorité des petites entreprises présentes sur Google en France n’ont pas mis à jour ou complété leur profil d’établissement gratuit, or ceux qui disposent de profils d’établissement complets sur Google enregistrent en moyenne 7 fois plus de clics et reçoivent 11 fois plus d’appels téléphoniques. Forts de ces constats et face à l’urgence économique, la FFAC et Google France ont décidé d’unir leurs expertises afin de répondre rapidement aux défis auxquels font face les commerçants de proximité dans un contexte de crise. Nous avons donc lancé « Ma Vitrine en Ligne » proposant un service de coaching personnalisé : une équipe de spécialistes du numérique établit un diagnostic personnalisé et guide les commerçants 6 jours sur 7, de 8h à 20h, par téléphone ou visioconférence. Nous avons aussi mis à disposition des formations ainsi que nos outils gratuits qui permettent de simplifier la visibilité en ligne et d’amplifier l’activité des commerçants.
La continuité vente en ligne et vente en magasins est-elle l’avenir du retail ?
En effet les frontières vont continuer de s’effacer. Depuis le début de la pandémie, les consommateurs sont plus flexibles quant à leur décision d'acheter en ligne ou hors ligne : 73% d'entre eux déclarent qu'ils ne sont pas attachés à un canal en particulier (contre 65% avant la crise). Les consommateurs vont continuer à acheter en ligne et en magasin, et cela nécessitera donc une expérience plus hybride. Le besoin d’instantanéité progresse lui aussi fortement (les recherches du type « disponible autour de moi » ont augmenté de plus de 100% dans le monde depuis l'année dernière sur Google). Demain, les consommateurs se tourneront vers les commerçants proposant une expérience numérique efficace. Pour autant, l’envie d’aller en magasin n’est pas vouée à diminuer. Le numérique représente donc une opportunité complémentaire de l’expérience d’achat : 81% des consommateurs interrogés attendent d’ailleurs des marques qu’elles facilitent la visite en magasin à travers des systèmes de « queues digitales » ou de rendez-vous personnalisés.
Les fêtes de fin d’année suffiront-elles selon vous à redresser la barre ?
Comme je le disais, nous avons constaté lors des deux confinements, que pour les acteurs qui font du e-commerce ont pu bénéficier d’un report de la moitié des ventes qui auraient dû avoir lieu en magasin, donc c’est effectivement un bon amortisseur. Les enseignes ont également beaucoup gagné en réactivité entre le premier et le second confinement ce qui permet d’être plus flexible et résilient sur le long-terme. Un des enjeux pour les fêtes cette année pour les marques, va être d’arriver à concilier cette double attente du consommateur, à la fois en quête de sens et à la recherche de prix attractifs compte tenu du contexte économique, nous avons d’ailleurs vu sur Google une augmentation de +15% sur les requêtes « promos » en cette période de Black Friday par rapport à l’année dernière ; donc cela peut continuer pour les fêtes jusqu’aux soldes.
Quelles nouvelles tendances peuvent émerger post-crise ?
La première tendance post-crise est le renforcement de la dimension locale, à la fois recherchée par les consommateurs et à la fois liée au contexte sanitaire. Depuis le premier confinement, les recherches contenant « acheter local » ou « fabriqué en france » ont augmenté de 100% par rapport à la même période l’année dernière sur Google. On estime aussi qu’il y aura un repli sur les marques préférées, qui pour autant doivent prouver qu’elles innovent, et qu’elles ont un sens. D’où l’importance aussi d’humaniser la marque et de trouver des nouveaux canaux de communication. On note d’ailleurs l’importance de la vidéo pour garder le lien et innover dans sa communication avec ses consommateurs comme ont pu le faire Carrefour, ou encore Lidl et Leroy Merlin . Et enfin la dernière tendance post crise sera évidemment liée aux budgets fragilisés et donc une appétence pour les promotions. Si les différents parcours d’achats s’enrichissent et se complètent grâce au numérique, c’est une formidable opportunité pour les commerçants pour encore mieux comprendre leurs clients, pourquoi ils sont fidèles et pour personnaliser leur offre.